Le poinsettia est la plante par excellence du temps des Fêtes. Comme il s'agit d'une espèce tropicale, c'est dans d'immenses serres que poussent les plants destinés au marché québécois. Et c'est à Laval, au coeur du village de Sainte-Dorothée, que se trouve le plus grand producteur de la province.

On est littéralement soufflés quand on entre dans la serre située derrière le centre de jardin de la ferme Grover. Les plantes, d'un rouge vif, s'étendent à perte de vue. «Attendez de voir les autres serres, c'est bien plus impressionnant», confie Guillaume Grover, sourire en coin. En tout et pour tout, ce sont 260 000 plants qui ont été semés il y a près de six mois, couvrant une superficie de plus de 380 000 pi2.

La ferme horticole fournit aujourd'hui près de 300 magasins au Québec et en Ontario, de Gaspé à Pembrooke. On parle de toutes les épiceries Loblaws, Provigo et Maxi, des quincailleries Home Depot de même que de plusieurs centres de jardin.

«À l'époque, on faisait principalement la culture de légumes et de maïs, nous n'avions que quelques petites serres, raconte Édith Frigon, qui a repris les rênes de la ferme familiale en 1983 avec son conjoint Jean-Claude Grover. Et pendant l'hiver, on faisait du déneigement avec notre équipement agricole.» C'est en revendant une partie de ce matériel que la famille a décidé de se lancer dans la production de poinsettias, en 2003. «On a commencé avec une petite quantité, se rappelle Guillaume, aîné de la famille de cinq enfants. On a contacté de petits commerces, mais on a été contraints de jeter la moitié de la production, faute de clients. Ç'a été difficile de faire notre place, il y avait beaucoup de compétition. Mais on a persévéré et ç'a débloqué l'année suivante.»

Plante capricieuse

Le volume de ventes de poinsettias de la ferme Grover est aujourd'hui d'un peu plus de 1 million de dollars, un plateau jugé suffisant par la famille, bien que, de l'aveu même de Guillaume Grover, le retour sur investissement ne soit pas exceptionnel. «Ce n'est pas le type de culture le plus payant», admet le jeune horticulteur de 34 ans.

Maîtriser et rentabiliser la culture du poinsettia n'est pas simple, c'est sans doute pourquoi seulement une poignée de producteurs le cultivent au Québec. «Tu as besoin de volume pour que la production soit rentable, révèle Odile Grover, fille aînée du clan. Ça prend de bonnes serres isolées, un système d'économie d'énergie de même qu'un réseau d'arrosage perfectionné.»

«C'est aussi beaucoup de travail autant pour bien prévoir les ventes que pour préparer les semis et gérer le personnel, renchérit de son côté Édith Frigon. Nous avons de 40 à 50 employés qui travaillent à la production des poinsettias, incluant les travailleurs étrangers, indispensables.» Les membres de la famille Grover ont d'ailleurs tous appris l'espagnol pour communiquer avec leurs employés, qui proviennent principalement du Guatemala.

Plusieurs travailleurs ont des tâches spécifiques pour s'assurer que la croissance des poinsettias se fasse selon les critères établis par la famille Grover - on les veut avec une base fournie, une forme arrondie avec des feuilles plus larges. «Le jugement de l'horticulteur est nécessaire pour déterminer les besoins précis des plants, ajoute Joëlle Grover, qui nous suit dans l'immense serre en compagnie de son poupon, endormi dans sa poussette. Par exemple, un employé a la responsabilité de veiller à ce que l'arrosage soit adéquat, car un plant peut s'assécher s'il n'a pas suffisamment d'eau, mais aussi s'il en a trop. Aussi, un agronome nous visite régulièrement pour assurer le suivi de nos cultures.»

Photo David Boily, La Presse

Comme la famille Grover est aussi responsable de la mise en marché de ses poinsettias, elle se permet quelques trouvailles. Guillaume Grover a notamment eu l'idée de recouvrir quelques plants de colle végétale pour ensuite les décorer de poussière dorée. L'accueil a été si positif qu'il a depuis raffiné sa technique en utilisant un souffleur à feuilles pour ainsi saupoudrer un maximum de plants en une seule opération !

Être bien au fait des tendances du marché est aussi un atout primordial, d'autant plus que les choix de couleurs doivent être déterminés près d'un an d'avance. «On prend nos décisions en fonction de ce qui a bien fonctionné l'année précédente, mais aussi par rapport aux performances de floraison des différentes variétés de plants, explique Odile Grover. Nous cultivons ainsi une quinzaine de sortes de poinsettias, selon les couleurs désirées et le format recherché. Mais bon an, mal an, un bon 85 % de nos plants sont rouges.»

C'est Noël, après tout!

Photo David Boily, La Presse

Le poinsettia est une plante tropicale qui craint le froid. Il ne faut donc pas l'exposer à une température inférieure à-10 degrés Celsius (entre le magasin et la voiture, par exemple), car elle peut rapidement geler et mourir. En suivant l'entretien recommandé, on peut toutefois la conserver pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.