Héros ou salaud? Le film American Sniper signé Clint Eastwood et son héros, un soldat tireur d'élite pendant la guerre en Irak, suscite la controverse aux États-Unis en ravivant un débat toujours inachevé sur l'invasion américaine.

Le long-métrage, qui se base sur l'histoire vraie et le livre de mémoires du soldat Chris Kyle, est-il une «tentative de reparler de la guerre en Irak et la vendre aux Américains, ou l'histoire d'un lâche qui dégomme des femmes et des enfants en restant à l'abri?», se demandait ainsi mercredi un éditorial du Baltimore Sun.

Le film, bardé de six nominations pour les prochains Oscars, dont celle de meilleur film et de meilleur acteur pour Bradley Cooper dans le rôle-titre, raconte l'histoire d'un tireur d'élite pendant ses quatre déploiements en Irak, que les États-Unis ont quitté fin 2011.

Le personnage est depuis devenu un symbole, celui du héros pour certains, celui de l'échec d'une guerre pour d'autres.

Mais le film, plutôt bien reçu par la critique, a rencontré un vrai succès public en récoltant le chiffre record de 107 millions de dollars au box-office pour les quatre premiers jours après sa sortie.

Une des premières salves a été tirée par le réalisateur de gauche Michael Moore qui, sans faire référence au film, a dénoncé sur Twitter les «lâches» que sont les tireurs d'élite, en évoquant un oncle tué ainsi pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les «gauchistes d'Hollywood»

Le réalisateur Seth Rogen, lui-même sur le devant de la scène récemment pour son film The interview et son complot en Corée du Nord, a parlé de propagande nazie tout en assurant qu'il ne parlait pas du film en tant que tel.

Il n'en fallait pas plus à Sarah Palin, l'égérie du très conservateur Tea Party, pour s'en prendre aux «gauchistes d'Hollywood».

«Alors que vous caressez des trophées en plastique qui brille que vous vous échangez en crachant sur la tombe des combattants de la liberté qui vous ont permis de le faire, sachez que le reste de l'Amérique considère que vous n'êtes pas dignes de cirer les bottes de combat de Chris Kyle», a-t-elle écrit sur Facebook.

Pour l'ancien patron des républicains à la Chambre des représentants Newt Gingrich, «Michael Moore devrait passer quelques semaines avec (les groupes terroristes) EI et Boko Haram, il apprécierait American Sniper».

Depuis, la polémique enflamme les réseaux sociaux et chacun y va de son commentaire sur la personnalité controversée du soldat, le film et sa véracité historique ou le difficile retour au pays des «vétérans».

Chris Kyle, tué le 2 février 2013 par un ancien soldat souffrant de TSPT (syndrome de stress post-traumatique) qui sera jugé en février, est officiellement crédité de la mort de 160 cibles mais s'est vanté d'avoir tué 255 personnes.

Ce Texan ancien cow-boy qui professait dans son autobiographie sa dévotion à «Dieu, mon pays, ma famille», avait regretté sans nuances ne pas avoir tué plus de ces «sauvages».

«Kyle, comme beaucoup de mes camarades et comme notre président (George W. Bush) durant la majeure partie de l'intervention, a vu le conflit en noir et blanc», écrit un ancien d'Irak, Paul Rieckhoff, dans le magazine spécialisé Variety.

«S'il ne montre pas la complexité de toutes les questions politiques qui se rapportent à la guerre», il «montre plus que les autres au citoyen moyen ce qu'a été le combat», ajoute-t-il.

Pour le magazine sur internet Vox au contraire, le film «refait l'histoire» et en «déforme complètement la vérité».

Selon la presse spécialisée, Clint Eastwood lui-même, républicain notoire mais opposé à la guerre, avait assuré avoir fait un film apolitique, à la manière d'un western, alors que Bradley Cooper parlait d'une «étude de caractère».