Les Grands Prix de Québec et Montréal se sont imposés en l'espace de trois ans comme de nouvelles étapes du World Tour, le circuit mondial cycliste, en combinant des courses de haut niveau avec une logistique inédite.

Pour sa quatrième édition, le diptyque canadien --dont le deuxième volet se dispute dimanche à Montréal après Québec vendredi-- accueille les plus grands noms du peloton: le vainqueur du Tour de France Chris Froome, ses prédécesseurs Alberto Contador (2007, 2009), Cadel Evans (2011, champion du monde 2009) et Andy Schleck (2010), le numéro 2 mondial Peter Sagan...

Exception faite du Slovaque, aucun d'entre eux n'était encore venu sur ces courses, les deux seules du World Tour disputées sur le continent américain.

«C'est un couronnement. C'est le plus grand peloton qu'on a en Amérique depuis 1974 (les Championnats du monde de Montréal, ndlr), on a tous les grands champions», se réjouit Serge Arsenault, l'organisateur des épreuves.

Ce dernier avait pu voir un premier signe de réussite de leur projet l'an dernier quand l'Union cycliste internationale (UCI) a prolongé leur licence World Tour jusqu'en 2016.

Réticences

Le projet avait germé en 2009 dans la tête de l'homme d'affaires québécois Serge Arsenault. «En 2009, j'ai été choqué par la disparition du Grand Prix de Formule 1 à Montréal», raconte l'ancien présentateur télé qui a fait fortune dans l'audiovisuel.

«Je me suis dit "Quels événements pourraient nous convenir ?", qu'ils soient sportifs, culturels... J'ai pesé les pour et les contre et le cyclisme figurait parmi trois options», explique-t-il, en refusant d'évoquer les autres pistes «pour ne pas qu'on (lui) reproche de ne pas les avoir choisies».

«En même temps, une fenêtre s'ouvrait auprès de l'UCI qui voulait à nouveau tester la viabilité d'une mondialisation. On a pris ce pari», ajoute ce passionné de cyclisme, déjà impliqué dans les éphémères expériences du Grand Prix des Amériques, épreuve de la Coupe du monde courue dans Montréal de 1988 à 1992, et de la Trans-Canada, course à étapes qui ne connut qu'une seule édition en 1999.

«Il y avait encore des résistances, car pour beaucoup le cyclisme était une propriété européenne, tout en affirmant représenter le monde, sourit-il. Il nous fallait prouver».

Charly Mottet, ancien numéro un mondial à la fin des années 1980, a dessiné deux circuits exigeants.

«On a fait une course plus de type flandrienne avec des petits monts raides, qui provoquent des petites cassures, des changements de rythme (à Québec). A Montréal, on s'est inspiré du parcours du Grand Prix des Amériques qu'on a raccourci pour que ce soit plus spectaculaire», détaille le responsable sportif des courses.

Radio peloton

Ces parcours ont pris un intérêt tout particulier à deux semaines des Championnats du monde, épreuve qui se termine de plus en plus souvent sur circuit.

Pour pallier les contraintes logistiques, l'organisation a sorti les grands moyens.

Elle a brisé les habitudes des équipes, remplacé leurs bus par un charter transatlantique commun, organisé le transfert Québec-Montréal en train pour favoriser la récupération, assuré le logement dans deux des plus prestigieux établissements de la province...

Ce confort inédit a fini de séduire les coureurs. «Radio peloton» a diffusé le mot. «Mes équipiers m'ont dit que c'étaient de belles courses et je me suis dit que c'était un bon moyen de préparer la fin de saison», confirme Alberto Contador.

Le budget très élevé, estimé entre 7 et 8 millions de dollars canadiens (5 à 6 millions d'euros) et largement soutenu au départ par Serge Arsenault, a fait grincer des dents en Europe.

«Depuis l'an dernier, les Grands Prix s'auto-financent, assure le millionnaire québécois. Je ne finance que les nouveautés: le Challenge sprint (épreuve de duels de sprint disputée sur 1 km créée en 2011), la cyclosportive (créée cette année, ndlr)...»

Avec sa volonté affichée de faire évoluer le cyclisme, Serge Arsenault entend encore bâtir sur son succès québécois. Il rêve notamment d'organiser une course féminine et de développer un circuit mondial d'épreuves de sprint.