Avant de piquer du nez, l'été tire sa révérence avec panache: la lumière change en se faisant plus intense, les matinées sont fraîches; dans les champs, les producteurs maraîchers sont débordés par la trop courte saison des récoltes. Au marché, on se croirait tout à coup transporté en Provence: les énormes paniers de tomates rouges se vendent pour une chanson, les poivrons multicolores nous supplient de les cuisiner en pipérade, tandis que les courgettes géantes et les aubergines pourpres évoquent immanquablement de savoureuses ratatouilles.

Avant de piquer du nez, l'été tire sa révérence avec panache: la lumière change en se faisant plus intense, les matinées sont fraîches; dans les champs, les producteurs maraîchers sont débordés par la trop courte saison des récoltes. Au marché, on se croirait tout à coup transporté en Provence: les énormes paniers de tomates rouges se vendent pour une chanson, les poivrons multicolores nous supplient de les cuisiner en pipérade, tandis que les courgettes géantes et les aubergines pourpres évoquent immanquablement de savoureuses ratatouilles.

Si, comme moi, vous appartenez à la confrérie des cuisiniers gourmands, l'appel de l'étal surchargé se fait déjà entendre à vos oreilles depuis plusieurs jours, telle une mélopée lancinante. C'est le moment de céder à la tentation (non sans avoir, au préalable, convaincu l'amour de votre vie de vous suivre dans cette expédition; on n'a jamais assez de paires de bras pour ce genre de razzia de fin d'été!). Mais, de grâce, usez de doigté, soyez rusé même, afin de ne pas l'effaroucher: «Mon ange, allons faire un petit tour au marché pour prendre quelques tomates, deux radis et trois concombres Non, non, pas plus, c'est promis!» N'oubliez pas que la faim (euh je veux dire, la fin) justifie les moyens.

Une fois cette délicate mission de persuasion accomplie, vous arrivez au marché, mais devez malheureusement tourner en rond sans parvenir à vous stationner. C'est que le marché est populaire à cette période de l'année ! Prenez soin de rassurer votre partenaire, déjà prêt à rebrousser chemin devant la difficulté qui se présente, en lui offrant une distraction impromptue («Oh! T'as vu comme le fleuve est beau aujourd'hui?»), tout en fonçant discrètement sur la première place qui se libère. Mission accomplie. Ensuite, enfin rendu à bon port, laissez-vous guider par les parfums qui s'offrent à votre gourmandise.

Vous tombez d'abord sur un gigantesque bouquet de basilic qui embaume à des rangées à la ronde. Vous empoignez la bête, la payez un prix d'ami, puis vous vous tournez vers la magnifique tresse d'ail interminable et charnue qui trône sur l'étal voisin et qui vous titille la convoitise. «Tu comprends, mon bijou, à ce prix-là, c'est une aubaine», que vous dites à votre obligeante paire de bras accompagnatrice, qui ne se méfie encore de rien et ignore tout des excès dans lesquels vous vous apprêtez à plonger. Mais il vous suffit d'arpenter la rangée suivante pour craquer raide devant l'interminable alignement de paniers géants remplis à ras bord de beaux légumes du Québec.

Des réserves!

Vous voilà emporté par l'atavique besoin de faire des réserves en prévision du long hiver et de ses rigueurs. Sans trop réfléchir, vous chargez dans le coffre de la voiture un panier de 25 kg de tomates italiennes, puis un autre de tomates rouges sous le regard médusé de votre tendre moitié qui vient de comprendre son erreur («C'est pour la sauce à spaghetti et les tomates séchées, mon coeur!»). Viennent ensuite les 50 poivrons à 5 $ la caisse (comment résister?), puis les gourganes fraîches (si difficiles à trouver!), suivies des courgettes grosses comme des bâtons de baseball et de leurs cousines germaines, les aubergines. Sans plus regarder votre douce moitié, dont l'oeil se fait désormais ouvertement réprobateur, vous hissez courageusement les oignons en poche sur la banquette arrière («Mais si, mon amour: ça se garde six mois au frais dans le sous-sol!»), avec les 10 kg de pommes Melba primeur, avant de conclure (qui sait?) par un splendide bouquet des dernières fleurs des champs de la saison.

Vous voilà heureux, vos instincts d'écureuil enfin assouvis. À vos côtés, votre complice obligé a fini par se laisser gagner par l'euphorie de la cueillette et devise maintenant sur la meilleure façon de laisser réduire la sauce tomate pour en préserver le précieux lycopène, qui protège contre les maladies cardiaques et le cancer. C'est que nous sommes en présence d'un esprit scientifique, ma foi.

Bonne rentrée d'automne!