Traditionnellement, dans une cour, le potager et le jardin ornemental ont toujours été plantés chacun dans leur coin. Mais de plus en plus, les deux tendent à se côtoyer dans un mariage du beau et du bon. C'est ce qu'on appelle l'aménagement paysager comestible - ou foodscaping -, une tendance en plein essor dans les villes.

«L'aménagement comestible, ce n'est pas la même chose que de faire un potager à la maison. C'est vraiment l'idée d'apporter des plantes potagères dans nos plates-bandes», explique Mélanie Grégoire, horticultrice à Sherbrooke.

Cette tendance assez nouvelle s'inscrit dans un mouvement relativement récent aussi, celui de l'agriculture urbaine, ajoute Tereska Gesing, cofondatrice des Semis urbains. «Il y a huit ans, quand on a démarré notre entreprise, on ne parlait vraiment pas de ça. Même l'agriculture urbaine était quelque chose de très niché. Donc c'est sûr que le milieu s'est beaucoup développé depuis», affirme-t-elle.

Ajouter quelques plantes comestibles au milieu de ses plates-bandes représente un petit geste, mais qui contribue grandement à la biodiversité en ville, selon Mme Gesing.

«On a l'occasion, et peut-être même le devoir, de planter autant de plantes différentes que possible dans nos cours pour encourager un écosystème en santé.»

Un point de vue partagé par Guillaume Pelland, de l'entreprise Paysage gourmand. Celui-ci a fait de l'aménagement comestible sa mission de vie, rien de moins! «D'un point de vue environnemental, ça réduit l'impact écologique du transport et de la production alimentaire de masse version monoculture, croit-il. C'est un système qui propose à tout le monde de s'entourer de nourriture pour ne pas avoir à la chercher trop loin.»

Ceux qui craignent de ne pas avoir les habiletés nécessaires pour réaliser un tel jardin peuvent semer tranquilles, assure M. Pelland. «À peu près chaque bâtiment au Québec compte au moins une plate-bande. Donc il suffit de remplacer certaines plantes traditionnelles non comestibles par des comestibles. C'est vraiment à la portée de tous et on n'a pas besoin d'avoir le pouce vert.»

En plus des papilles, les yeux seront récompensés par ces aménagements, souvent si esthétiques que la partie comestible peut même passer inaperçue. «La plupart des gens qui regardent nos aménagements ne savent pas nécessairement que c'est comestible», estime Guillaume Pelland.

Les gens qui ne savent pas par où commencer, ou qui ont besoin d'un petit coup de pouce (vert), peuvent solliciter l'aide des Semis urbains (établie à Verdun) ou de Paysage gourmand (établie à Rawdon), ainsi que d'autres entreprises du même type. On y propose des services pour intégrer des plants comestibles à ses jardins, et même réaliser des aménagements qui se mangent de A à Z.

Coups de coeur de l'horticultrice Mélanie Grégoire

Chou frisé

En plus d'être l'aliment de l'heure - il est délicieux quand on sait l'apprêter -, le chou frisé (kale) nécessite peu d'entretien et résiste bien au froid. Mais ce qui nous intéresse ici, c'est surtout son esthétisme, qui fait des merveilles dans un jardin. «Il y a une variété pourpre de chou frisé qui est très belle. Et à l'automne, plus il va faire froid, plus la couleur va devenir prononcée, précise Mélanie Grégoire. Donc ça reste beau sur une longue période.» Dans un aménagement, sa couleur violette se marie particulièrement bien avec des graminées et tout ce qui possède des fleurs jaunes.

Bette à carde

La bette à carde est une autre vedette des aménagements comestibles, surtout grâce à ses tiges aux couleurs de l'arc-en-ciel. «Plus les tiges sont colorées, plus elles sont sucrées. Moi, j'apprécie particulièrement la rouge», lance Mélanie Grégoire, en soulignant que c'est un légume agréable à cultiver avec les enfants. «Ce qui est tripant, c'est que la racine est de la même couleur que la tige. Ça nous permet de leur montrer que tout est relié dans la vie, de la racine à la feuille!»

Asperge

Voilà qui en surprendra peut-être certains, mais l'asperge est un autre élément à ajouter à son jardin. C'est un joli plant qui possède des feuilles très délicates et qui peut produire de jolies baies rouges l'automne venu. Et comme il peut atteindre jusqu'à 1,5 m de hauteur, il ajoute une belle géométrie au jardin. En plus, on peut vraiment y récolter des asperges, dès l'arrivée du printemps! Seul hic: sa culture demande de la patience, car selon la façon dont on choisit de le planter, il faut parfois attendre quelques années pour les récoltes.

Pois mange-tout

Les pois sont intéressants à intégrer à l'aménagement, parce qu'ils grimpent en hauteur et on peut les mettre sur un treillis. Cette année, Mélanie Grégoire a essayé une nouveauté: le little snow pea. «C'est une variété de pois mange-tout, mais dont les fleurs sont pourpres», lance-t-elle. On peut aussi opter pour la variété normale, bien sûr.

Bleuetier

Du côté des arbustes fruitiers, le bleuetier remporte la palme haut la main. «On devrait tous avoir un bleuetier dans nos plates-bandes, parce qu'il est beau sur trois saisons, plaide Mélanie Grégoire. Il fleurit au printemps, se garnit de fruits à l'été et, à l'automne, le feuillage devient jaune orangé.» D'autres arbres fruitiers fonctionneront aussi très bien dans la cour, dont le cerisier, le mûrier ou le framboisier.

Fleurs comestibles

Évidemment, les fleurs comestibles feront belle figure dans les plates-bandes. Il faut juste être prudent et avertir les enfants de faire la différence entre ce qui se mange et ce qui ne se mange pas, prévient Mélanie Grégoire. Comme types de fleurs comestibles, elle cite en exemple les capucines et les hémérocalles, notamment. Mais il y a aussi la lavande, les pensées, l'astagache... et de nombreuses autres variétés. De plus, les fleurs comestibles attirent les insectes pollinisateurs, indispensables à la reproduction des plantes.

Photo Thinkstock

La bette à carde et ses tiges multicolores