D'une hauteur de 16 m, il est d'une envergure de 10 m à la cime et son tronc mesure un peu plus de 60 cm de diamètre. L'arbre est situé à 5,4 m de la maison de Charles Tremblay (non fictif) qui a manifestement l'érable en aversion depuis des années. Même s'il cultive lui-même quelques arbres fruitiers sur son terrain, il considère qu'un arbre de cette taille n'a pas sa place en ville. Aussi a-t-il réclamé son élimination à quelques reprises dans le passé.

D'une hauteur de 16 m, il est d'une envergure de 10 m à la cime et son tronc mesure un peu plus de 60 cm de diamètre. L'arbre est situé à 5,4 m de la maison de Charles Tremblay (non fictif) qui a manifestement l'érable en aversion depuis des années. Même s'il cultive lui-même quelques arbres fruitiers sur son terrain, il considère qu'un arbre de cette taille n'a pas sa place en ville. Aussi a-t-il réclamé son élimination à quelques reprises dans le passé.

Si bien qu'en août 2004, il enjoint son voisin, nouvellement installé, de couper l'érable. Sinon, il menace de le poursuivre devant les tribunaux. M. Tremblay se plaint que les branches surplombant sa maison laissent tomber feuilles et samares, que certaines racines émergent à la surface du sol alors que d'autres sont susceptibles un jour de menacer la structure des fondations de sa maison. Malgré ces récriminations, le nouvel arrivant refuse.

Quelques mois plus tard, des poursuites sont entreprises. Devant le tribunal, le demandeur réclame l'autorisation de couper l'érable en plus du paiement de dommages évalués à 6280 $, notamment pour perte de jouissance de la partie arrière de son terrain. L'été dernier, quelques semaines avant le procès et sans qu'on ne sache trop pourquoi, M. Tremblay profite de l'absence du voisin pour raser unilatéralement la haie mitoyenne qui sépare les deux propriétés, une haie qui existe au moins depuis une quarantaine d'années.

Voilà qui s'ajoute au contentieux. La cause a été entendue en octobre dernier par le juge René Hurtubise de la Cour supérieure, celui qui avait présidé la célèbre cause de la MIUF. Un mois plus tard, le juge a rejeté la demande de M. Tremblay qui n'a pu démontrer que l'érable lui causait un tort inacceptable. «Certains inconvénients existent, mais il s'agit d'inconvénients normaux qui entrent dans le cadre de ceux que les voisins doivent accepter», écrit le juge dans sa décision.

Basé notamment sur l'expertise d'un émondeur et de deux ingénieurs forestiers spécialisés en foresterie urbaine, ce jugement apporte davantage d'éclairage sur la notion de nuisance des arbres en milieu urbain et les limites imposées par la loi en cette matière. Le juge insiste sur un des articles du Code civil du Québec : celui qui veut faire couper les branches ou les racines avançant sur son terrain doit démontrer sans faute au propriétaire que celles-ci nuisent sérieusement à son usage, que le trouble est réel (et non pas virtuel) et d'une certaine gravité, indique le magistrat. À ce sujet, il estime que la présence de l'arbre n'empêche pas M. Thibault de cultiver ses arbres fruitiers, ses vignes, son potager et ses fleurs.

Mythes dégonflés

Le juge Hurtubise considère aussi qu'il n'y a même pas lieu de s'attarder à la question des samares et des feuilles qui tombent. «Il s'agit là de phénomènes naturels, même si elles tombent sur le terrain du voisin, dans ses gouttières, et sur le toit de son solarium et lui causent un surcroît de travail», écrit-il.

Quant aux dommages potentiels aux fondations, le juge souscrit aux conclusions des ingénieurs forestiers Luc Nadeau (pour la défense) et Denis Marcil (pour le demandeur) qui vont toutes deux dans le même sens. Ces conclusions dégonflent d'ailleurs plusieurs mythes encore bien ancrés chez de nombreux propriétaires. Essentiellement, disent les deux experts, les racines d'un arbre, si grosses soient-elles, ne peuvent perforer ou fissurer une fondation en béton, ni même la faire bouger. Une racine ne peut s'installer que dans une fissure déjà existante, de façon opportuniste, mais ne peut l'agrandir par elle-même.

Dans son rapport, l'ingénieur forestier Luc Nadeau souligne, par exemple, que la presque totalité des racines d'un arbre se trouvent dans le premier mètre de sol, qu'elles ne possèdent pas de «senseurs» leur permettant de détecter la présence d'eau, que face à un obstacle (béton, asphalte, pierre concassée), elles réagissent en se dirigeant dans une autre direction plus propice à la survie de l'arbre.

Les racines sont d'ailleurs limitées et superficielles lorsque le milieu est saturé en eau ou mal oxygéné, insiste-t-il. Le professionnel ajoute par ailleurs, que la plupart des cas de soulèvement de dalles de trottoirs piétonniers ne sont pas causés par la présence de racines, mais plutôt par l'action du gel et du dégel, ou encore, par exemple, par une assise inadéquate.

Le juge Hurtubise puise aussi abondamment dans le rapport de l'ingénieur forestier Marcil pour parler des bienfaits environnementaux des arbres en milieu urbain. Citant des extraits d'études publiées en 1978 et 1992, le jugement indique notamment que l'air des rues sans arbre contient de 10 000 à 12 000 particules de poussières diverses par litre d'air, alors que les rues voisines avec des arbres n'en contiennent qu'environ 3000.

Un arbre mature en milieu urbain intercepte jusqu'à 20 kilos de particules par année. Si le voisin a accepté d'éliminer à ses frais les racines superficielles qui agaçaient M. Tremblay (une suggestion entérinée évidemment par le tribunal), la cause a toutefois donné lieu à un revirement inattendu pour le poursuivant. Le juge Hurtubise l'a condamné à verser 2905 $ au voisin en dommages punitifs pour l'élimination de la haie. Il n'est pas rare qu'un arbre devienne objet de chicane entre deux propriétaires.

Bon an mal, plusieurs lecteurs écrivent pour se plaindre d'un arbre jugé trop encombrant, notamment à cause de l'ombre. Le sujet est délicat et peut rendre l'atmosphère du voisinage irrespirable. Le compromis vaut habituellement mieux qu'un recours devant le tribunal. L'aventure légale de M. Tremblay lui a coûté autour de 12 000 $. Et pour se défendre, le voisin a dû débourser 4000 $, même après avoir déduit les dommages punitifs accordés par la cour.

Un autre cas

Il y a quelques semaines, la Cour supérieure a donné raison à un couple de Montréal qui voulait abattre trois immenses épinettes du Colorado sur leur terrain. La Ville refusait de leur donner un permis à cet effet. Le couple alléguait des problèmes de nuisance et proposait de refaire l'aménagement paysager. Mais Montréal a décidé d'interjeter appel, une première, semble-t-il.