L'industrie automobile sera-t-elle un jour forcée, comme les sociétés de tabac, d'inscrire sur ses véhicules mus par un moteur diesel des messages d'avertissement comme «la fumée tue»? Ne riez pas, la question se pose, surtout depuis que le moteur diesel est considéré comme potentiellement cancérogène. C'est à tout le moins les conclusions d'un rapport du Centre international de recherche sur le cancer (CICR), organisme lié à l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En classant les émanations des moteurs diesel comme «substances cancérogènes», et non plus comme des «substances probablement cancérogènes», l'OMS alimente bien des discussions.

Ce n'est pas la première fois que le moteur diesel se fait ainsi montrer du doigt. Les quelque 6000 publications consacrées à ce sujet depuis 1950 en font foi. Cependant, c'est la première fois qu'il est formellement accusé d'être susceptible de provoquer, au même titre que la cigarette, le cancer du poumon, de la vessie ou d'entraîner des maladies respiratoires et cardiovasculaires.

Le verdict du CICR n'a pas manqué d'enflammer un vieux débat: doit-on ou non tuer le moteur diesel, ou à tout le moins lui interdire de circuler dans les grandes agglomérations? Le débat fait actuellement rage en Europe, où 51% du parc automobile roule au gazole.

De ce côté-ci de l'Atlantique, on observe. Il faut dire qu'à l'exception des poids lourds et de certains bus, le moteur diesel est peu répandu. Le Diesel Technology Forum (DTF), regroupement de constructeurs d'automobiles et de camions, s'inquiète - le contraire aurait été étonnant - du jugement du CIRC dans la mesure où celui-ci ne tient pas compte de l'actuelle sévérité des normes américaines concernant les moteurs diesel qui doivent se conformer aux mêmes normes que ceux alimentés à l'essence. Dans une entrevue accordée le 12 juin dernier au New York Times, le chef de la direction du DTF, Allen Schaeffer, estime que les conclusions du CICR «ne font que donner du poids aux études réalisées dans les années 50, époque où il n'existait aucune réglementation».

Les vieux moteurs

La direction de Peugeot partage cet avis. À l'occasion du récent Mondial de l'Auto de Paris, le constructeur français, plus important producteur de moteurs diesel du monde, a rappelé aux journalistes intéressés par cette question que les conclusions du CIRC s'appuient sur les vieux moteurs diesel et non sur ceux actuellement proposés aux consommateurs.

Les personnes interrogées par La Presse étaient cependant incapables d'indiquer ce qu'elles entendaient par de «vieux» moteurs. En revanche, tous nos interlocuteurs n'ont pas manqué de rappeler que les moteurs diesel de la firme se conformeront aux nouvelles et sévères règles Euro 6 qui entreront en vigueur en 2014. Ce durcissement de la législation à l'égard des moteurs diesel en Europe incitera-t-il le CIRC à détailler son jugement en décrétant, par exemple, que tous les moteurs diesel fabriqués avant telle année représentent un risque de cancer alors que ceux conçus à partir de 2014 peuvent produire des substances potentiellement cancérogènes?