Même si l'amphithéâtre a fait couler beaucoup d'encre, très peu de choses ont été écrites sur ses visées écologiques et durables. À la lumière d'une visite plus technique que glamour, Le Soleil décortique les points forts de cet édifice emblématique en voie d'obtenir une certification LEED Argent.

De blanc, de bleu et de bois. Voilà la palette du nouveau Centre Vidéotron, hommage à l'hiver et au Québec. Encore faudrait-il lui ajouter une couleur, plus symbolique que visible : le vert.

Fin septembre, des experts de Pomerleau, de GLCRM architectes, de SNC-Lavalin, de Nordic, d'ABCP architecture et d'Armstrong étaient répartis dans huit stations de l'amphithéâtre pour parler de ses dessous, de ses matériaux et des innovations mises en place pour en faire un bâtiment écoresponsable. Cette visite s'est déroulée en marge du lancement de la programmation 2015-2016 du Conseil du bâtiment durable du Québec, qui espère bien que le Centre Vidéotron serve d'exemple dans la capitale.

Retour sur les qualités de cet édifice en quête de certification LEED.

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Éclairage à la DEL

Qu'il s'agisse des différents types d'écran ou des 5120 capsules aux DEL composant la fresque numérique Le grand bleu du Nord, l'éclairage de l'amphithéâtre est efficace et consomme peu d'énergie.

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Aménagement rustique

Les visiteurs ont sans doute remarqué que des arbres et d'autres végétaux ont été plantés autour de l'amphithéâtre, laissant présager une ceinture verte plus dense d'ici quelques années. Il s'agit de plants rustiques et résistants à la sécheresse, pour réduire la consommation d'eau et l'utilisation de pesticides.

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Contenu recyclé et régional

Plus du tiers des matériaux utilisés pour construire l'amphithéâtre ont un contenu recyclé. L'acier de la structure, par exemple, peut contenir de vieilles voitures ou de vieilles boîtes de conserve. Dans la composition du béton, l'apport de ciment a été diminué pour y substituer des matières recyclées. De plus, au moins le quart des composantes de l'amphithéâtre sont régionales, c'est-à-dire extraites, recueillies, récupérées, traitées dans un rayon de distance minimal du site afin de réduire la pollution causée par le transport. Dans les loges, on trouve notamment des panneaux acoustiques faits d'aluminium québécois, recyclé à 75 %, fabriqués à Montréal par Armstrong.

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Tableau indicateur : un dôme d'air froid

Une autre primeur, le tableau indicateur est équipé d'un système d'aération qui permet de faire descendre un dôme d'air froid sur la patinoire. Dans les arénas, la Ligue nationale de hockey impose de tenir la température à 16 ou 17 degrés pour garder une bonne qualité de glace. À savoir, le mercure grimpe à 20 ou 21 degrés à la fin d'une partie avec le réchauffement de la foule. Les diffuseurs aménagés dans le tableau indicateur sont alimentés par un conduit flexible. Cette mesure réduit la consommation d'énergie et évite que l'air froid soit diffusé vers les spectateurs.

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Toit blanc

La toiture est munie d'une membrane blanche qui réfléchit le soleil et minimise les îlots de chaleur, venant contrebalancer le bitume des stationnements tout autour.

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Aération par les gradins

Une rangée sur deux dans les gradins est munie de grilles qui diffusent en douceur et toujours à la même température l'air neuf de l'extérieur, chauffé ou climatisé selon la saison. La forme des bancs a été calculée afin que l'air se divise en frappant le dos du siège, une partie allant vers le haut, l'autre vers le bas. Un microclimat est ainsi créé dans l'assistance, augmentant le confort et diminuant le bruit. Ce procédé réduit la consommation d'énergie comparativement aux systèmes conventionnels de soufflerie installés au plafond. Il permet aussi un meilleur équilibre des températures entre la patinoire et les gradins. Une première dans un amphithéâtre sportif.

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Bois certifié

Quatre-vingt-douze immenses colonnes de bois ceinturent l'édifice sur toute sa hauteur, soutenant le revêtement extérieur. Ces grands arcs en bois lamellé-collé sont issus d'un procédé de fabrication à chaud qui colle des morceaux de bois d'un pouce par deux pouces. Ces morceaux sont ici tirés de la tête d'épinettes noires, la partie la plus vieille, la plus dense et la plus solide. Il s'agit d'un produit Nordic Structures de Chantiers Chibougameau, fait à partir de bois certifié de la forêt boréale. À noter que le bois est considéré comme un matériau écologique, puisque les forêts absorbent le CO2 de l'atmosphère. Aussi, le procédé de fabrication du bois requiert moins d'énergie et pollue moins que celui d'autres matériaux comme l'acier ou le béton.

Dans la course aux points

À la demande du Soleil, la Ville de Québec pointe d'autres mesures prises pendant la construction pour permettre au Centre Vidéotron de se qualifier pour une certification LEED

• Systèmes de chauffage, de ventilation et de conditionnement de l'air incorporant de la récupération

de chaleur et d'énergie

  

• Installation d'appareils sanitaires à faible consommation d'eau

• Gestion des déchets de construction afin de diriger le maximum de rebuts vers de systèmes de recyclage ou de récupération

• Utilisation d'adhésifs, de peintures et de revêtements de sol à faibles émissions de composés organiques volatils

• Gestion de la qualité de l'air intérieur durant les travaux afin de favoriser le confort et la santé des ouvriers

• Nettoyage de l'air à l'intérieur du bâtiment une fois les travaux terminés afin d'éliminer les contaminants

Bâtir vert sans être dans le rouge

Réalisé au coût de 370 millions $ au lieu des 400 millions $ prévus, le Centre Vidéotron déboulonne le mythe que bâtir vert fait exploser les budgets. 

«On a réussi à entrer en dessous du budget final. Pour une démarche écologique, c'est une de nos fiertés», lance Maxime Turgeon, architecte chez GLCRM qui a passé 19 mois à temps plein sur le chantier. 

S'il n'y a pas eu de surcoûts dans ce dossier, construire LEED a tout de même un prix, nuance M. Turgeon. Il donne l'exemple des professionnels qui ont souvent plus de travail, ce qui augmente les honoraires. Mais ces différences se font surtout sentir lorsqu'un bâtiment atteint les niveaux Or ou Platine, poursuit l'architecte. 

Emboîter le pas à Montréal

En démontrant qu'il est possible d'ériger un bâtiment exemplaire avec des fonds publics bien administrés, «Québec vient peut-être de voir l'avantage ou l'intérêt de mettre en place une politique qui ressemble à celle de la Ville de Montréal», risque Louis-Philip Bolduc, porte-parole du Conseil du bâtiment durable du Québec.

Conscient que comparer la capitale et la métropole est toujours un exercice délicat, il ne peut qu'applaudir les mesures prises par Montréal en 2009. «Tout projet de bâtiment qui relève de la Ville, que ce soit des centres sportifs, des bibliothèques, même le Planétarium, doit obligatoirement être certifié LEED Or et plus.»

Alors que l'amphithéâtre devrait recevoir sa certification LEED Argent en 2016, plusieurs voient l'édifice phare comme un exemple à suivre. «On a espoir que le Centre Vidéotron soit porteur», conclut l'architecte Maxime Turgeon.  Alexandra Perron

 

Photothèque Le Soleil

Le Planétarium de Montréal est le premier bâtiment LEED Platine au Québec.

Une occasion ratée

Pourquoi la Ville de Québec n'a mentionné nulle part dans sa publicité que l'amphithéâtre visait une certification LEED? Bruno Verge, architecte senior chez Tergos, n'arrive pas à se l'expliquer.

«Je trouve qu'ils ont raté une opportunité de démontrer que construire écologique, ça peut se faire dans un budget donné, en contrôlant les coûts, et même en faisant des économies au final.»

Observateur extérieur, l'architecte travaille pour une firme spécialisée en construction écologique tout en étant impliqué dans la section Québec du Conseil du bâtiment durable. Le 22 septembre, alors qu'il était bénévole pour accompagner un groupe à travers les entrailles du Centre Vidéotron, il le découvrait pour la première fois.

«Ce qui m'a vraiment plu, c'est le fait que ce soit ouvert, contrairement à l'ancien Colisée. J'aime la relation entre l'espace glace et les espaces autour. Particulièrement les coursives du côté sud-est, où l'on voit la ville.»

Cette visite ponctuée de rencontres auprès d'experts qui ont travaillé sur l'amphithéâtre foisonnait d'informations, notamment au sujet du système de ventilation des sièges et de la glace. «Ils ont été très créatifs. D'avoir fait des avancées technologiques est une belle carte de visite pour notre ville.»

Mais ce genre de réalisation est encore trop rare à Québec au goût de Bruno Verge. «Ça fait longtemps qu'on s'implique et qu'on fait des démarches auprès de la Ville pour l'inciter à construire des bâtiments écologiques.»

Ces dernières années, il remarque que plusieurs bâtiments municipaux devaient répondre aux critères LEED, mais sans aller chercher la certification. Une différence profonde, selon lui. «Une certification, c'est un guide, c'est une vérification par une tierce partie que les critères ont été respectés jusqu'au bout.»

Il donne l'exemple de casernes de pompiers, projets auxquels il a lui-même travaillé dans les années 2000. «Ces bâtiments devaient être performants énergétiquement, mais on ne nous demandait pas de faire le processus de certification. Du coup, durant le chantier, il y avait moins d'attention portée à tout ça. Et au final, est-ce qu'ils auraient pu être certifiés ou pas? Je ne peux pas le dire.»  Alexandra Perron

Photothèque Le Soleil

Bruno Verge