Après avoir envoyé Lance Armstrong aux oubliettes, la Fédération internationale de cyclisme (UCI) encaisse les flèches pour avoir laissé l'Américain dicter sa loi sordide durant toutes ces années sur le Tour de France, sans jamais l'inquiéter.

«Il faut un grand coup de balai, a estimé l'ancien patron d'ASO, Patrice Clerc, dans un entretien au Monde daté de mercredi. Armstrong est mort, paix à son âme. Mais aujourd'hui, il faut démonter le système qui a permis ça. Si on ne le démonte pas, si on n'identifie pas ce qui n'a pas marché, le vélo ne s'en sortira pas. Or, le système sur lequel ont prospéré ces pratiques est toujours le même. Les hommes sont les mêmes: des juristes aux financiers de l'UCI, les manageurs des équipes...».

Le président de l'Agence mondiale antidopage (AMA), John Fahey, a dégainé les mêmes piques à l'adresse de l'UCI, qui retrouverait, selon lui, de la crédibilité si les dirigeants en place durant «cette débâcle» s'en allaient.

«Si le dopage était aussi présent, la question qu'on peut légitimement se poser est: "Qui voulait l'arrêter? Qui luttait contre? Pourquoi ne fut-il pas stoppé?"», a souligné l'ancien ministre australien sur la chaîne Fox sports.

Et d'avancer sur ABC Radio: «C'était une période durant laquelle la culture du cyclisme était que tout le monde se dope. Il n'y a aucun doute là-dessus. Les dirigeants doivent prendre une partie de leurs responsabilités pour cela.»

Le même patron de l'AMA, devant la presse en février 2009 à Lausanne, avait pourtant trouvé un bon côté au retour du Texan, qui venait de disputer le Tour Down Under en Australie, sa première course après trois ans et demi de retraite.

«La course était placée sous le signe de la lutte contre le cancer, alors que ce soit Armstrong ou un autre, une personne qui arrive à tellement sensibiliser le public et à lever autant de fonds, c'est une très bonne chose», avait estimé alors John Fahey, qui dut combattre lui-même un cancer.

«Ordures»

Démissionner, il n'en est pas question, pour le président de l'UCI, Pat McQuaid, qui ne voit pas non plus pourquoi son prédécesseur, Hein Verbruggen, le patron au temps du règne d'Armstrong, devrait quitter la présidence d'honneur de l'organisation.

Face à la tempête, qui a déjà entraîné le retrait d'un sponsor d'équipe, Rabobank, et laisse le Tour de France présenter sa centième édition mercredi avec d'énormes trous dans son palmarès, Pat McQuaid veut tenir bon la barre, convaincu que «le cyclisme a un avenir».

«C'est un moment très critique pour le cyclisme, la plus grande icône de notre sport a été mise à terre», reconnaissait lundi l'ancien coureur amateur irlandais, après l'annonce de l'annulation des sept victoires dans la Grande Boucle du Texan. «Cette affaire ne nous lâche pas depuis un bon moment et j'espérerais qu'aujourd'hui ce soit son paroxysme. Que nous pourrons mettre cela derrière nous et avancer».

La Fédération compte régler les conséquences du scandale lors d'une réunion spéciale de son comité exécutif vendredi. Parmi les points au menu: la question de la réattribution des victoires et podiums du roi déchu et les cas des coureurs qui ont accepté de témoigner dans l'enquête de l'Agence antidopage américaine (USADA) en échange d'une sanction réduite.

«C'est une crise pour le sport... Mais nous devons regarder le sport, les structures des équipes, les structures des courses, afin d'essayer de créer un environnement pour que cela ne se reproduise plus, a expliqué Pat McQuaid. J'ai des idées que je vais avancer».

Mais voir Floyd Landis, Tyler Hamilton ou d'autres anciens dopés qui ont nié l'évidence pendant des années, se faire passer désormais pour de courageux coureurs qui ont brisé l'omerta l'horripile. «Ce ne sont pas des héros. Tout ce qu'ils ont fait est de détruire notre sport», a fait valoir le patron de l'UCI, qui a même parlé d'«ordures».

Ce qui a fait dire à Hamilton mardi: «Pat McQuaid n'a pas sa place dans le cyclisme».

L'association internationale des équipes (AIGCP) a appelé mardi à la mise en place d'une commission indépendante sur les mesures de lutte contre le dopage. L'AIGCP, qui a tenu sa réunion à Paris à la veille de la présentation du Tour de France, a demandé à l'UCI de suivre cette voie.

Son président Jonathan Vaughters (Garmin) a expliqué que les équipes étaient prêtes à assurer une partie de son coût et que le projet devait s'appuyer à la fois sur l'AMA et l'UCI.

A la fin de la réunion de l'AIGCP, le Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC), qui se situe à la pointe de l'antidopage, a recruté de nouvelles équipes dans son association créée sur la base du volontariat.

Quatre équipes, Lotto, IAM, Netapp, Sojasun, nous ont rejoints», a déclaré à l'AFP Roger Legeay, portant à 11 le nombre d'adhérents (avec AG2R La Mondiale, Argos, Bretagne, Cofidis, Europcar, FDJ-BigMat et Garmin).

Par ailleurs, on a appris mardi que le maire de l'Alpe d'Huez allait demander à son conseil municipal de débaptiser deux des 21 virages de la mythique montée du Tour de France, actuellement nommés «Lance Armstrong» en hommage aux deux victoires remportées par le champion américain dans cette étape en 2001 et 2004.

Armstrong a par contre reçu mardi le soutien du musée d'art d'Aspen, dans le Colorado, dont il est l'un des administrateurs.