La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Sybelle*, mi-soixantaine.

C’est loin d’être la première fois qu’on le dit, mais visiblement, le message ne passe pas. Ou alors les préjugés sont tenaces. Mais non, mesdames et messieurs, la vie sexuelle ne s’arrête pas à 60 ans. Et pour certains, elle s’emballe même carrément.

C’est le cas de Sybelle, mi-soixantaine, qui nous a écrit pour en finir avec les idées reçues, entendues, et surtout répétées, surtout chez les jeunes de son entourage, dans le courant des dernières années. « Je l’ai remarqué autour de moi, hoche-t-elle de la tête. Quand je parle avec des amis, la famille, quand on parle de sexe après 60 ans, c’est comme si ça n’existait pas. Comme si on ne pouvait plus avoir de plaisir ! Mais c’est faux. Et il faut en parler plus ! »

Rencontrée virtuellement dernièrement, la dame à lunettes de Québec ne cache pas qu’elle aime ça, le sexe, elle. Beaucoup. Et depuis toujours. D’ailleurs, sa toute première expérience à 18 ans a été « magnifique ». « Je suis privilégiée, précise-t-elle d’emblée, c’était un amant magnifique. Le premier amant que j’ai eu, il était super. Peut-être que c’est grâce à ça ? »

« Il m’a fait connaître le bon temps au lit, poursuit-elle. Il était sensuel, il me faisait plaisir. Ce n’était pas juste pour lui, dans la position du missionnaire. Oui, j’ai été chanceuse. Il me donnait beaucoup de plaisir au lit. »

Leur histoire a duré quelques années, à la suite de quoi Sybelle s’est retrouvée célibataire. Mais au lieu de se remettre en couple, elle a plutôt collectionné les aventures. Ou plutôt les « amants réguliers », comme elle dit.

J’étais frivole. Volage, disons. Faut pas que je m’en cache : j’aime ça, le sexe, et j’aimais ça à l’époque.

Sybelle, mi-soixantaine

Cela dit, précise-t-elle, et le qualificatif reviendra plusieurs fois pendant l’entretien, ces aventures sont toujours demeurées « sages ». Sages ? Oui, insiste-t-elle, « sages ». « Très sages. » Une sexualité classique, sans rien de « très original », quoi. On devine que l’originalité est venue plus tard. Nous y viendrons.

Fin vingtaine, Sybelle rencontre finalement son mari, et le père de ses enfants. Leur histoire dure 20 ans. Si leurs débuts sont prometteurs (« c’était un bon amant aussi »), les choses se gâtent rapidement avec l’arrivée des bébés. « J’étais dépassée, extrêmement fatiguée, et je me suis traînée plusieurs années. Pour mon conjoint aussi, ça n’a pas été drôle. On n’a plus eu de sexe. Ou presque pas. »

Certes, quand les enfants ont grandi, « c’est revenu tranquillement », dit-elle, mais sans rien de notable, ou « olé olé » à signaler. « Quand je faisais l’amour avec lui, il était plutôt du style missionnaire. Très sage », répète-t-elle. En même temps, concède-t-elle, le cœur et le corps n’y étaient pas. « C’est sûr. Les journées te rentrent dans le corps, le travail, la routine, les enfants, bref, tout ça pour dire que je l’ai laissé… »

Parenthèse : à l’époque, Sybelle croit carrément qu’elle a un « problème ». « On avait tellement peu de sexualité que je pensais que c’était moi qui étais rendue frigide. Je me sentais coupable. Peut-être que j’ai un problème ? Peut-être que c’est moi, le problème ? » Fin de la parenthèse.

Sybelle passe ensuite rapidement sur les années qui suivent, une transition difficile, marquée par une dépression majeure, et pas grand-chose côté sexualité. « Pourtant, c’est moi qui ai voulu me séparer, glisse-t-elle, mais tout allait mal… »

Et puis, vers le tournant de la soixantaine, coup de théâtre : Sybelle remonte la pente, reprend du poil de la bête, et pas à peu près. « Ma libido est revenue », résume-t-elle, tout bonnement. Après quelques tentatives du côté des sites de rencontres traditionnels, elle décide de s’assumer et d’assouvir franchement ses pulsions. « Je voulais assouvir, sans avoir de contraintes ni de comptes à rendre, explique-t-elle. Quelqu’un m’a parlé d’un site de rencontres sexuelles, et je me suis inscrite là-dessus. […] Un site pour avoir des amants facilement. Pas besoin de faire de détours : tu vas là pour baiser, point. »

C’était il y a quatre ans. Et à l’entendre se raconter, disons qu’elle n’a pas été déçue. En tout cas, pas côté sexualité.

Quand on est célibataire sur ce genre de site, c’est la manne !

Sybelle, mi-soixantaine

« Probablement parce qu’il y a plus d’hommes que de femmes, mais tu te retrouves avec des demandes chaque jour. Je pourrais baiser tous les jours avec un homme différent ! Alors j’ai commencé à avoir des amants. »

Quelques échanges par écrit, un verre pour se rencontrer (ou pas), et le tour est joué : elle reçoit chez elle, ou à l’hôtel. Et oui, croyez-le ou non, elle n’a eu que de belles aventures. « Je n’ai rencontré que des gentlemans », confirme-t-elle. « Et j’ai tellement vécu de bons moments. »

D’ailleurs, elle est même tombée amoureuse, « malheureusement ». D’un homme avec qui un avenir est toutefois impossible. D’où la déception. À l’entendre se raconter, on comprend qu’elle a eu de la peine, qu’elle y a cru. D’autant plus que leur connexion était totale. « Avec lui, sexuellement, ç’a été le summum. On est tous les deux curieux, on a fait des trios, des quatuors, on est allés dans des auberges coquines, résume-t-elle. Avec lui, ç’a été la découverte. »

Si elle se sent certes « trahie », parce qu’elle l’a aimé, et cru qu’il l’aimait aussi (« on vivait quelque chose de si fort ! »), n’empêche que c’est surtout sur son émerveillement sexuel qu’elle insiste ici. Sur son éveil. Et sa fameuse découverte.

« Wow, poursuit-elle. La découverte du plaisir, autrement que par le côté sage du sexe. Une très grande découverte, vraiment. » Nous y voilà. Il faut dire qu’ils ont pratiqué le triolisme avec un autre homme, de manière assez régulière, et qu’ici Sybelle a découvert le plaisir du voyeurisme, un plaisir partagé, mutuel, et surtout insoupçonné. « C’est très excitant. Et c’était nouveau. Je n’avais jamais connu ça ! » Comme quoi la nouveauté n’a pas d’âge.

Morale ? On l’aura compris : « Le sexe ne meurt pas avec l’âge, conclut-elle. Au contraire, il peut même y avoir une forme de libération, je dirais. […] Ma vie sexuelle n’est pas terminée, et je ne veux pas qu’elle finisse non plus. »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat.