Ce printemps, des milliers de Québécois ont reçu un bac brun. Leur mission? S'assurer que leurs résidus alimentaires ne prennent pas le chemin d'un site d'enfouissement. Ce faisant, ils s'inscrivent à leur tour dans un vaste mouvement vert.

Déjà, en 2007, Amélie Côté mettait ses restes de fruits et légumes dans le composteur communautaire installé dans un parc près de chez elle, dans Rosemont-La Petite-Patrie. Peu importe où elle a habité par la suite, que ce soit à Sherbrooke, Québec ou Montréal, elle a toujours trouvé le moyen de poursuivre dans cette voie.

«C'est la chose la plus facile et la plus concrète que l'on puisse faire dans notre quotidien pour réduire notre empreinte environnementale», estime la jeune femme, qui s'est penchée sur la récupération des contenants de boissons au Québec dans le cadre de sa maîtrise et met de l'avant les initiatives vertes inspirantes liées à la gestion des matières résiduelles dans son blogue Bric à bacs.

Aussi se réjouit-elle de voir l'intérêt croissant que suscite la collecte de résidus alimentaires. «Les mentalités ont beaucoup évolué en 10 ans», constate la coordonnatrice de La Semaine québécoise de réduction des déchets, qui se tiendra en octobre.

Le plus grand défi en est un de sensibilisation, croit-elle, «pour s'assurer que le tri des matières résiduelles soit bien fait et que les usines aient de bonnes matières».

«Allez les bruns»

Ce printemps, la Ville de Laval a misé sur l'humour pour encourager 20 000 nouvelles recrues à relever le défi et devenir des joueurs étoiles de la collecte des matières organiques. «Allez les bruns», lance la municipalité qui, comme toutes les autres villes du Québec, doit diminuer la quantité de matières enfouies. Plutôt que de produire du méthane, un des principaux gaz responsables de l'effet de serre, lorsqu'elles sont emprisonnées sous terre, les matières organiques sont transformées en riche compost.

Blitz d'information

À Montréal, c'était le branle-bas de combat dans 12 arrondissements, l'hiver dernier et ce printemps. S'apprêtant à remplacer une des deux collectes hebdomadaires de déchets par une collecte de résidus alimentaires dans de nouveaux secteurs, on y a multiplié les sessions d'information. Des patrouilleurs ont été engagés pour aiguiller les citoyens visés et faciliter la transition.

«Une partie de la population avait hâte, fait remarquer Aurélie Charpentier, chargée de projets à Ville en vert, qui gère le programme Écoquartier dans l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville. Les patrouilleurs ont distribué plus de billets de félicitations que de billets de courtoisie.»

Vincent Proust, un patrouilleur, a été agréablement surpris de l'accueil qu'il a reçu en faisant du porte-à-porte. «Les gens ont compris», renchérit sa collègue Julie Mannering.

Il y a beaucoup de préjugés, notent-ils. «Mais il n'y a pas de réelle réticence», précise Alexandre Fleurent, chef de la patrouille.

Selon la stratégie établie par la Ville de Montréal, la collecte de résidus alimentaires s'étendra à tous les immeubles de huit logements et moins d'ici 2019. Dans la prochaine étape, les immeubles de neuf logements et plus seront à leur tour graduellement visés, à l'exception des grandes tours d'habitation, indique Jean-François Lesage, conseiller en aménagement au Service de l'environnement (Gestion des matières résiduelles).

«On demande aux citoyens de changer leurs habitudes et de mettre certaines matières, qu'ils jetaient à la poubelle, dans un autre récipient, souligne-t-il. En faisant ce transfert, la poubelle deviendra un petit sac.»

L'arrondissement du Plateau-Mont-Royal a obtenu une dérogation pour desservir les immeubles résidentiels de 15 logements et moins, secteur par secteur, indique Geneviève Allard, chargée de communication. La survie des 80 composteurs communautaires installés dans les parcs n'est pas pour autant menacée. Ils seront déplacés afin que d'autres citoyens, habitant dans de grands complexes résidentiels, y aient accès.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

En 2007, bien avant que la collecte de résidus alimentaires soit implantée à Montréal, Amélie Côté mettait ses restes de fruits et de légumes dans le composteur communautaire installé dans un parc près de chez elle. On en trouve encore 80 dans des parcs du Plateau-Mont-Royal, pour ceux non desservis par la collecte de résidus alimentaires.

Du pain sur la planche

Il y a encore beaucoup d'efforts à faire pour amener la population à changer ses habitudes, constate Francis Gauthier, expert-conseil chez Gesterra, qui s'occupe de la gestion des matières résiduelles sur le territoire de la MRC d'Arthabaska, qui englobe Victoriaville.

Même si cette dernière figure parmi les premières municipalités au Québec à avoir implanté la collecte de résidus alimentaires, en 1997, seulement 38 % des résidus alimentaires y sont compostés, révèle-t-il.

«Inversement, 62 % sont jetés à la poubelle, déplore-t-il. C'est mieux qu'à l'échelle du Québec, où le taux de résidus alimentaires compostés est de 25 %.»

Selon lui, Victoriaville se trouve dans le peloton de tête avec Sherbrooke, Coaticook et Lévis, qui ont mené des campagnes de sensibilisation. Il mentionne aussi celle de la Ville de Prévost, Vive le brun, mettant en vedette Les Denis Drolet, qui a remporté un grand succès.

https://youtu.be/6kB61PBnpEY

Pour encourager ses citoyens à prendre le virage brun, Montréal a à son tour lancé la campagne «Bien manger, bien jeter», à la fin de 2016. 

«À l'échelle provinciale, beaucoup d'efforts ont été mis sur la récupération du papier, du carton et du métal, mais il y en a eu peu consacrés au bac brun, note M. Gauthier. C'est malheureux. À cause de l'enjeu des odeurs et des petites bibittes, qui constitue un frein réel, l'adhésion n'est pas automatique comme dans le cas de la récupération du papier.»

Québec souhaitant que les résidus organiques soient complètement bannis de l'enfouissement en 2020, il y a du chemin à faire, précise-t-il. «Mais il n'est jamais trop tard.»

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Toutes les municipalités du Québec implantent la collecte de résidus alimentaires pour diminuer la quantité de matières enfouies. Ce faisant, elles réduisent les émissions de gaz à effet de serre, qui contribuent grandement aux changements climatiques.