Le monde du golf a réagi avec émotion, samedi, à l'annonce de la disparition de Severiano Ballesteros, victime d'un cancer du cerveau. Le golfeur espagnol avait pratiquement disparu de la scène publique depuis 2008, quand on avait diagnostiqué sa maladie, mais il occupait toujours les esprits par l'ampleur de son talent et par ce que plusieurs ont qualifié de génie.

Ballesteros avait surtout le génie du spectacle. Son grand rival et ami Nick Faldo a dit de lui qu'il était «The Greatest Show on Earth» et c'est vrai que le fier Espagnol n'avait pas son pareil pour transformer une ronde de golf en une «performance». Véritable magicien avec un bâton, il avait l'habitude de dire: «L'endroit où va le coup de départ n'a pas vraiment d'importance si vous réussissez le coup roulé...»

Né en 1957 à Pedrena, petit village de la côte nord de l'Espagne, cinquième fils d'un fermier, il était doué pour le soccer, mais se passionnait pour le golf (son oncle, golfeur professionnel, avait pris part au Masters). Cadet au club voisin Real Pedrena, comme ses frères avant lui, il s'entraînait en cachette la nuit (le parcours était interdit aux cadets) et aussi sur la plage toute proche.

Champion du tournoi des cadets à 12 ans, avec un remarquable 79, il avait obtenu la permission de s'entraîner tôt le matin et en fin de journée. Après avoir quitté l'école pour de bon à 14 ans, il était devenu professionnel à 17 ans.

En 1976, à 18 ans, il est entré sur le Circuit européen, n'a raté qu'une qualification en 34 tournois et a remporté plus de 100 000$ en bourses, une importante somme à l'époque. Les amateurs l'ont découvert à l'Omnium britannique, quand il a terminé deuxième, à égalité avec Jack Nicklaus, après avoir amorcé la dernière ronde en tête.

Prêt à conquérir le monde

Après deux années partagées entre sa carrière et ses obligations militaires, il était prêt à conquérir le monde. En 1979, lors de l'Omnium britannique disputé à Royal Birkdale, il est devenu le plus jeune champion du tournoi, à 22 ans, étant le seul à jouer sous la normale.

C'est à cette occasion qu'il a frappé un fameux coup d'approche au 16e trou après avoir délibérément frappé son coup de départ dans un stationnement. Après avoir demandé de déplacer une voiture, il a pris son cocheur de sable et a frappé la balle à 18 pieds du trou. De là, il a réussi l'oiselet qui lui a assuré la victoire.

Vainqueur du Tournoi des Maîtres quelques mois plus tard à Augusta, il a remporté 3 autres tournois majeurs en carrière et 87 titres au total, mais c'est sans doute en compétitions par trous (match-play) qu'il a bâti sa légende. Au début des années 80, il a remporté quatre fois d'affilée le Championnat du monde par trous, s'imposant toujours grâce à un mélange de puissance, de coups spectaculaires et d'intimidation.

Dans ces compétitions «face à face», sa présence, sa combativité et même son agressivité le rendaient pratiquement imbattable. Il était réputé pour ne faire aucun cadeau, au mépris parfois des traditions, et n'hésitait pas à recourir à certains trucs pour perturber ses adversaires.

Ballesteros était fait pour la Coupe Ryder - LA grande compétition de match-play entre l'Europe et les États-Unis - et il y a signé plusieurs de ses plus beaux exploits. Débutant en 1979, alors que les Américains dominaient outrageusement depuis 1957, il prit part avec Faldo à la victoire historique des Européens, en 1985, au club Belfry.

Douze ans plus tard, en 1997, il était le capitaine de l'équipe lors de la première Coupe Ryder disputée en Europe continentale, à Valderrama en Espagne, et son charisme s'avéra l'élément décisif d'une victoire serrée des Européens.

Ballesteros et son compatriote Jose Maria Olazabal ont formé le meilleur duo de l'histoire de la Coupe Ryder avec 11 victoires et seulement 2 défaites en 15 matchs. Le réservé Olazabal devenait un autre homme aux côtés de son aîné et personne n'aimait affronter ces deux fiers compétiteurs.

Passion et passion

Olazabal, qui sera à son tour capitaine de l'équipe européenne de la Coupe Ryder, en 2012, a été l'un des derniers à voir son «grand frère», il y a quelques semaines. «Il n'allait pas bien, mais avait toute sa tête, a-t-il confié, dimanche, en Espagne. Nous avons parlé de nos souvenirs, de la Coupe Ryder de 1997...

«Le plus bel hommage que nous pouvons lui rendre, c'est de tenter d'aborder le golf - et la vie - avec la même passion qu'il a démontrée durant toute son existence, a poursuivi Olazabal. Ça ne rend pas justice à tout ce qu'il a accompli, mais rien ne pourra le faire.»

Ballesteros s'est fait beaucoup d'ennemis au cours de sa carrière, mais l'unanimité avec laquelle sa disparition a été pleurée montre à quel point il a contribué à l'avancement du golf. C'est un géant qui s'est éteint samedi à Pedrena.