On a joué au golf sur les plaines d'Abraham.Vous en avez probablement entendu parler. L'événement entourant les festivités du 400e et commandité par CAA Québec a réuni quelques professionnels d'ici et des amateurs de partout dans la province. Tous étaient emballés, moi le premier, de pouvoir jouer au golf avec de véritables bâtons antiques, des bâtons qui avaient plus de 100 ans.

Comme les balles datant de cette époque sont très rares et beaucoup trop précieuses, des copies ont été conçues par la compagnie Srixon. Des balles à basse compression, qui ne faisaient à peu près aucun son au contact, mais qui donnaient des trajectoires quand même assez intéressantes.

Pour compléter l'illusion, tous les joueurs devaient revêtir le costume d'époque: knickers, chemise blanche à manches longues, noeud papillon (ou cravate), débardeur et petit chapeau plat à la Ben Hogan. Le plus dur a été de marcher de l'hôtel jusque sur les Plaines habillé comme ça. Une randonnée qui devait prendre quatre minutes en faisant une pause à mi-chemin. Je suis habitué de me faire klaxonner quand je suis au volant, moins quand je marche sur le trottoir

La première chose qui m'a frappé est que les bâtons ont de la personnalité, il n'y en a pas deux qui se ressemblent. On se trouve à penser aux artisans, souvent des pros, qui gossaient ces oeuvres d'art une à une. Le résultat final dépendait du talent de l'artiste. Les tiges étaient en bois et les poignées une simple couche de cuir. J'ai été surpris des sensations obtenues en m'élançant. Ce n'est pas si différent des bâtons modernes que je l'aurais pensé. Les tiges offrent une assez bonne rigidité et on ressent à peu près la même chose d'un bâton à l'autre. Seulement quatre fers : le niblick, le mashie-niblick, le mashie et le long iron, qui correspondent à quelque chose comme les fers 3, 5, 7 et 9. Quand un joueur disait: «J'ai frappé mon mashie», il avait frappé SON mashie, qui n'avait peut-être pas grand-chose en commun avec le mashie du voisin. Les gens devaient être attachés à leurs outils et ça devait être très difficile, voire impossible, de remplacer un disparu par un jumeau identique. Le putter a probablement évolué plus que tous les autres bâtons de l'esemble. Celui que j'utilise ressemble au USS Enterprise, de la série télévisée Star Trek ; le vieux avait l'air d'un couteau à patate.

J'ai joué un neuf trous avec le vénérable Adrien Bigras, qui se souvenait d'avoir commencé à jouer avec des bâtons semblables dans sa jeunesse. «Les bâtons neufs étaient trop chers pour nous, a-t-il raconté. On jouait avec ceux qui ne faisaient plus l'affaire des membres.» Adrien est droit comme un chêne et joue encore très bien ; il demeure un des meilleurs joueurs de niblick que j'aie jamais vus.

Sur les départs, il y avait deux chaudières qui servaient de jalons. Dans l'une, il y avait du sable mouillé dont on se servait pour former un tee. L'autre était remplie d'eau. On recommandait d'y saucer nos têtes de fers pour faire enfler le bois de la tige et ainsi la sécuriser. On en apprend tous les jours.

Finalement, les plus grands progrès technologiques des 100 dernières années ont été réalisés au chapitre de l'entretien des parcours. La tondeuse à gazon mérite le prix de l'invention qui a le plus contribué à l'avancement du sport.

Juste un petit mot pour féliciter tous les gagnants de toutes les classes de tous les championnats de clubs qui se sont déroulés pendant la longue fin de semaine passée. Et à tous ceux qui ont eu le courage de participer et ont persévéré jusqu'au dernier trou de la dernière ronde : donnez-vous une bonne tape dans le dos, vous le méritez bien.

Professionnel au club La Vallée des Forts, Jean-Louis Lamarre est l'un des meilleurs joueurs au Québec.