Au détour d'un chemin se cachent parfois certains trésors de notre patrimoine qui ne demandent qu'à être découverts ou redécouverts. C'est le cas de la résidence du célèbre peintre Antoine Plamondon, construite à Neuville en 1846, mais dont l'existence et l'histoire sont relativement peu connues.

À première vue, l'habitation n'a rien d'exceptionnel. Sur le chemin du Roy, dans un secteur où les «ancestrales» sont nombreuses, la maison Antoine Plamondon ne se démarque pas particulièrement. Toutefois, lorsqu'on apprend qu'elle a appartenu à un artiste qui, de son vivant, a été qualifié de meilleur portraitiste au pays, il se crée naturellement un intérêt pour le bâtiment.

 

«Plamondon y a vécu jusqu'à sa mort, en 1895, soit pendant près de 50 ans», rappelle le président de la Société d'histoire de Neuville, Rémi Morissette. «Non seulement l'homme était un peintre de renommée internationale, mais c'est aussi lui qui, au milieu des années 1850, a été nommé premier maire de la paroisse de la Pointe-aux-Trembles, au moment où les municipalités ont été constituées au Québec. Qui plus est, on le considérait comme un agriculteur prospère.»

Autour de la demeure, quelques très vieux pommiers témoignent d'ailleurs de l'occupation des lieux par le Neuvillois d'adoption. Il y a produit jusqu'à 2000 minots de pommes par année, lesquels s'ajoutaient au raisin que permettait de récolter un vignoble soutenu par une serre de 230 pieds de long.

Résidence dont les murs sont de madrier sur madrier avec trois ouvertures en façade, le style de celle-ci est rattaché au courant québécois. À la droite du bâtiment subsiste toujours les vestiges de l'atelier de Plamondon, successivement reconverti en cuisine d'été, puis en logements. «C'est à cet endroit que le peintre a réalisé la plupart de ses gigantesques oeuvres, dont plusieurs ornent encore l'église de Neuville, reprend M. Morissette. À propos de l'église, il est intéressant de savoir qu'en 1884, lors de l'acquisition par la fabrique d'un orgue Napoléon Déry, Antoine Plamondon a fait un don de 1000 $ pour payer la moitié de la somme exigée pour son achat. Une véritable fortune puisque cela représentait 10 ans du salaire moyen de l'époque!»

Plamondon savait d'ailleurs jouer de l'instrument, au même titre qu'il interprétait des airs au violon et au piano. Régulièrement, l'artiste organisait des soirées musicales chez lui et on disait même de sa maison qu'elle était «le rendez-vous des artistes».

Une cheminée unique

À l'intérieur, l'habitation présente quelques singularités, notamment en ce qui concerne sa cheminée, unique pour l'époque du fait qu'elle possède deux âtres séparés par un mur de pierre.

«En réalité, c'est la réutilisation de ce type de cheminée qui surprend», précise l'actuelle propriétaire de la maison, Hermine Morin. «Dans le marché de construction conclu avec le maître menuisier Michel Moisan, en 1845, le peintre commande très clairement «une cheminée double de la grandeur des cheminées ordinaires de la campagne». La structure à deux foyers n'étant plus érigée à Neuville au milieu du XIXe siècle, on parle déjà d'un exemple de pseudo-ancien en architecture.» Au sujet de cette composante hors de l'ordinaire, Mme Morin raconte qu'immédiatement après avoir pris possession de la résidence, en 1991, elle s'est attaquée à sa restauration, une restauration qui a redonné à la cheminée son aspect original, mais qui l'a amenée à commettre involontairement une erreur.

«J'ai su, tout de suite après avoir complété les travaux, que la portion de la cheminée située à l'étage portait, sur le crépi qui a malheureusement été retiré, la signature du peintre, explique-t-elle. J'avais bien vu qu'il y avait quelque chose d'inscrit, mais comme bien des gens, j'ignorais à ce moment que la maison avait appartenu à Antoine Plamondon.»

Un geste qui aurait sans doute pu être évité si, comme l'a toujours souhaité le président de la Société d'histoire, la maison Antoine Plamondon avait été déclarée bien culturel classé et qu'elle avait été mieux connue et reconnue.