Une douzaine de Québécois se sont joints dans les dernières semaines au recours collectif contre la Ligue nationale de hockey (LNH), a appris La Presse. Mais ces anciens joueurs, qui se disent victimes des commotions cérébrales, resteront dans l'anonymat.

«Il y a environ 200 plaignants désormais, et je peux vous dire qu'il y a plus d'une douzaine de ceux-ci qui viennent de votre province», a expliqué en entrevue téléphonique l'un des avocats derrière la poursuite, Steven Silverman.

Un recours collectif a été déposé en novembre dernier contre la LNH par d'anciens joueurs. Ceux-ci prétendent que la Ligue connaissait depuis des années les dangers des coups à la tête, mais ne les a pas suffisamment protégés.

La requête a été déposée par 13 anciens joueurs, aucun n'étant québécois. Ce dépôt a toutefois fait grand bruit. Résultat, dans les 3 derniers mois, environ 200 joueurs se sont joints au recours, selon l'avocat. Et parmi eux, de nombreux Québécois ayant joué dans la LNH.

Steven Silverman n'a toutefois pas voulu dévoiler leur identité. «Normalement dans un recours collectif, on dépose la plainte avec une poignée d'individus nommés. Même s'il y a des milliers d'autres personnes dans leur situation», rappelle-t-il.

«De voir que le nombre de plaignants se multiplie nous démontre que nous faisons la bonne chose. Qu'il y a tellement, tellement d'anciens joueurs qui souffrent à la suite de coups répétés à la tête, qui ont des dommages cognitifs à long terme, croit M. Silverman. Cela nous réconforte. Cela nous démontre que l'on n'est pas seulement dans la bonne voie légalement, mais aussi moralement.»

Une culture du silence

La Presse a fait plusieurs appels cette semaine pour tenter d'identifier ces plaignants. Aucun ancien joueur n'a voulu confirmer publiquement faire partie de la douzaine de Québécois qui ont communiqué avec les avocats chargés du dossier.

Ces entretiens ont toutefois permis de constater qu'un tabou entoure ce recours collectif chez les anciens joueurs. Plusieurs s'entendent pour dire que l'image de ceux qui y sont associés pourrait en pâtir.

«Les gars qui vont donner leur nom pour cette poursuite vont détruire leur nom», lance Georges Laraque, tranchant.

Chris Nilan, qui n'est pas complètement opposé au recours, pense que certains joueurs pourraient ne chercher qu'à en tirer profit. «J'ai un problème avec les gars qui voient ça comme une occasion de faire de l'argent», dit-il.

Dans ce contexte, plusieurs joueurs sont réticents à publiquement soutenir le recours. «Il y a beaucoup de joueurs qui disent: "C'est un recours collectif, je n'ai pas besoin de salir mon nom. S'ils gagnent, je vais avoir l'argent pareil." C'est vrai un peu...», explique quant à lui Gino Odjick.

Cet ancien dur à cuire confirme qu'on est entré en contact avec lui pour que son nom apparaisse parmi les plaignants (voir autre texte). «Je vais y penser», dit-il.

Les noms sur la poursuite ont changé depuis novembre. La première mouture du recours en contenait dix. Mais le joueur à la carrière la plus impressionnante du lot s'est retiré quelques jours plus tard. Ancien capitaine des Maple Leafs de Toronto, Rick Vaive a fait valoir qu'il n'avait pas bien compris la nature du recours collectif.

Les avocats ont répliqué en ajoutant 4 joueurs à une deuxième version du recours qui a été déposée le 19 février dernier et qui compte désormais 13 noms. Bob Bourne, un ancien joueur des Islanders de New York qui a gagné quatre fois la Coupe Stanley fois, est venu s'ajouter.

Steven Silverman n'a pas voulu se prononcer lorsqu'on lui a demandé si, selon lui, des réactions négatives - d'anciens coéquipiers, des amateurs ou de la Ligue - auraient pu inciter Vaive à se retirer. « Nous aimons mieux nous concentrer sur ceux qui portent plainte, a répondu l'avocat. Ils démontrent un courage exemplaire. Nous applaudissons leur courage. »

Silverman note que les anciens joueurs qui soutiennent publiquement le recours «ont pu être ridiculisés, harcelés et ostracisés», surtout au Canada. «Je trouve ça intéressant qu'il y ait eu un recours similaire dans la NFL et que personne ne démontre d'animosité envers ces joueurs de football aux États-Unis. Mais au Canada, les Canadiens semblent traiter leurs guerriers blessés d'une manière différente.»

L'ancien dur à cuire André Roy ne fait pas partie non plus des mystérieux joueurs québécois qui ont communiqué avec les avocats. «J'ai subi des commotions, mais ma carrière ne s'est pas terminée à cause de ça, dit l'ancien du Lightning de Tampa Bay. Je me sentirais un peu comme le gars qui vient profiter du gâteau.»

Mais il se porte néanmoins à la défense de ceux qui poursuivent la Ligue. «Je le sais qu'aujourd'hui, il y en a qui ont de la misère à vivre au jour le jour. Je serais content pour eux si ça pouvait les aider à se remettre sur pied. Qui va juger ces gars-là?»

***

Les 13 poursuivants connus

> Bob Bourne, 59 ans, 964 matchs dans la LNH, Gagnant de quatre Coupes Stanley, Équipes: Islanders et Kings

> Gary Leeman, 50 ans, 667 matchs dans la LNH, Gagnant d'une Coupe Stanley en 1993 avec le CH, Équipes: Maple Leafs, Flames et Canadien

> Bradley Aitken, 46 ans, 14 matchs dans la LNH, Équipes: Penguins et Oilers

> Darren Banks, 48 ans, 20 matchs dans la LNH, Équipe: Bruins

> Curt Bennett, 65 ans, 580 matchs dans la LNH, Équipes: Blues, Rangers et Flames (Atlanta)

> Richard Dunn, 56 ans, 483 matchs dans la LNH, Équipes: Sabres, Flames et Whalers

> Warren Holmes, 57 ans, 45 matchs dans la LNH, Équipe: Kings

> Robert Manno, 57 ans, 371 matchs dans la LNH, Équipes: Canucks, Maple Leafs et Red Wings

> Blair James Stewart, 61 ans, 229 matchs dans la LNH, Équipes: Red Wings, Capitals et Nordiques

> Morris Titanic, 61 ans, 19 matchs dans la LNH, Équipe: Sabres

> Bruce Bell, 49 ans, 209 matchs dans la LNH, Équipes: Nordiques, Blues, Rangers et Oilers

> Bernie Nicholls, 52 ans, 1129 matchs dans la LNH, Équipes: Kings, Rangers, Oilers, Devils et Blackhawks

> Scott Parker, 36 ans, 308 matchs dans la LNH, Équipes: Avalanche et Sharks