Pour les uns, les températures chaudes de la mi-mars ont provoqué l'euphorie. Mais pour d'autres, comme les amateurs de jardinage qui ont vu leurs crocus fleurir et leurs tulipes pousser à vue d'oeil, l'agréable chaleur de ce début de printemps était et reste encore source d'inquiétude.

Quel est l'impact de cet excès climatique sur nos plantes?

D'abord un constat général : la santé de nos végétaux n'a pas vraiment été altérée par cette hausse spectaculaire du mercure notamment parce que cette période de chaleur fut relativement courte.

Une foule d'arbres, d'arbustes et de vivaces sont évidemment sortis de leur léthargie, ce qui les a rendus plus vulnérables aux gels. Mais de la fin du mois de mars et à la fin d'avril, les grandes froidures sont, heureusement, rares. Cette récente vague de chaleur n'a rien à voir avec celle survenue à la mi-février 1981 où le= temps très doux s'était prolongé durant une dizaine de jours. Puis, le mercure avait chuté jusqu'à -14°C dans la région de Montréal et même -21°C dans la Beauce, sans couvert de neige ou presque. Résultat : des milliers de pommiers sont morts, sans oublier l'agonie d'innombrables érables qui s'est poursuivie durant des années dans le sud du Québec.

Dans le jardin

Comme chaque année, vers la fin mars, début d'avril, iris nains, éranthes, perce-neige, scilles et plusieurs variétés de crocus sont en pleine floraison. Et chaque année, au même moment, la température nocturne descend régulièrement au-dessous de zéro. La dernière quinzaine n'a pas fait exception à la règle mais aucune plante ne semble en avoir pâti.

L'adaptation des plantes au climat est le résultat d'une évolution millénaire. Même les hybrides récents ont hérité de ce bagage génétique qui leur permet de résister aux écarts climatiques. Il va sans dire que cette adaptation a des limites et que des problèmes peuvent survenir dans des cas extrêmes. Si le mercure descend trop bas par exemple, il arrive qu'une partie du feuillage «brûle» sous l'action du gel mais cela n'a habituellement pas d'impact sur la floraison à venir.

Par ailleurs, il faut rappeler qu'une foule de plantes conservent leur feuillage tout l'hiver et résistent au gel, même s'il n'y a pas de couvert de neige. Bergénia, pavot oriental, pervenche, rhododendron, certaines fougères et plusieurs muscaris font partie du groupe.

Un conseil toutefois: si vos plantes ont émergé du sol à la suite d'une période de gel et dégel, appliquez-leur une bonne pression de la main pour qu'elles reprennent leur place normale.

Petits fruits

Le bel automne et l'hiver particulièrement chauds ont aussi été très favorables aux arbustes à petits fruits (cassis, framboises, bleuets nains et en corymbe). Les plants sont particulièrement enforme en ce début d'avril, indique le producteur Luc Lareault, de la pépinière du même nom, à Lavaltrie. Encore là, c'est la période de floraison qui suscite l'inquiétude. Un gel trop intense à ce moment-là peut anéantir la future récolte.

Arbres décoratifs

Notre hiver doux a été favorable à nos arbres décoratifs, particulièrement ceux qui sont à la limite de leur aire de rusticité comme plusieurs magnolias. Le hic demeure encore la période de floraison. Les inflorescences de magnolias, par exemple, sont extrêmement sensibles. J'ai vu à plusieurs reprises des fleurs virer du rose ou brun à la suite d'une nuit très froide de mai.

Je me souviens par ailleurs de ces deux jeunes arbres d'environ 2 mètres qui sont morts instantanément à la suite d'un gel au cours d'une nuit. C'était en mai, alors que leurs petites feuilles avaient commencé à se développer. Curieusement, ce sont les seuls arbres sur le terrain qui n'ont pas résisté. Le plus étrange, c'est qu'il s'agissait de deux espèces extrêmement rustiques : un mélèze laricin et un peuplier faux-tremble.

Arbres fruitiers

La situation des arbres fruitiers est fort différente. «Dans certaines régions, le débourrement a commencé, ce qui ne s'est pas vu depuis 50 ans, soit depuis que les données sont enregistrées. Les bourgeons à fruits sont plus fragiles au gel. Mais notre grande préoccupation demeure la période de floraison», explique Monique Audette, pomicultrice et agronome responsable de la ferme expérimentale de Frelighsburg pour Agriculture et Agroalimentaire Canada. «Nos pommiers sont équipés pour résister au froid, fait-elle valoir, mais il y a des limites, évidemment.»

Par exemple, si les bourgeons débourrés sont soumis à un gel de -8º C, 10% d'entre eux peuvent mourir. Cette perte a cependant peu d'incidence sur une cueillette commerciale. Mais si la température descend à -12,2º C, les dommages peuvent atteindre 90%. Dans ce cas, c'est la catastrophe. Il n'y aura pas de récolte. La feuillaison de l'arbre ne sera cependant pas concernée. Au contraire, elle sera plus abondante car le pommier n'aura pas à produire de fleurs et de fruits.

La chaleur survenue en mars devrait toutefois provoquer une floraison plus hâtive qu'en temps normal, peut-être à la fin d'avril. Plus fragiles encore que les bourgeons, les fleurs peuvent résister à un léger gel, mais à -2,2º C on compte 10% de pertes et à 3,9º C, elles atteignent 90%. Cette froidure peut survenir parfois qu'à la mi-mai.

Autre problème éventuel : si la floraison se produit à un moment où une période de temps frais se prolonge, les insectes, notamment les abeilles, ne seront pas suffisamment actifs pour effectuer un bon travail de pollinisation. On devine alors les conséquences.

Pommiers, cerisiers, pruniers et poiriers sont soumis exactement aux mêmes règles. Toutefois, les températures fatidiques varient d'une espèce à l'autre.

Maringouins d'avril

En banlieue, le compagnon du jardinier est souvent le maringouin! Il m'accompagne souvent de mai à septembre. Cette année, des amateurs ont d'ailleurs signalé sa présence dès le 18 mars lors du doux temps, laissant croire à une saison de jardinage particulièrement piquante.

Or, il n'en est rien, explique l'entomologi s te Jean-Pie r re Bourassa, auteur du volume Le moustique. « Voir des maringouins en mars ou avril, quand le temps se fait chaud, c'est normal, dit cet expert. Ce sont souvent des femelles qui ont hiverné avant de pondre leurs oeufs ou encore avant d'obtenir leur dose de sang nécessaire avant la ponte.

Dans ce dernier cas, elles n'hésiteront pas à vous piquer. Quant aux premières éclosions, elles surviennent habituellement en mai. »