Au laboratoire gouvernemental de Sandia, au Nouveau-Mexique, l'ingénieur en mécanique Richard Diver a un grand rêve: fabriquer de l'essence à partir du dioxyde de carbone qui se trouve dans l'atmosphère. Cette quête pourrait complètement effacer la contribution de l'automobile à l'effet de serre.

«Au départ, notre idée était simplement de trouver la manière la plus efficace de stocker l'hydrogène», explique M. Diver en entrevue téléphonique. «Pour que l'économie de l'hydrogène démarre vraiment, il faudra vraisemblablement trouver autre chose que l'hydrogène liquide ou gazeux. Le liquide est très délicat à manipuler parce qu'il est très froid, et le gaz a peu d'énergie en fonction de son volume.»

 

Or, l'essence est l'une des substances qui contiennent le plus d'énergie, tant en fonction de son volume que de son poids. «L'essence est un carburant idéal. Elle est liquide à température ambiante, elle n'explose pas quand elle est en contact avec l'air, et nous avons déjà l'infrastructure nécessaire pour la distribuer. Les seuls problèmes fondamentaux sont la rareté du pétrole et la production de dioxyde de carbone, qui augmente l'effet de serre. La mission de Sandia est d'assurer la sécurité stratégique des États-Unis. Alors nous voulons trouver une source d'énergie propre et abondante. Si on parvient à fabriquer de l'essence à partir du CO2, la boucle est bouclée et on fait d'une pierre deux coups.»

 

De cette réflexion est né le projet Sunshine to Petrol, présenté aux médias au début décembre. «J'y suis arrivé à travers mes travaux sur la fabrication de l'hydrogène, dit M. Diver. J'ai mis au point un concept de moteur thermique qui utilise l'énergie chimique pour briser l'eau en hydrogène et en oxygène en la mettant en contact avec du monoxyde de carbone. Il suffit de trouver une manière de transformer le CO2 en CO, avec de l'énergie renouvelable, et on a une source intarissable et propre d'énergie. Pour le moment, l'hydrogène est surtout produit à partir de gaz naturel, ce qui ne cadre évidemment pas avec le développement durable. Pour vraiment arriver à un puits sans fond d'énergie, il faudra utiliser l'énergie nucléaire ou solaire.»

 

Une vieille technique

La réaction à laquelle travaille l'ingénieur de Sandia est similaire au procédé Fischer-Tropsch, inventé en Allemagne dans les années 20 et utilisé pour produire de l'essence à partir du charbon. La technique a servi à l'Allemagne nazie, puis à l'Afrique du Sud pour contourner les embargos. Avec la hausse du prix du pétrole, le procédé Fischer-Tropsch suscite de plus en plus d'intérêt - certains politiciens réclament qu'il soit couvert par les subventions au développement durable, parce que les réserves de charbon sont beaucoup plus importantes que celles de pétrole.

 

«Le problème avec le charbon, c'est qu'il rend Fischer-Tropsch très polluant, dit M. Diver. Il faudrait pomper le CO2 produit à l'usine dans le sol, et même là, on a de la pollution par les automobiles.»

 

Dans un premier temps, d'ici une vingtaine d'années, le projet Sunshine to Petrol parviendra probablement à produire de l'essence à partir du CO2 produit par les sources fixes - comme les usines produisant de l'essence à partir du charbon. L'utilisation du CO2 contenu dans l'atmosphère ne sera probablement pas possible avant un demi-siècle, selon M. Diver. «Tout dépend du degré de financement. Nous recevons présentement autour d'un million par année, et nous visons une augmentation jusqu'à cinq millions. Mais avec des investissements plus substantiels, les progrès seront nécessairement plus rapides.»