Sur son terrain restreint, dans le Plateau-Mont-Royal, à Montréal, un couple avec deux enfants a autoconstruit sa propriété autour d'une petite cour intérieure à ciel ouvert de type patio, où s'épanouissent lierre et plantes en pots. Conçue par l'agence d'architecture _naturehumaine, l'habitation, tout en hauteur, est coiffée d'une mezzanine avec terrasse sur le toit. Un havre de paix au coeur de la ville.

Avant même de se lancer dans leur projet d'autoconstruction, Catherine et Soukwan projetaient déjà d'aménager une cour intérieure. «On voulait une maison lumineuse, mais on n'aimait pas l'idée d'une façade largement vitrée qui donne l'impression de vivre dans un aquarium», racontent-ils. Solution architecturale? «Le meilleur moyen de recevoir de la lumière naturelle tout en se protégeant des regards des passants (et sans vivre les rideaux fermés) était de la faire entrer au milieu de la propriété», justifie Soukwan. Ce choix s'explique également par les contraintes du lieu. «Il nous était difficile de percer des ouvertures dans la façade arrière, en raison de la trop grande proximité du voisin, enchaîne Catherine. Sans compter les deux immeubles attenants. Pour avoir une belle luminosité et aménager des pièces à l'arrière, nous n'avions d'autres choix que d'avoir cette cour intérieure qui, en plus, répondait à notre besoin d'intimité.»

Catherine dans l'escalier qui relie la mezzanine sur le toit à l'étage des pièces de vie. Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse.

En 2011, le couple fait appel à l'agence _naturehumaine, alors qu'il est encore propriétaire d'un gîte du passant, dans le Plateau-Mont-Royal. «On habitait dans le gîte et notre cour était trop profonde pour nos besoins. Il fallait l'entretenir et je ne suis pas une mordue de jardinage, admet Catherine. On adore vivre en ville, mais nous ne rêvions pas d'une cour arrière à tout prix.»

Le gîte est ensuite mis à vendre, car le couple entend bien se construire... dans la cour! «Mais il fallait d'abord que l'arrondissement approuve notre projet», souligne-t-il. Les architectes dessinent les plans, établissent une estimation des coûts et accompagnent leurs clients afin d'obtenir les autorisations et permis requis.

Mai 2012. Après avoir obtenu le feu vert de l'arrondissement, Catherine et Soukwan se lancent dans la réalisation de leur futur domicile, qui sera une copropriété (divise horizontale). «L'autre copropriétaire est l'acheteur de notre ancien gîte, reconverti en habitation. Un espace de rangement relie les deux unités, note Soukwan, qui agira à titre de maître d'oeuvre tout au long des travaux. On a choisi l'autoconstruction afin de diminuer les coûts.»Empiler les espaces

La façade principale et, à droite,  la cour intérieure de la demeure coiffée d'une mezzanine et d'une terrasse sur le toit. Photos Hugo-Sébastien Aubert, La Presse.

Ce n'est pas un hasard si l'habitation avec patio a été baptisée «Stacked House» («maison empilée») par l'agence. «Afin de respecter un taux d'implantation au sol de 70% et parce que le lot était déjà occupé à une extrémité par l'ancien gîte, nous avons exploité la surface disponible et la hauteur autorisée pour construire. D'où la création d'une maison à la verticale, composée d'un empilage d'espaces», explique Amélie Melaven, architecte, chargée de projet, à l'agence _naturehumaine. Des pieds carrés supplémentaires ont été gagnés grâce à la construction d'une mezzanine sur le toit. Celle-ci abrite la chambre principale et une salle de bains. La superficie habitable de la demeure en copropriété est de 2122 pi2. Quant à la cour intérieure, elle fait 9 pi sur 17 pi. «On occupe tout notre lot, dans les limites permises, rappelle Catherine. Et les chambres ne sont pas très grandes, car nous avons préféré miser sur les pièces à vivre.» Forcément, cette construction à la verticale a entraîné la mise en place d'escaliers. Un désavantage? «On est jeunes, on bouge. Non, pas vraiment», répond Soukwan.

«L'idée de la stratification est exprimée par un jeu de textures et de revêtements extérieurs, sur les façades avant et arrière, poursuit l'architecte. Une évocation de la disparité des matériaux, typiques des ruelles de Montréal. Chaque strate correspond à un niveau. Le premier est habillé de fibrociment lisse, peint en gris. Le deuxième est bardé de fibrociment naturel alors que l'étage "noble", celui des pièces de vie, est recouvert d'un matériau plus chic, de l'acier noir, prépeint en usine. Enfin, pour la mezzanine et terrasse sur le toit, de l'acier gaufré a été privilégié en guise de parement.»

Au coeur de la demeure

Trois étages s'articulent autour de la cour intérieure, qui est adossée à un mur mitoyen.

Le rez-de-chaussée accueille le vestibule et un atelier-rangement. Le premier étage est «occupé» par les enfants: Nathan, 17 ans, et Benjamin, 15 ans. Leur chambre est disposée de part et d'autre du patio. Les pièces de vie logent au deuxième. Du côté de la façade avant se trouve le salon qui, largement ouvert, donne sur la cour intérieure et par extension, sur la cuisine et la salle à manger. Résultat: une continuité visuelle très forte est établie. Une surface en caillebotis forme une terrasse suspendue à ce niveau. L'endroit prend des airs de petit jardin avec l'abondance de végétaux. Des chaises et une table d'appoint permettent d'y prendre un café en toute tranquillité. Le soir venu, un esprit festif y règne grâce à l'éclat d'une guirlande d'ampoules. Enfin, il y a le toit rehaussé d'une mezzanine.

Une vue en contre-plongée, à partir du sol, de l'étroite cour intérieure à ciel ouvert, de type patio. Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Outre la cour intérieure, deux puits de lumière participent à illuminer les lieux. Autre astuce: la terrasse suspendue et les garde-corps extérieurs en caillebotis, donc ajourés, laissent passer la lumière. Aussi, des panneaux de fibrociment peints en gris pâle, posés sur les murs de la cour, augmentent la luminosité en réfléchissant la lumière.

Les avantages

«On ne va pas nécessairement souvent dans la cour intérieure, là où a été installée la terrasse, mais juste le fait qu'elle soit là, c'est très apaisant», avoue Catherine. «Une cour intérieure procure non seulement une grande intimité en ville, mais elle enrichit un aménagement, estime Amélie Melaven. Deux coins vitrés ont été réalisés, autour de l'étroit patio afin d'élargir la perspective sur les espaces et mieux laisser circuler la lumière. Par la même occasion, un effet d'agrandissement est donné.»

La cuisine et la salle à manger s'ouvrent sur la terrasse suspendue, de la cour. Photo Adrien Williams, fournie par _naturehumaine

Des inconvénients?

Au plus fort de l'été, on pourrait croire qu'une chaleur étouffante règne dans un patio, protégé des vents. Qu'en est-il, au juste? «Au niveau de la rue, une porte cochère laisse entrer l'air et, par effet de cheminée, procure une ventilation naturelle, observe Catherine. On ouvre aussi la grande porte vitrée de la cuisine et la fenêtre du salon qui, toutes deux, donnent sur la cour. Sans oublier l'autre fenêtre du salon, côté rue, qui peut s'ouvrir. On bénéficie ainsi d'une bonne circulation d'air.»

Et la neige, l'hiver? S'accumule-t-elle au sol du patio? «Après une grosse tempête, on l'enlève par la porte cochère, explique Soukwan. Le seul réel inconvénient, dit-il, est la déperdition de chaleur associée au décloisonnement, à la hauteur des plafonds et à l'abondance de vitrage (trois faces fenêtrées autour de la cour). Des facteurs qui contribuent à augmenter les frais de chauffage.» Enfin, l'été, le bruit de la rue est-il amplifié? «Certes, la cour est à ciel ouvert, mais heureusement, notre rue est peu passante», indique Catherine.

Une baignoire à remous intégrée dans la terrasse sur le toit donne sur une fenêtre protégée de verre trempé. Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse



Spa avec vue

Enfin, un autre espace à ciel ouvert (où il fait bon relaxer et recevoir des invités) a été créé: la terrasse sur le toit. Un spa intégré à l'aménagement permet d'admirer l'environnement grâce à une ouverture, protégée de verre trempé, dans le parapet. «Telle une lunette, elle offre à l'utilisateur de la baignoire à remous un point de vue dégagé sur l'extérieur, plutôt qu'un champ de vision limité», conclut Amélie Melaven.