Les travaux printaniers m'ont confronté une fois de plus à une réalité que je tente souvent d'oublier: les plantes envahissantes. Que de fois je vous ai mis en garde contre ces pestes! C'est l'histoire du cordonnier mal chaussé...

Les travaux printaniers m'ont confronté une fois de plus à une réalité que je tente souvent d'oublier: les plantes envahissantes. Que de fois je vous ai mis en garde contre ces pestes! C'est l'histoire du cordonnier mal chaussé...

Ma foi! Même si le jardin prend de l'âge, même s'il se transforme jour après jour grâce aux nouveautés et réaménagements, ces belles invasives semblent plus présentes que jamais. Leur ambition est sans limite. Pire encore, elles prennent même un nouveau visage. Je ne parle par ici des espèces dénoncées récemment parce qu'elles présentent un danger pour nos milieux naturels. Non! Il s'agit plutôt de ces plantes que l'on trouve dans toutes les pépinières, que l'on achète régulièrement parce qu'elles sont jolies et poussent joyeusement. Leur vigueur se transforme, habituellement à notre insu, en une conquête territoriale sans fin.

Prenez le lamier, par exemple. Avec son feuillages décoratif et son abondante floraison, il a l'air tout à fait inoffensif. Puis, sans crier gare, le voici à droite, à gauche, partout. Une vraie mauvaise herbe qu'il faut s'empresser de contrôler.

Et que dire du topinambour. Une plante à la mode pour son tubercule santé qui donne de belles fleurs jaunes en forme de marguerite en septembre et atteint une taille considérable (2 m). Méfiez-vous! Celui qui épouse le topinambour signe un contrat d'une durée illimitée. Mais si ce n'était que la durée! C'est que la plante dominatrice s'installe partout.

L'ennemie No 1

Je vous fais grâce de ces belles invasives connues comme les violettes, l'herbe aux goutteux ou aegopodium, le muguet, l'anémone japonaise (A. robustissima), certains alliums (ciboulette à fleur d'ail, la variété «Hair» etc.), plusieurs sedums de petite taille, des vinaigriers, des euphorbes comme «Firecracker» ou du délicat mais diabolique «Fens Ruby», toutes des plantes qui méritent une surveillance constante. Évidemment, la liste est beaucoup plus longue.

À vrai dire, j'ai tenté à plusieurs occasions de déterminer quelle était la plante la plus envahissante de mon jardin. Trois ou quatre d'entre elles se disputent ce premier rang, à mon grand désespoir. C'est l'éphémère ou tradescantia qui mérite probablement le titre de plus grande importune. Parce qu'elle est très populaire et qu'il existe de nombreux cultivars (celui au feuillage jaunâtre est moins envahissant). Progressivement, la belle s'installe partout, dans les moindre recoins, souvent en compagnie d'une autre plante prisée comme l'hémérocalle. L'ennemie s'est même implantée au beau milieu de mes touffes de sarracénie pourpre, la jolie insectivore qui pousse en milieu acide et extrêmement humide. Un cauchemar, je vous dis! Et elle a le culot de s'appeler éphémère...

L'anémone du Canada, elle, se retrouve dans une foule de fossés, en bordure des routes de campagne ainsi qu'au rayon des plantes indigènes. Difficile de ne pas lui résister quand elle est en fleur comme c'est le cas actuellement. De grâce, abstenez-vous! Voilà 25 ans que j'essaie en vain de l'éliminer de mon jardin. Situation presque identique avec l'onoclée sensible, une fougère au feuillage vert tendre, très belle ou encore la matteucie, fougère-à-l'autruche, celle que l'on mange. Toutes deux sont aussi offertes dans le commerce et la spectaculaire matteucie convient très bien aux endroits ombragés. Attention une fois de plus. Grande invasion appréhendée. S'il fallait que je vende en pot tous les plants arrachés chaque année au jardin, je pourrais faire une concurrence déloyale à plusieurs pépiniéristes de la Rive-Sud.

Plus rare mais parfois offert dans les centres de jardin ou en catalogue, le dicentre à capuchon (Dicentra cucullaria) est aussi très répandu dans la nature, du moins dans les territoires de pêche que je fréquente. Mignon comme tout, ce petit coeur saignant blanc possède un feuillage argenté très délicat. Eh oui! je n'ai pu résister. J'en ai transplanté quelques-uns dans le jardin et je le regrette encore. Dame Nature s'en est offusquée. Non seulement la plante fleurit très rarement, mais elle couvre des pans entiers de la platebande si on n'intervient pas constamment.

Autre objet de contrariété: les filipendules, des plantes de 1,5 m à l'inflorescence délicate, rose ou blanchâtre, selon la variété. De toute beauté mais à proscrire du jardin, à moins de les installer en un endroit où elles peuvent prendre tout l'espace disponible.

Enfin, il faut aussi se méfier des bambous, les vrais, des espèces qui commencent à connaître une certaine popularité chez nous en raison de leur beau feuillage et de leur allure originale. Certains poussent chez moi depuis deux ans et prennent déjà plus d'ampleur que prévu. Un sujet envahissant dont nous aurons sûrement l'occasion de reparler.

Pour ma compagne jardinière, il n'y a qu'une explication à cette folie de toujours choisir les plantes les plus invasives: mon enthousiasme envahissant qui, chaque année, me fait jeter mon dévolu sur un nouveau végétal dont il faut expérimenter tous les cultivars.

 

Photo Pierre McCann, La Presse

Bouquet d'anémones du Canada au milieu d'un plant de hosta.