Pendant plusieurs années, l'historien Michel Lessard a fréquenté le Manoir Hovey, en Estrie. Il garde le souvenir de l'immense parterre fleuri, au bord du lac Massawippi, et des chaises Adirondack disséminées sur la pelouse, parfaits symboles du farniente, des vacances et de l'été.

Pendant plusieurs années, l'historien Michel Lessard a fréquenté le Manoir Hovey, en Estrie. Il garde le souvenir de l'immense parterre fleuri, au bord du lac Massawippi, et des chaises Adirondack disséminées sur la pelouse, parfaits symboles du farniente, des vacances et de l'été.

Pensez à la chaise Adirondack et il vous vient en tête des images de chalet, de forêt et de montagne. C'est le meuble de villégiature par excellence, qu'on associe aussi bien au shack et aux mouches noires, qu'à l'auberge cinq étoiles et au camp de pêche huppé.

Les quincailleries de quartier et les magasins grande surface en offrent aujourd'hui des modèles pliants «d'aspect bois», qui trouvent encore preneurs malgré la compétition de meubles d'extérieur de plus en plus chics.

«À l'origine, c'était du mobilier de pauvres, mentionne Michel Lessard. Les Québécois s'en sont emparés et ils ont jazzé ça en l'ornant avec des motifs populaires, comme des fleurs et des trèfles.» Dans les années 30 et 40, ajoute-t-il, les chaises Adirondack faisaient partie du décor des cabins.

Ce fauteuil tire son nom des montagnes Adirondack, situées dans le nord-est de l'État de New York. Il a pour ancêtre la Westport Chair conçue par l'Américain Thomas Lee, en 1903, pendant ses vacances à Westport, un village de l'État de New York. L'homme voulait un siège à l'assise parfaite, pour que ses invités s'y prélassent en contemplant le lac Champlain.

Internet rapporte ce récit de Mary Lee, la nièce de Thomas :

«Je me souviens d'oncle Tom, clouant des larges planches et demandant à chaque membre de la famille de s'y asseoir et de lui dire à quelle position les angles de l'assise étaient confortables. Une fois la perfection de l'angle trouvée, il a ajouté ses larges accoudoirs sur lesquels on pose une tasse ou un verre. Tout le monde était enchanté, si bien que nous en avons commandé trois autres au charpentier du village, pour la terrasse de notre cottage.»

Fameux accoudoirs

Si la chaise Adirondack est passée à travers le siècle, c'est grâce à ses fameux accoudoirs qui permettent aux usagers de lire, de faire des mots croisés, de dessiner, de boire et de manger, sans table.

La chaise a plusieurs dérivés aujourd'hui : causeuse, balançoire, tabouret, version pour enfants. L'entreprise Lee Valley offre aux bricoleurs une variété de plans qui ressemblent à ceux du modèle original, fabriqué avec une douzaine de planches d'épinette. Le dossier s'est arrondi, mais l'angle avec le siège est le même qu'à l'époque où il avait été testé pour convenir aux pentes des montagnes.

Ce que Mary Lee n'a pas mentionné, c'est que son oncle Thomas avait confié la fabrication de ses chaises à son ami, le charpentier Harry Bunnell. Ce dernier, tout à sa joie de faire quelques dollars pendant l'hiver, a vite perçu l'engouement des résidants de Westport. C'est donc sans l'autorisation de Lee qu'il a déposé un brevet et qu'il a pu manufacturer - et signer - les chaises Adirondack pendant 20 ans.

La suite s'écrit en plusieurs versions. Joane Lepage, copropriétaire d'Antiquités Rivière-du-Loup, a vu des modèles bricolés avec des branches. «Les enfants en faisaient pour les touristes, soutient-elle. La chaise Adirondack était aussi très populaire en Ontario.»

Des charpentiers utilisaient «des restants de chantier et de peinture» pour ce meuble rustique qui servait au chalet et à la maison.

L'historien Michel Lessard en a vu dans toutes les régions du Québec. «Tous les menuisiers de village en faisaient, affirme-t-il. Ils prenaient leurs plans dans les publications de Popular Mechanics

La chaise inspire même les artistes. En 2005, des architectes paysagistes montréalais de NIP paysage avaient créé un fauteuil Adirondack géant, qu'ils avaient présenté au Festival international de jardins, aux Jardins de Métis. Des milliers de personnes y avaient posé leurs fesses en espérant, sans doute, une chope de bière à la mesure de ses accoudoirs.

 

Photo tirée de <i>Je jardine</i>

Des chaises qui donnent du relief à cette cour ombragée.