«L'homme n'a pas le sens de la vitesse», écrivait Wolfgang Böcher, professeur de prévention routière de l'Université d'Essen en Allemagne. «En fait, il n'a aucun sens biologique lui permettant d'apprécier la vitesse; il ne perçoit que l'accélération».

Pour s'en convaincre, il suffit de rouler - sur l'autoroute Jean-Lesage par exemple - une vingtaine de kilomètres à la vitesse légale permise pour que celle-ci nous semble trop peu élevée. Inconsciemment, nous nous mettons alors à rouler plus vite... au risque de nous retrouver dans le décor. Voilà exactement ce qui s'est produit jeudi soir dernier sur ce monotone tronçon de route qui relie Québec à Montréal. Un automobiliste me double à vitesse grand V sur une chaussée partiellement enneigée. Ce faisant, il pose un pneu sur une plaque de glace, perte d'adhérence qui pousse le train arrière sur le bas-côté et bonsoir! il est parti... Hélas, il ne sera pas le dernier à commettre pareille erreur de jugement cet hiver.

Plusieurs études indiquent qu'en général les automobilistes ont tendance à croire que leur vitesse est en parfaite adéquation avec le coefficient d'adhérence de la chaussée. Ces mêmes études concluent, par ailleurs que, sur une route détrempée ou enneigée, nous avons tendance à surévaluer notre vitesse, tandis que sur une route sèche et parfaitement dégagée, nous la sous-estimons plus volontiers.

Une des règles élémentaires de la conduite hivernale consiste à adapter sa vitesse aux conditions routières. Un classique, mais voilà une règle que nous respectons que trop peu. D'ailleurs, tous les spécialistes vous le diront: les limites de vitesse imposées sur nos routes se révèlent généralement trop élevées lorsque la chaussée se couvre, en partie ou en totalité de glace ou de neige.

Artifices technologiques?

Antiblocage des freins, correcteur de stabilité électronique et autres dispositifs du genre ont apparemment un effet pernicieux sur certains d'entre nous, bien qu'il n'existe malheureusement aucune étude sérieuse pour le prouver. Chose certaine cependant, il existe une corrélation directe entre la vitesse et la fausse impression de sécurité suscitée par les technologies actuelles.

La volonté des constructeurs de rendre l'automobile accessible au plus grand nombre implique de plus en plus que nos véhicules veillent à tout, et nous décharge par le fait même de nos devoirs. Autrement dit, on transfert peu à peu du conducteur au véhicule la responsabilité des actes intelligents. Mais il y a là un risque évident, celui d'endormir notre méfiance naturelle, une qualité qui s'avère indispensable lorsque nous prenons le volant, surtout en cette période de l'année.

Certains argumenteront que ces artifices électroniques coûtent moins cher que la formation de millions de conducteurs à la maîtrise d'une perte de contrôle. Sans doute, mais comment peut-on apprendre de ses erreurs lorsque les béquilles électroniques de nos véhicules sont programmées pour les camoufler? Et que dire de tous ces nouveaux conducteurs qui affronteront leur premier hiver? Il ne leur sera pas facile d'éviter des pièges qu'ils n'ont pas nécessairement appris à identifier, ni dans les salles de classe, ni dans le cadre de leur formation pratique.

Sur ce rappel de sécurité, toute l'équipe de l'Auto vous souhaite de très joyeuses Fêtes!