Le vin nouveau nous arrive chaque année. Il faut souvent une vingtaine d'années pour qu'une nouvelle variété de pomme se fasse connaître du grand public. D'ailleurs, les variétés les plus populaires auprès des consommateurs ont souvent été mises en production il y a des lunes.

Par exemple, la date d'introduction de la «McIntosh», la plus populaire au Québec, est... 1836. Pour la «Cortland», on parle de 1910; de 1936 pour la «Spartan»; de 1965 pour la «Gala», et de 1868 pour la verte australienne «Granny Smith» que l'on importe de l'État de Washington.

 

Des centaines de nouveaux cultivars ont vu le jour au cours des années partout dans le monde, mais les vedettes qui feront leur apparition dans les vergers du Québec pour être plus tard commercialisées sur une grande échelle se comptent presque sur les doigts de la main. Dans ce cercle de divas, les appelées sont nombreuses mais on y compte peu d'élues.

Rappelons que pour obtenir une pomme nouvelle, il faut d'abord qu'une fleur soit fécondée par du pollen, habituellement grâce à l'intervention d'un insecte ou artificiellement par un hybrideur. Cette fleur va alors se transformer en fruit dont les pépins donneront à leur tour un nouveau pommier, chacun produisant plus tard des pommes aux caractéristiques génétiques différentes dans chaque arbre, même si elles seront souvent très semblables. Il faudra attendre entre sept et huit ans pour que vos pépins produisent leurs premières pommes.

De 10 à 12 ans de tests

Si un pommier produit des fruits extraordinaires, on voudra le reproduire. Pour cela, on greffera des parties de l'arbre aux pommes prometteuses sur d'autres pommiers (des porte-greffes), de façon à conserver le potentiel génétique du petit nouveau. (Signalons que tous les McIntosh dans le monde sont des clones d'un seul et même pommier. Même chose pour les «Spartan», «Lobo» et tous les autres.)

L'étude du comportement des nouveaux hybrides s'échelonnera souvent sur 10 ou 12 ans. L'objectif est de vérifier les conditions optimales de culture, la vulnérabilité ou la résistance de l'arbre aux maladies et aux insectes, sa rusticité (une donnée très importante au Québec), la productivité, la résistance des branches sous le poids des fruits, etc. Ce n'est qu'après ce long processus que l'arbre commencera à être produit sur une grande échelle. Mais encore faut-il que le pomiculteur, lui, ait confiance dans le nouveau cultivar, car pour aménager un hectare de verger, il devra investir de 25 000$ à 30 000$, nous dit la Fédération des producteurs de pommes du Québec. Et le propriétaire du verger devra attendre de quatre à cinq ans avant que la production ne débute vraiment. C'est ce qui explique que malgré la qualité d'une nouvelle pomme, elle peut mettre une éternité avant d'arriver à votre épicerie.

Des pommiers à planter

Je vous présente aujourd'hui quatre de ces nouveaux hybrides qui devraient faire leur chemin jusqu'à votre table au cours des prochaines années, quatre pommes que nous avons goûtées il y a trois semaines. Des pommes exquises, belles, étonnantes même. Cueillis quelques heures à peine avant notre dégustation par le personnel de la ferme expérimentale de Frelighsburg d'Agriculture Canada, ces fruits étaient d'une qualité exceptionnelle. Ils ont pour nom «Honeycrisp», «Sunrise», «Ginger Gold» et «Royal Court». Retenez-les bien.

Comme la production reste encore très restreinte, ces pommes sont difficiles à trouver sur le marché, puisqu'elles sont offertes seulement à la ferme ou encore dans certains marchés publics. Mais les jardiniers amateurs sont privilégiés, car ces nouveaux hybrides devraient être en vente chez votre pépiniériste puisqu'ils sont déjà produits en nombre relativement important par quelques grossistes québécois, notamment la pépinière Dominique Savio, de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, la Pépinière Abbotsford, de Saint-Paul-d'Abbotsford, la Pépinière Rochon, à Deux-Montagnes, et celle de Luc Rodrigue à Dunham.

D'ailleurs, même si nous sommes en octobre, il n'est pas trop tard pour planter ces pommiers, du moins dans la région de Montréal, estime l'agronome Monique Audette, de la ferme expérimentale de Frelighsburg, une autorité au Québec en matière de pomiculture. Car à cette époque de l'année, les arbres sont déjà en dormance. Elle conseille toutefois d'arroser pour éviter que les racines ne sèchent et de placer un léger paillis à la base de l'arbre afin qu'il passe son premier hiver chez vous sans problème. Dans les zones de rusticité plus froides (zones 4 et 3), elle recommande de procéder à la plantation au printemps, comme le font d'ailleurs la majorité des pomiculteurs.

Un dernier mot: chez les arbres fruitiers, il est souvent préférable de planter deux arbres de variétés différentes pour favoriser la pollinisation. Soulignons par ailleurs que la plupart des pommiers présentent une sensibilité à la tavelure, une maladie fongique contre laquelle il est difficile de composer avec les produits dont dispose le jardinier amateur. Heureusement, la tavelure n'a pas d'impact sur la qualité ou le goût du fruit, mais son aspect le rend souvent invendable à l'état frais.

Honeycrisp

> Université du Minnesota.

> en 1991.

> souvent volumineux (7 à 9 cm de diamètre).

> tardive (fin septembre).

> marbrures rouges sur fond verdâtre. Très belle.

> exquis, unique, très sucré; pomme croquante à souhait. La préférée des consommateurs lors de tests et lors de notre dégustation.

> Culture capricieuse. Ne pas laisser plus de trois ou quatre fruits dans l'arbre au cours des premières années de production.

> Coût élevé sur le marché en raison des contraintes en culture commerciale.

> Produites dans plusieurs pays et vendues sous le nom de «Honey Crunch» en France.

> Ma préférée avec «Sunrise».

SUNRISE

> Colombie-Britannique (Agriculture Canada).

> en 1991.

> moyen (6 à 7 cm de diamètre).

> hâtive (début septembre).

> uniques, rosâtre sur fond jaune.

> doux, sucré, très légèrement acide; pomme croquante. Exquise.

> Durée de conservation limitée (deux semaines).

> La deuxième au classement lors de notre dégustation.

GINGER GOLD

> Virginie.

> en 1989.

> moyen à gros (7 à 7,5 cm de diamètre).

> hâtive (début ou mi-septembre).

> jaune avec une joue rouge.

> sucré, épicé; pomme croquante.

> Port retombant, facilitant la taille et la cueillette.

Royal Court

> Nouvelle-Écosse.

> en 1986.

> moyen à gros (7 à 7,5 cm de diamètre).

> tardive (fin septembre, début octobre).

> rouge foncé à violacé.

> semblable à la «Cortland». Sucré et acidulé si la pomme est dégustée avant maturité complète, ce qui était le cas lors de notre test.

> Fait partie de la lignée «Cortland».

> Variété très rustique.

Pour en savoir plus:

> Émission Ricardo, à la télé de Radio-Canada, le mercredi 21 octobre, à 11h.

> Site internet de RECUPOM pour obtenir les fiches de culture. Attention, il s'agit de production commerciale. Plusieurs traitements sont impossibles à réaliser en culture domestique.

 

La pomme au Québec

C'est le fruit le plus consommé (67%), par rapport à la banane (45%) et à l'orange (39%).

> C'est la collation la plus populaire.

> La McIntosh est la variété la plus connue et la plus estimée.

> Consommation annuelle (2001): 12 kg de fruit frais par personne.

> Consommation comprenant les fruits transformés: 18,25 kg par personne.

> Nombre de producteurs: 594.

> Production annuelle: 231 millions de livres (5,5 millions de minots).

Source: Fédération des producteurs de pommes du Québec