La multinationale Sony s'est-elle mise dans le pétrin elle-même pour promouvoir la sortie d'une comédie, descendue en flammes par la critique, mettant en scène l'assassinat du dictateur nord-coréen Kim Jong-un?

Deux jours après la sortie du film The Interview dans à peine 330 salles à travers les États-Unis, des médias américains et britanniques s'interrogent sur la controverse entourant le film. «Dites que je suis fou, mais ça vaut la peine de poser la question: avons-nous affaire à une campagne de publicité brillamment orchestrée?», a écrit le journaliste Simon Kelner dans le journal britannique The Independent, faisant écho à d'autres.

De nombreux commentateurs ont fait le constat inverse: la controverse des dernières semaines a coûté cher à Sony, qui a investi 44 millions pour produire la comédie satirique.

Bon départ

Ne commentant pas les théories du complot qui circulent sur les réseaux sociaux, Sony a pour sa part annoncé vendredi avoir réussi à engranger un million en salle lors de la première journée de projection de The Interview, et ce, malgré la sortie du film dans une poignée de salles indépendantes américaines, plutôt que dans 3000 grandes salles comme il était prévu à l'origine.

Au Canada, le film peut être loué en ligne sur plusieurs plateformes numériques, dont YouTube et GooglePlay. Vendredi, Torrent Freak rapportait que la comédie avait vite été piratée et partagée à travers le monde.

Histoire d'une controverse

La comédie mettant en vedette Seth Rogen et James Franco a fait couler beaucoup d'encre depuis un mois. D'abord en essuyant une tempête de mauvaises critiques, puis en devenant l'objet d'un conflit entre les États-Unis et la Corée du Nord.

Le 24 novembre, Sony a été la cible d'une cyberattaque au cours de laquelle une myriade de courriels embarrassants rédigés par ses dirigeants et des employés ont été rendus publics. Les autorités américaines ont affirmé que la Corée du Nord était derrière l'attaque.

Sony avait ensuite décidé de freiner la sortie du film après qu'un groupe appelé Les gardiens de la paix eut menacé de s'en prendre aux cinémas qui mettraient le film à l'affiche. Là encore, le FBI lie ce groupe de pirates au régime de la Corée du Nord.

La semaine dernière, la décision de Sony de retirer le film a été vertement critiquée par le président américain Barack Obama. «Nous ne pouvons pas avoir une société dans laquelle un dictateur quelque part peut imposer de la censure ici, aux États-Unis. Nous ne sommes pas comme ça», a dit le président américain.

En réponse à ces remontrances, Sony a annoncé une sortie modeste du film à Noël dans 330 cinémas indépendants, habituellement plus enclins à projeter des films d'auteur. «La liberté l'emporte», pouvait-on lire sur la marquise d'un petit cinéma d'Atlanta vendredi. Selon l'Associated Press, des projections de The Interview ont eu lieu à guichets fermés.

Vendredi, Kim Song, diplomate nord-coréen aux Nations unies, a dénoncé la sortie du film. «On bafoue notre souveraineté et la dignité de notre leader suprême et c'est impardonnable», a dit le diplomate, précisant que son pays comptait répliquer à l'affront par des mots et non par des actions.

- Avec AP, Reuters, The Independent, The Guardian et Variety