Les chutes et les abandons prématurés de Chris Froome et Alberto Contador ont assombri ce 101e Tour de France. Ce qui ne fait pas de Vincenzo Nibali un champion au rabais. Retour sur les petites et grandes histoires qui ont marqué la plus grande épreuve cycliste au monde.

La classe

Il a gagné en Angleterre, dans les Vosges, les Alpes et les Pyrénées. Même sur les pavés, il s'est distingué. Bien appuyé par ses coéquipiers d'Astana, Vincenzo Nibali a écrasé le Tour de France d'un bout à l'autre. Pas sûr que Chris Froome ou Alberto Contador l'aurait battu. L'Italien de 29 ans a maintenant remporté chacun des trois Grands Tours, rejoignant Jacques Anquetil, son compatriote Felice Gimondi, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Contador. Champion discret et respecté, Nibali a porté le maillot de leader, toujours le même, pendant 18 jours, en ayant le bon goût de ne pas se peinturlurer en jaune, lui et son équipement. La classe.

Des chutes

Celle de Mark Cavendish à la première étape, ce qui a changé la configuration des sprints, mais surtout celles de Froome, avant les pavés, et de Contador, dans une descente avant la Planche des Belles Filles, deux étapes-clés où Vincenzo Nibali a assis son autorité sur le Tour. Le Britannique et l'Espagnol n'auraient peut-être pas gagné, mais ils auraient offert une opposition beaucoup plus relevée à l'Italien. À ranger à regret dans la catégorie «on ne saura jamais».

Photo Jerome Prevost, AP

Vincenzo Nibali a écrasé le Tour de France d'un bout à l'autre.

Une épaisseur de pneu

L'écart avec lequel l'Italien Matteo Trentin a devancé Peter Sagan à Nancy. Pour la septième fois consécutive depuis le grand départ à Leeds, le Slovaque terminait parmi les cinq premiers sans pouvoir s'imposer. Victime de sa force et de sa réputation, et aussi parfois du manque de ressources de son équipe Cannondale, Sagan s'est souvent retrouvé esseulé à une dizaine de kilomètres de l'arrivée. Le maillot vert saura-t-il le consoler?

Photo AP

Le bel uniforme

Celui de Lotto-Belisol, rouge et blanc, cuissard noir, un classique apprécié par deux collègues qui ont un oeil d'esthète, Gabriel Béland et Louis Bertrand. La belle tunique n'a malheureusement pas porté chance au Belge Jurgen Van den Broeck, qui a encore chuté et été victime d'une infection pulmonaire, ce qui l'a relégué loin au général. Heureusement qu'Andre Greipel et Tony Gallopin étaient là pour sauver la mise. La victoire du Français à Oyonnax, trois jours après qu'il s'est paré de jaune, a été la plus sympathique du Tour.

Le numéro solo

Celui de Tony Martin, en échappée sur 150 des 170 kilomètres de l'étape vers Mulhouse, dont les 60 derniers en solitaire, avec 28 coureurs à ses trousses. Le Panzerwagen a confirmé son statut de meilleur rouleur du peloton avec une victoire attendue au long contre-la-montre de samedi et plusieurs efforts impressionnants en poursuite dans les fins d'étape.

L'agonie

Celle de l'Américain Andrew Talansky, esseulé pendant 60 longs kilomètres vers Oyonnax, devant la voiture-balai et à une demi-heure du peloton. Meurtri par de multiples chutes, le jeune grimpeur de Garmin-Sharp avait songé à abandonner avant que son directeur sportif ne le convainque de poursuivre sa route. En pleurs à l'arrivée, Talansky a expliqué qu'il ne voulait pas laisser tomber ses coéquipiers. Il n'est pas reparti le lendemain.

Le coup de gueule

Celui de Thomas Voeckler qui, en pleine montée de Chamrousse, s'arrête pour engueuler un spectateur néerlandais qui le sifflait: «T'as déjà fait du vélo?» Le type s'est excusé.

Photo Lionel Bonaventure, AFP

L'Australien Luke Durbridge, lui, s'est retenu d'étamper un soigneur de Movistar qu'il venait de percuter quand celui-ci s'est retrouvé au milieu de la route en voulant ravitailler un coureur. Et que dire de cette spectatrice en mal de visibilité, qui faisait tata à sa famille au téléphone dans Hautacam, ignorant la présence de Nibali. Adroit, le maillot a évité la chute malgré le contact.

La renaissance

Celle des Français, de retour sur le podium du Tour pour la première fois depuis 1997. Le vétéran Jean-Christophe Péraud (2e) et les jeunes Thibaut Pinot (3e) et Romain Bardet (6e) se sont livré un duel haletant. Dans les montées, oui, mais aussi dans les descentes, ce qui était plus atypique. Grand coup de chapeau à AG2R La Mondiale, première au classement par équipes et grande animatrice de ce 101e Tour. À souligner justement la victoire spectaculaire de Blel Kadri. Allez, tous ensemble: cocorico!

La fin cruelle

Celle du Néo-Zélandais Jack Bauer, un domestique rejoint à moins de 100 mètres de la ligne d'arrivée après 220 kilomètres en échappée. Son coéquipier Ramunas Navardauskas l'a vengé en résistant jusqu'au bout vendredi à Bergerac.

Les révélations

Rafal Majka, le Polonais de la Tinkoff-Saxo, sixième du Giro et qui n'avait pas envie de remplacer un coéquipier sur le Tour. Il a gagné deux étapes de haute montagne, une dans les Alpes et l'autre dans les Pyrénées. Leopold König, le solide Tchèque de la NetApp-Endura, qui finit dans le top 10. Il aurait belle allure sur un vélo québécois. Mention spéciale à Simon Yates, le Britannique de 21 ans de l'Orica, deux fois en échappée à son premier Tour.

Le flop

Celui de Sky, qui n'a pas su se remettre de l'abandon de Chris Froome. Lieutenant de luxe, l'Australien Richie Porte ne s'est pas montré à la hauteur comme leader de substitution. Comment se débrouille-t-il, Bradley Wiggins, aux Jeux du Commonwealth?

Photo Lionel Bonaventure, AFP

Les Français Thibaut Pinot et Jean-Christophe Péraud.