Rares sont ceux qui ont pu y goûter ou même la voir. Pourtant, même si sa carrière en est à ses balbutiements au Québec, elle connaît déjà du succès sur la scène internationale.

Rares sont ceux qui ont pu y goûter ou même la voir. Pourtant, même si sa carrière en est à ses balbutiements au Québec, elle connaît déjà du succès sur la scène internationale.

 Voici donc l'histoire étonnante de la Clé des champs, une nouvelle fraise typiquement québécoise que vous aurez probablement l'occasion de déguster en juin. Les premières récoltes devraient arriver cet été dans les kiosques à la ferme ou dans certains marchés publics. Et si le coeur en dit, vous pourrez avoir votre propre fraiseraie au jardin, puisque la Clé des champs sera offerte dans plusieurs pépinières.

 L'aventure de la Clé des champs a commencé il y a sept ans quand les chercheurs d'Agriculture Canada, à Saint-Jean-sur-Richelieu, ont sélectionné des fraisiers pour leur résistance aux maladies en vue de réduire l'utilisation de pesticides en culture commerciale. Menés en collaboration avec la pépinière Luc Lareault, de Lavaltrie, un des plus importants producteurs de plants de fraisiers sur le continent (il en vend autour de 30 millions par année dont 24 millions sont exportés aux États-Unis), les travaux ont été dirigés par le chercheurs Shahrokh Khanisadeh, Iranien d'origine devenu un des plus grands experts dans le domaine de la fraise et de la pomme au Québec. D'autres tests ont aussi été réalisés dans les installations d'Agriculture Canada de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick de même qu'à l'Université de Guelph, en Ontario.

 Baptisée il y a trois ans à peine, la Clé des champs a été sélectionnée parmi 7000 hybrides de fraisiers et son arbre généalogique compte au moins quatre générations et 26 parents directs. Ses caractéristiques sont étonnantes. Non seulement exig-t-elle moins de pesticides que ses congénères en raison de sa grande résistance aux maladies mais elle très rustique (zone 3) et pousse très bien en culture commerciale. Son feuillage luisant est vert foncé, le fruit rouge vif et brillant en plus de conserver une grosseur uniforme de la première à la dernière cueillette de la saison. Normalement, plus la saison avance, plus les fraises sont petites. La chair est rouge orangée de part et d'autre du fruit; elle est très ferme. La récolte s'échelonne du 20 juin à la fin juillet. Selon la région, la Clé des champs se conserve environ cinq jours à la température de la pièce, une caractéristique attribuable à sa composition très riche en antioxydants.

 Voilà d'ailleurs qui fait la grande popularité de cette nouvelle venue.

 Un bienfait pour la santé

 Cette fraise contient des taux d'acides foliques et de divers antioxydants plus élevés que les autres variétés commerciales les plus cultivées. Or, en recherche médicale, la fraise est reconnue parmi les cinq fruits les plus importants qui soient pour ses propriétés bénéfiques pour la santé, notamment la régénération des tissus, ses antioxydants (prévention des maladies cardiaques et de plusieurs types de cancers), de même que pour son rôle limitant la prolifération des cellules cancéreuses.

 C'est donc pour toutes ces raisons que le nouveau fraisier a trouvé preneurs en France, en Angleterre, en Allemagne et probablement dans les mois qui viennent, en Russie et Roumanie. Le nouvel hybride a aussi été vendu aux États-Unis, notamment dans la région de Boston et à New York, et la production devrait commencer l'an prochain. Tout récemment, des chercheurs du Maroc ont aussi fait des demandes afin de croiser la fraise québécoise avec des variétés locales afin justement d'en augmenter les propriétés antioxydantes.

 Au Québec, certains producteurs devraient obtenir une récolte importante de Clé des champs cette année, des fraises qui seront offertes dans les marchés locaux, notamment à Laval. Il faudra toutefois se méfier car il est probable que certains marchands peu scrupuleux vendront d'autres fraises sous le nom de «Clé des champs», de la fausse représentation qui évite aux producteurs de payer les royautés exigées sur chaque plant. On sait que de temps à autre, dans les marchés publics, la fraise américaine est vendue sous le nom de fraise du Québec.

Les fraisiers exigent avant tout une position ensoleillée, un sol mais bien drainé et amendé annuellement de compost. Dans le potager domestique, on peut planter une dizaine de plants par mètre carré, ce qui donnera une production d'environ cinq kilos de fraises la deuxième année suivant la transplantation.

 Lors de la première floraison, on conseille d'éliminer toutes les fleurs pour permettre au plant de conserver son énergie pour l'année suivante, mais évidemment on laisse un plant ou deux donner quelques fruits afin d'y goûter. La production maximale sera atteinte au cours de la deuxième et de la troisième année suivant sa transplantation, après quoi le plant commence à décliner. En culture commerciale, les plants sont remplacés à tous les deux ou trois ans.

 La fraise d'Amédée

 L'utilisation du terme fraise remonte au XIIe siècle et aurait pour origine le nom latin fragra, une allusion à l'odeur du fruit. On en compte une douzaine d'espèces qui nous viennent d'Asie, d'Europe, d'Amérique du Nord et du Chili. Les fraisiers sauvages ont tous des petits fruits. Les grosses fraises vendues aujourd'hui sont toutes produites par des fraisiers hybrides. On en compte des centaines.

 Curieusement, l'aventure de la fraise «moderne» commence avec un personnage au nom prédestiné d'Amédée-François Frézier, ingénieur militaire français, navigateur, explorateur, cartographe et même botaniste à ses heures. Il découvre lors d'un voyage au Chili une espèce de fraisier (Fragaria chiloensis) portant des fruits blanchâtres beaucoup plus gros que les fraises des bois connues en Europe. Il rapporte en France cinq plants qu'il arrose patiemment pendant le long voyage en voilier. Un de ces plants tombe entre les mains du naturaliste Antoine-Nicolas Duchesne, qui hybride le fraisier chilien avec son semblable nord-américain Fragaria virginiana, notre fraise des champs, ce qui donne le premier fraisier à gros fruits, celui qui est à l'origine de toutes les autres variétés.

La populaire Rosalyne

 Créé et sélectionné il a quelques par les équipes de Shahrokh Khanisadeh et de la Pépinière Luc Lareaut, le fraisier décoratif le plus populaire au Québec se nomme Rosalyne. Il s'en vend de 50 000 à 60 000 plants annuellement chez nous, mais il n'a pas encore traversé la frontière américaine où il est serait en compétition avec Pink Panda, toujours populaire dans nos centres de jardin. Il produit une grosse fleur rose, très jolie, qui donnera éventuellement un fruit savoureux, ce qui est plutôt rare chez les fraisiers décoratifs. La plante pousse bien en bac et en jardinière. Au jardin, elle est extrêmement résistante. Certains de mes plants sont âgés de 5 ans et produisent tout l'été, parfois jusqu'en octobre, comme c'est le cas pour celui planté dans mon jardin alpin.

  Un fruit pas comme les autres...

 La fraise n'est pas un fruit au sens botanique du terme. Il s'agit plutôt du grossissement charnu du réceptacle de la fleur, les vrais fruits étant en réalité les petits picots brunâtres que l'on retrouve à sa surface, des akènes, de leur nom scientifique.

 Des fraises floridiennes du Québec

 Une grande partie des exportations de la pépinière Lareault sont destinées à la Floride. Si bien qu'au cours de l'hiver, environ 40% des fraises floridiennes vendues chez nous sont produites par des fraisiers... québécois.

 

Photo fournie par Frédérik Laforge

Fruit de sept ans de recherche et de sélections, le fraisier la clé des champs a été sélectionné parmi 7000 autres hybrides. son taux d'acide folique est le plus élevé qui soit parmi les fraises.