D'abord, la question que l'on est en droit de se poser à-propos du Salon International nord-américain de l'automobile est la suivante: cette grande fête annuelle de l'auto mérite-t-elle encore son étiquette internationale lorsque pas moins de dix marques importantes brillent par leur absence?

Et ce ne sont pas seulement des constructeurs sans grande envergure qui déclarent forfaits, mais des griffes qui font rêver et attirent les foules par leur exclusivité. Je pense ici à Aston Martin, Rolls-Royce, Lamborghini ainsi qu'à Ferrari et Maserati dont un seul exemplaire de leurs produits était présenté. Parmi les marques grand public manquant à l'appel, il y avait le duo Nissan-Infiniti, Mitsubishi et Suzuki pendant que Saab, suprême insulte, avait planté sa tente à l'extérieur tel un miséreux dont la rue est le royaume.

À contre-courant

L'autre anomalie de ce salon est qu'il n'est pas du tout représentatif de l'actuel marché automobile. Il faut évidemment se réjouir de voir enfin les camions et les SUV céder les feux de la rampe à des voitures de faible format comme la Buick Verano ou encore la Ford C-Max, une fourgonnette de la dimension de la Madza 5. Ce tournant vers des voitures raisonnables et plus sobres a évidemment bien meilleur goût.

On ne peut ignorer non plus cette prolifération de voitures «vertes» avec, en tête de liste, la Chevrolet Volt qui a donné le ton dès les premiers instants du Salon en étant couronnée par un groupe de 49 journalistes indépendants «voiture de l'année».

L'exposition s'est ouverte par la suite sur toute une série de modèles écologiques avec Toyota qui a dévoilé sa famille hybride au grand complet. Mes collègues vous auront entretenu de toutes les nouveautés en ce domaine, de sorte que pas moins de 12 constructeurs proposent désormais près de 30 voitures écologiques sur le marché américain. Et c'est sans compter sur le constructeur chinois BYD dont le milliardaire américain Warren Buffet est l'un des investisseurs et qui doit lancer au moins deux nouveaux modèles propres en 2011.





La réalité est toute autre

L'envers de la médaille à ce sujet est que le marché américain s'alimente de véhicules complètement à l'opposée de ce que l'on a pu voir à Detroit. Et cela, quand on sait que 1 véhicule vendu sur 2 est un camion ou un dérivé. Ce ne sont pas non plus les petites voitures économiques qui ont le gros bout du bâton non plus. Le rayon d'espoir vient sans doute du fait que Detroit veut montrer son désir d'être, comme le disait le président de General Motors lors d'un dîner privé, non pas où le marché se situe présentement, mais où il sera dans quelques années. En se préoccupant de l'avenir au lieu du présent, GM prend le pari de rejoindre la jeune clientèle de demain.

Un échec à prévoir

L'analyste bien connu, Denis Desrosiers, n'est pas du tout de cet avis et a déclaré publiquement que l'industrie automobile nord-américaine se préparait au plus cuisant échec de son histoire avec des véhicules dont le public ne veut pas.

Si l'optimisme, les tapes dans le dos et les sourires étaient de mise dans les allées du Cobo Hall (site du Salon), toutes ces réjouissances au sujet des chiffres de ventes en progrès doivent être mises en contexte. N'oublions pas que les ventes de 2009 ont été désastreuses et qu'elles ne pouvaient faire autrement que de progresser en 2010. Oui, il y a reprise économique, mais la guerre n'est pas encore gagnée. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les résultats d'un sondage récent qui montre les intentions d'achat des automobilistes américain au cours de la prochaine année. Dix-huit % favoriseront Ford, 13 % General Motors et seulement 3% feront confiance à Chrysler. Bref, la côte sera abrupte à remonter.

Photo AP

Mis à part Porsche, qui faisait un retour remarqué, les constructeurs de grand luxe ont généralement boudé le Salon de Detroit.