Même s'il vit au coeur d'une agglomération de 12 millions de personnes, Jean-Jacques Schakmundès est un rural.

Ce sympathique moustachu exerce le noble métier d'apiculteur et offre la production annuelle de ses abeilles en vente dans un petit commerce qui est aussi un fournisseur d'équipement apicole.

La chose étonnante, c'est que cet homme est un Parisien pure laine qui habite et fait commerce (de miel, évidemment) dans le joliment nommé quartier de la Butte aux Cailles, au sud-ouest de la Ville lumière, dans le 13e arrondissement. Une partie de ses ruches est installée dans un coin discret du parc Kellermann, le long du très achalandé boulevard Périphérique, l'autoroute urbaine qui ceinture Paris. C'est seulement depuis 1993 que ce traducteur de métier s'est converti à l'apiculture. Il possède en tout une vingtaine de ruches; celles qui ne sont pas dans le parc Kellermann sont installées dans des jardins privés.

À Montréal, il est interdit d'avoir une ruche pour faire du miel, mais on songe à tenter une expérience l'an prochain sur le Plateau-Mont-Royal. À Paris, il y a plus de 400 ruches en production. On en trouve au jardin du Luxembourg, sur les toits de certains édifices connus (l'Opéra Garnier, le Grand Palais) et sur des toits moins célèbres, ainsi que dans des jardins privés. Ce n'est pas totalement nouveau: il y a, à des fins éducatives, des ruches au Luxembourg depuis la fin du XIXe siècle. Mais la chose prend ces années-ci une ampleur «verte» inattendue, au point que des particuliers se font aujourd'hui installer une ou deux ruches dans leur jardin, et arrivent à produire une trentaine de kilos de miel par année, ce qui n'est pas rien, on en conviendra.

Il y a environ 36 000 ruches au Québec, mais les abeilles ne produisent que 25% du miel consommé ici. Historiquement, il y a déjà eu 100 000 ruches au Québec et on estime que les abeilles «touchent» à 40% de l'assiette des Québécois, par la pollinisation.

On trouve maintenant sur le web des sites qui offrent des kits de débutants aux apiculteurs amateurs de Paris, avec la ruche, l'essaim et sa reine, la bombe fumigène, le casque avec filet, les gants de caoutchouc ainsi que le manuel du parfait petit producteur de miel. L'un de ces sites semble particulièrement actif, et son animateur, Nicolas Géant, est l'expert souvent cité par les médias qui traitent du sujet. Les ruches du Grand Palais sont à lui.

Coexistence pacifique

Apparemment, la coexistence avec les humains de ville se passe sans accrochages; les abeilles urbaines seraient aussi en bien meilleure santé qu'à la campagne. Ainsi, on ne voit pas dans les ruches parisiennes les hécatombes qui frappent ces insectes depuis quelques années, aussi bien en Europe qu'en Amérique du Nord. On soupçonne d'ailleurs l'utilisation massive d'insecticides par les agriculteurs d'être la cause principale de ces mortalités qui, selon certains chercheurs, mettent en danger la survie des abeilles et, ultimement, l'efficacité de la reproduction végétale, et donc de l'alimentation humaine.

Excellent miel

L'air de Paris, comme celui de toutes les grandes villes, est évidemment pollué par les gaz d'échappement des véhicules, mais cette pollution urbaine n'a rien de comparable avec les effets des fongicides et des insecticides associés à la monoculture céréalière qui est devenue dominante dans la ceinture agricole qui entoure Paris. Résultat: les abeilles parisiennes produisent un miel d'excellente qualité, selon les analyses qui ont été faites, et elles en produisent plus qu'à la campagne. Le fait qu'il n'y a presque plus de fleurs dans la campagne autour de Paris - qu'on a convertie à la monoculture - mais qu'il y en a partout dans la ville n'est pas étranger à cette situation. Le monde à l'envers, quoi!

On produit à Paris des miels parfois exotiques, selon les plantes en fleurs qui y poussent. Et on produit aussi le «Parisian Honey», un miel multifloral qui dépend totalement de l'improvisation des abeilles butineuses et qui se vend bien à la boutique de J.-J. Schakmundès. Ce miel attire particulièrement les touristes japonais, si on se fie à la carte trilingue français-anglais-japonais affichée en vitrine. La page d'accueil du site web est bilingue, français-japonais...

POUR EN SAVOIR PLUS

Le site de J.-J. Schakmundès

www.lesabeilles.biz

La boutique de J.-J. Schakmundès

Les Abeilles, Miels&Cires, 21, rue de la Butte aux Cailles Paris 75013 Métro Place d'Italie

Le site de Nicolas Géant

www.nicomiel.com