Avec un favori, le maillot jaune australien Cadel Evans, mais sans patron dans ses rangs, le Tour de France se prête à tous les mouvements et à tous les calculs à l'approche de la mi-course.

Les Pyrénées ont éclairci la liste fournie des candidats au podium. L'action de l'équipe CSC entre Tourmalet et Hautacam, moins spectaculaire que les démarrages de l'Italien Riccardo Ricco mais au moins aussi ravageuse, a provoqué de gros dégâts.

Deux candidats déclarés, l'Italien Damiano Cunego et l'Espagnol Alejandro Valverde, ont reculé. Quelques outsiders ont disparu du jeu (A. Schleck, Devolder) ou perdu quelques illusions (Kirchen, S. Sanchez, Pereiro).

Avant la sortie des Pyrénées, par l'Ariège, et la traversée du Midi, nombre de questions restent encore sans réponse dans une course qui plaît à son directeur Christian Prudhomme. «Le Tour est plein de suspense», a-t-il dit à l'occasion de la journée de repos à Pau. «On ne sent pas un coureur au-dessus du lot».

Le maillot jaune est-il un cadeau empoisonné pour Evans ?

Son équipe (Silence) a affiché ses limites en montagne, à l'exemple de l'Ukrainien Yaroslav Popovych distancé prématurément sur les phases chaudes de la course. Celui qui fut présenté en 2005 par Lance Armstrong comme l'un de ses possibles successeurs est redevenu un coureur comme les autres.

Pour autant, Marc Sergeant, le manager du groupe belge, affiche une belle sérénité. Au moins de façade. «On ne défendra pas ce maillot à n'importe quel prix, a-t-il annoncé. Les autres équipes aussi devront prendre leurs responsabilités».

À l'appui de son optimisme, Sergeant peut constater que Denis Menchov, sans doute le rival le plus coriace pour le maillot jaune, dispose lui aussi d'un entourage friable. Dans les Pyrénées, le Russe de la Rabobank n'a pu s'appuyer que sur un seul équipier (Ten Dam).

Prudent, voire attentiste en course, Menchov a pour atout sa qualité de rouleur dans la perspective du grand contre-la-montre à la veille de l'arrivée. Mais il compte déjà près d'une minute de retard sur Evans. Autant dire qu'il lui faudra passer un jour ou l'autre à l'attaque ou spéculer sur une faiblesse de l'Australien dans les Alpes.

Qui peut inquiéter les deux favoris du Tour ?

En premier lieu, l'équipe CSC. Bien plus que l'Américain Christian Vande Velde (3e) ou l'Autrichien Bernhard Kohl (4e), tout heureux d'être en si bonne place, c'est la formation danoise qui pèse le plus lourd sur la balance du Tour.

Avec deux coureurs dans les six premiers (Frank Schleck, Carlos Sastre), le groupe dirigé par Bjarne Riis peut jouer sur deux tableaux. Le Luxembourgeois l'a annoncé, la tactique suivie dans l'étape de Hautacam sera répétée: «Ca a fonctionné à merveille. Pourquoi changer quelque chose ?»

Ricco, qui a tant impressionné les foules dimanche dans Aspin, ajoute une part de danger pour tous ses adversaires. Mais le grimpeur italien, qui n'a rien repris dans la montée de Hautacam, pointe à près de deux minutes et demi d'Evans, soit un retard virtuel qui dépasse les six minutes si l'on ajoute son débours prévisible dans le contre-la-montre.

Il faudrait dès lors que les favoris logiques (Evans, Menchov, voire Sastre) lâchent à tour de rôle dans les Alpes pour que le grimpeur italien s'habille éventuellement en jaune. L'homme du classement dans son équipe Saunier Duval s'appelle Juan Jose Cobo (8e), le coureur espagnol étant supérieur à Ricco dans les contre-la-montre.

«Il est très fort physiquement, souligne son directeur sportif Pietro Algeri. Ce qu'il a fait dans l'étape de Hautacam, après avoir travaillé, est significatif. Mais il est fragile dans la tête».

Qu'espèrent désormais les Français ?

Quatre étapes favorables -la sortie des Pyrénées, la transition du Midi- attendent maintenant les coureurs français qui répètent à l'envi viser les succès d'un jour. Samuel Dumoulin y est parvenu à Nantes. Sylvain Chavanel, Nicolas Vogondy, Jérôme Pineau et Rémy Di Grégorio ne sont pas passés loin de la même consécration.

En contrepartie, aucun Français ne se soucie du classement général. Le premier d'entre eux, Sandy Casar, pointe à la 26e place, à près d'un quart d'heure du leader.

Dans leur équipe AG2R, Cyril Dessel (39e) et Stéphane Goubert (34e), pourtant taillés pour la montagne, laissent à leurs coéquipiers étrangers, le Russe Vladimir Efimkin et le Slovène Tadej Valjavec, le soin de postuler à une place dans les dix premiers à Paris. Les coureurs français, cigales du peloton, ne s'occupent que du jour présent.