Un mur, c'est un mur. Plat, bien souvent dans tous les sens du terme, il n'attire guère le regard. Mais pour peu qu'on le pare de plantes, le voilà devenu grand séducteur. Et au chapitre de la séduction, le mur végétal de l'Institut de technologie agroalimentaire (ITA) de Saint-Hyacinthe est un vrai Casanova.

Il y a deux ans, le mur se prenait pour un tableau de Paul-Émile Borduas. L'an passé, il était entièrement comestible. Et cette année, il s'affichera dans un mélange de plantes comestibles et ornementales. Casanova change de tête chaque année, et c'est comme ça depuis sept ans. 

Si ce mur de 12 m2 (130 pi2) enchante les visiteurs, c'est d'abord et avant tout un outil pédagogique, explique Claude Vallée, professeur en horticulture et responsable du pavillon horticole écoresponsable, à l'ITA.

«Une plante, on sait comment elle pousse dans le sol et dans un pot, mais dans le mur, des fois, il y a des choses qui fonctionnent moins bien. On essaie des choses. C'est expérimental.»

Révélations

Pour composer un mur vert simplement ornemental, on choisit normalement des plantes belles, robustes, au port compact, nécessitant peu ou pas de taille, résistantes aux écarts d'irrigation, aux insectes et aux maladies, et qui peuvent vivre dans un espace restreint. L'an dernier, il fallait en plus qu'elles soient comestibles!

Le mur potager de l'ITA, le plus grand aménagé en extérieur au Canada selon M. Vallée, a été une expérience captivante et révélatrice. Certaines variétés, comme les petits piments, les choux raves, les herbes et même les betteraves, ont très bien fonctionné, alors que d'autres se sont moins bien comportées. Les tomates, malgré l'utilisation de cultivars nains, ont eu une belle production, mais ont généré des gourmands qui ont nui aux voisines. Il aurait fallu les tailler plus tôt en saison, évalue l'expert en horticulture.

En ce qui concerne les fraises, qui étaient situées assez bas dans le mur pour être cueillies sans échelle, elles ont fait patate. Trop d'humidité, pas assez d'espace, de soleil, de ventilation... Le botrytis (maladie fongique) a sauté sur l'occasion et, dans le même élan, a contaminé le voisin, l'origan doré. Les plants malades ont été remplacés par des fines herbes en cours de saison.

Soleil, soleil

Par son exposition, le mur profite du soleil du matin jusqu'à midi et demi environ. «Six heures, c'est le minimum pour avoir un potager qui a de l'allure», précise M. Vallée. 

Pour une production à la verticale, il faut tenir compte d'autres contraintes, comme le fait que les plantes du haut peuvent faire ombrage à celles du bas, et que la gravité fera en sorte que ce sera plus humide en bas qu'en haut. 

Toutes ces expériences amènent de l'eau au moulin pour réaliser le prochain mur. «Cette année, on va remettre ce qui a bien fonctionné, et on va se permettre un peu plus de fleurs, ce qui va favoriser la biodiversité», explique M. Vallée.

Mur vert sur balcon

Avec sa faible empreinte au sol, le mur végétal se prête bien à la culture urbaine. Et selon M. Vallée, «tout bon patenteux» est capable de s'installer un système, même sur un balcon. Pas besoin de faire compliqué. Voici quelques étapes pour vous lancer: 

1. Superposer des pots ou des balconnières sur un mur.

2. Planter dans des pochettes de feutre.

3. Utiliser une palette de bois, ou autre chose, comme support.

4. Faire pousser des plantes grimpantes.

5. Se procurer un ensemble... ou improviser au gré de son imagination.

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Le mur végétal de l'ITA en bref

- Situé à l'entrée du jardin Daniel A. Séguin, au campus de l'ITA de Saint-Hyacinthe (3230, rue Sicotte), il est accessible au public, moyennant des frais d'entrée. 

- Monté en juin, il est visible jusqu'à la fermeture du jardin, en septembre.

- Il est constitué de 130 caissettes murales ELT Easy Green de 30 cm sur 30 cm sur 8,5 cm.

- Chacune de ces caissettes comporte 8 alvéoles équivalant chacune à un pot d'environ 12,5 cm (5 po).

- Les caissettes sont installées sur un support qui, lui, est fixé au mur en permanence.

- Il est irrigué par un système goutte à goutte, avec des microtubes d'un quart de pouce. Une ligne de microtubes est fixée au-dessus de chaque rangée de caissettes.

- Les caissettes sont végétalisées à plat, deux à trois semaines avant le montage du mur, ce qui leur donne le temps de s'enraciner.

- Tout l'espace est végétalisé, et suit un patron qui a été dessiné au préalable sur fichier Excel.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le mur végétal est entièrement comestible.