Jeff Gorton aura de nombreux dossiers épineux à régler dans les premiers mois de son règne, de la nomination de son directeur général à l’avenir de Carey Price et de ses vétérans en passant par le statut de Dominique Ducharme au terme de la saison.

Parmi les espoirs, il devra aussi convaincre Jordan Harris, ce choix de 3tour du CH en 2018 qui conclut sa carrière universitaire cette saison, de s’entendre avec le Canadien plutôt que de devenir joueur autonome. Mais plus discrètement, un autre joueur vit une situation similaire : c’est Brett Stapley, un lointain choix de 7tour (190e rang) en 2018. Comme pour Harris, la présente saison est sa quatrième et dernière dans la NCAA.

Stapley, un attaquant qui porte les couleurs de l’Université de Denver, a fait parler de lui dernièrement. Le 31 décembre, il a réussi ce but.

Voyez le but de Brett Stapley

Le lendemain, encore contre l’Université de l’Alaska à Fairbanks – qui n’est pas exactement une puissance, précisons-le –, Stapley a inscrit un but et trois passes. C’était son deuxième match de quatre points en un mois, et il a par conséquent été nommé joueur universitaire du mois aux États-Unis.

Avec 22 points (8 buts, 14 passes), il vient à égalité au 2rang de son équipe, mais il est aussi un des plus vieux du groupe ; il aura 23 ans en février.

De bons mots pour Stapley

Rob Ramage aime Stapley depuis longtemps. Même qu’à l’automne 2020, le directeur du développement des joueurs du Canadien avait identifié ce Britanno-Colombien comme un espoir sous-estimé de l’organisation. Après quoi le malheur s’était acharné sur Stapley, qui a dû subir des opérations aux deux épaules.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Rob Ramage, directeur du développement des joueurs du Canadien, en 2018

« Je touche du bois, je ne veux pas lui porter malheur, mais c’est très important qu’il reste en santé, a rappelé Ramage, en entrevue téléphonique.

« Il a connu une excellente première saison et a ouvert bien des yeux avec son intelligence et ses instincts. L’avantage numérique tournait autour de lui. Ensuite, il a été opéré aux deux épaules et ça l’a fait reculer. »

Mais ces temps-ci, je revois sa confiance de la première année, ses instincts offensifs sont revenus. Il ressemble au vieux Brett, qui était en fait le jeune Brett !

Rob Ramage, directeur du développement des joueurs du Canadien

« Il a vraiment un impact. Il a pris une autre coche de confiance, estime David Carle, entraîneur-chef des Pioneers. Il est meilleur aux mises en jeu, meilleur en possession de la rondelle et ça lui permet de créer de l’attaque. Ce sont ces facteurs qui expliquent sa production. »

Un signe

Ce qui complique la donne, c’est le changement d’administration chez le Canadien. Marc Bergevin n’y est plus, tout comme Trevor Timmins, ancien responsable du repêchage. Bref, ceux qui ont cru en Stapley sont partis.

« Je vois ça comme une occasion, fait valoir Stapley, en visioconférence avec La Presse. De toute façon, ces changements sont indépendants de ma volonté, donc je ne change pas mon approche. Je continue à travailler fort afin d’impressionner la nouvelle administration. »

PHOTO JUSTIN TAFOYA, CLARKSON CREATIVE (UNIVERSITY OF DENVER ATHLETICS)

Brett Stapley (7)

Stapley n’a pas encore eu de contact avec cette « nouvelle administration ». Il faut dire que du côté hockey, la seule nouveauté pour l’heure est Gorton, pour qui le dossier Stapley n’est sans doute pas sur le dessus de la pile.

Stapley n’a pas encore parlé à Gorton, mais Ramage, lui, l’a fait. Il a profité de son passage à Montréal à la mi-décembre pour rencontrer le nouveau patron hockey du CH. Ramage assure que ni son mandat ni ses priorités n’ont changé.

Un détail intéressant, par contre. Ramage dit avoir vu jouer Stapley deux fois, la dernière fois contre l’Université du Minnesota à Duluth, que Denver a affrontée les 10 et 11 décembre, soit après l’embauche de Gorton. Il prévoit retourner voir Stapley lors des prochains matchs des Pioneers, les 14 et 15 janvier. Si Gorton avait déjà fait une croix sur Stapley, on devine qu’il aurait suggéré à Ramage de revoir son itinéraire. D’autant qu’avec 38 joueurs réclamés par le Canadien lors des 4 derniers repêchages, Ramage ne manque pas d’ouvrage !

La présence de Ramage est d’autant plus importante qu’il est le lien le plus fort que Stapley entretient avec l’organisation. N’oublions pas que la pandémie a forcé l’annulation des deux derniers camps estivaux de développement. Stapley n’est donc pas venu à Montréal depuis 2019.

« J’ai appris à connaître Rob très bien. Je dirais que notre lien est fort, explique Stapley. Il m’aide beaucoup depuis quatre ans. Ma relation avec lui est excellente. »

Le championnat comme objectif

Quoi qu’il arrive à Montréal, les Pioneers visent évidemment un championnat national. Ils ont atteint le fameux Frozen Four, le carré d’as, à la première saison de Stapley, en 2018-2019.

L’équipe avait de grandes ambitions l’année suivante, mais le tournoi a été annulé pour les raisons que l’on connaît. En 2021, l’Université de Denver a été éliminée en demi-finale de la conférence NCHC.

L’équipe pointait au 6rang des programmes nationaux lors de la dernière mise à jour du classement. Tout est possible pour l’Université de Denver. « [Gagner un championnat], ce serait spécial, surtout avec les deux dernières saisons qui ont vraiment été perturbées par la COVID-19 », souligne Stapley.

Le calendrier 2021-2022 de la Ligue nationale et de la Ligue américaine s’étirera jusqu’à la fin avril, en ces circonstances particulières. La finale du championnat national est prévue le 9 avril. Quoi qu’il arrive, Stapley pourrait donc avoir le beurre et l’argent du beurre : un long parcours au tournoi de fin de saison et quelques matchs dans les rangs professionnels. Encore faut-il qu’il s’entende avec le Canadien, ou que l’équipe l’échange à une équipe disposée à lui accorder un contrat.

« Je n’ai pas de boule de cristal », dit Ramage

Rob Ramage n’est pas dupe : il sait bien que l’arrivée d’une nouvelle administration crée de l’incertitude dans des départements comme le sien. Jeff Gorton a dit vouloir investir dans le développement des joueurs, ce qui laisse croire que des ressources s’ajouteront. Mais le nouveau vice-président aux opérations hockey du Canadien pourrait très bien aussi vouloir embaucher « son » monde. « Je n’ai pas de boule de cristal. Mais je comprends que c’est la nature de notre métier, a convenu Ramage. Je sais qu’on a de très bons jeunes qui s’en viennent. C’est un honneur pour moi de travailler avec de tels jeunes. » Pour l’heure, il assure que l’arrivée de Gorton n’a pas changé son travail. Mais la flambée des cas de COVID-19, si. Établi aux États-Unis, Ramage ne se permet plus des voyages éclair d’une soirée au Canada, le temps de voir un match. « Si je traverse, je n’ai pas le temps de me faire tester et de revenir rapidement », précise-t-il. C’est pourquoi, par exemple, il a dû faire l’impasse sur le premier match de Logan Mailloux vendredi, à London.