Ils étaient près de 20 000 à se presser jeudi au circuit de Catalogne pour tenter d'obtenir l'autographe d'un pilote de Formule 1: l'effet Fernando Alonso, depuis cette saison chez Ferrari, se renforce année après année, profitant à tout le sport automobile espagnol.

Vendredi, pour les premiers essais libres qui dans d'autres parties du monde n'attirent personne ou presque, un peu moins de 34 000 spectateurs se sont déplacés en grande banlieue de Barcelone. Le Grand Prix d'Espagne est devenu un must de la F1, ce qui n'allait pas de soi, loin de là, il y a 20 ans.

En 1998, «70% des tribunes étaient remplies par des gens venant du centre de l'Europe, surtout des Allemands. Ce n'était pas vraiment un GP d'Espagne. Maintenant, c'est différent. Le pays s'implique davantage», remarque Fernando Alonso.

Pire, en 2001, «quand j'ai commencé à courir en F1, mes parents devaient regarder mes courses à la télévision allemande», raconte souvent le double champion du monde.

Des récits corroborés par Carlos Gracia, le président de la Fédération espagnole de sport automobile: «Les audiences étaient très basses. Aucune chaîne ne pariait sur la F1. Il nous donnaient presque certaines courses par compassion. On la passait la nuit, ou tôt le matin.»

Puis est arrivé le phénomène Alonso. Après une première année dans la petite équipe Minardi, couronnée par un zéro pointé, et une deuxième en tant que pilote d'essais chez Renault, l'Espagnol gagne une course au volant de la monoplace français dès sa première saison en tant que titulaire (2003).

Quatrième du Championnat en 2004, 'le prince des Asturies' est sacré en 2005 et 2006. Puis il manque d'un point le triplé en 2007. Une année qui marque le record d'affluence du GP d'Espagne. En quatre jours, pas moins de 354.700 personnes s'amassent alors autour de la piste catalane.

Alonso-dépendance?

«Il y a l'avant et l'après Fernando Alonso. Quand on a une idole, qui en plus décroche deux titres de champion du monde, le suivi (du sport) augmente», constate Ramon Praderas, le directeur général du circuit.

«Cela se passe dans tous les sports. Les gens deviennent fans s'ils ont un sportif qui est leader et qui peut gagner. En Espagne, la même chose s'est produite avec Balestero dans le golf, en cyclisme avec Indurain, en tennis avec Santana», décrypte Carlos Gracia.

«Les vieilles dames n'aimaient pas le cyclisme, mais elles regardaient Indurain», poursuit-il.

Résultat, «il y a peu de gens qui ne savent pas que ce week-end, c'est le GP d'Espagne. Les gens parlent de F1, des pneus, des stratégies, de tout. C'est très différent d'avant. Et cela croît chaque année. C'est vraiment une bonne sensation», se félicite Alonso.

De là à craindre une Alonso-dépendance, il n'y a pourtant qu'un pas. Que ne franchissent pas les principaux intéressés.

Car le sport automobile espagnol, surfant sur la vague alonsiste, s'est professionnalisé. «Quand je suis arrivé il y a bientôt 26 ans à la tête de la fédération, il n'y avait qu'un circuit en Espagne, obsolète, et même pas un circuit de karting», se rappelle Carlos Gracia.

Désormais, «les meilleures installations de karting sont en Espagne», la péninsule comptant six pistes de compétition automobile, se réjouit-il.

Les pilotes ibères abondent aussi. Cinq en tout en F1, dont deux de réserve, deux en GP2, l'antichambre de la F1, trois en World series... «Après Alonso, il y en a un autre, et puis un autre, et puis un autre», sourit Gracia. Le sport automobile espagnol ne connaît pas sa chance.