Je m'étais juré qu'on ne m'y reprendrait plus. J'ai oublié, tout simplement. Comme j'avais perdu le souvenir de ces heures passées sur l'internet à courir le monde à la recherche de pièces souvent insignifiantes. Un crochet pour ancrer le pare-soleil au plafond, par exemple. Ou encore, du temps passé à remettre en état de marche ces vieilles autos que plusieurs - vous, sans doute pas - expédieraient sans tarder à la ferraille.

Cette pensée m'a effleuré plus d'une fois au cours des sept années passées à la restauration de ma Ur-Quattro. Mais cela aussi je l'avais oublié, lorsque j'ai ramené cette autre «épave» à la maison.

Il s'agit d'une italienne cette fois: une Lancia Beta Scorpion. Un biplace dessiné et entièrement réalisé - voilà qui est rare - par Pininfarina.

Pourquoi elle et pas une autre? Pour sa ligne «en coin» bien sûr, mais aussi parce que cette auto intègre pratiquement tous les ingrédients du plaisir automobile. Elle est hypermaniable, donc légère et courte, s'anime d'un moteur de faible cylindrée, donc économique, et enfin, dépourvue de toute assistance électronique. Parfaite, donc, pour s'amuser sur des routes sinueuses sans enfreindre les limites de vitesse.

En Europe, la Scorpion répondait au nom de MonteCarlo, mais cette appellation, dont Chevrolet détenait les droits de ce côté-ci de l'Atlantique, a incité les responsables de la marque italienne à lui donner un autre nom de baptême.

Malgré son âge - sa conception remonte au début des années 70 - et la piètre réputation associée aux italiennes de cette époque, elle roule étonnamment bien. Gavé par un carburateur double corps, son quatre cylindres 1,8 litre implanté transversalement en position centrale libère 81 chevaux... Ceux-ci sont acheminés aux roues arrière - des 13 pouces - par l'entremise d'une boîte manuelle à cinq rapports.

La puissance est modeste, le poids du véhicule l'est tout autant. Contrairement à ce que la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) indique sur le certificat d'immatriculation, cette Lancia pèse moins de 1000 kilos. Pourtant, elle accélère comme si elle pesait deux fois plus. Elle est ankylosée, voilà tout. Par contre, son comportement amuse. Elle se lance dans les virages à la manière d'une toupie.

Même si elle a inspiré, comme la Ur, la conception d'une redoutable voiture de rallye (1), cette Lancia a connu un succès commercial plutôt mitigé avec un peu moins de 7000 voitures produites.

Il faut dire qu'à l'époque, la critique était assassine à son égard. On lui a notamment reproché la piètre qualité de son freinage, la cacophonie de son moteur et la faible capacité de ses tôles à combattre la rouille.

Autant de problèmes qui s'effacent à la vue de ce petit bolide italien qui cligne des yeux avec ses phares semi-escamotables. Désolé, mais moi, je craque, comme à la vue des manivelles qui permettent de remonter ou d'abaisser ses glaces. Trop drôle.

En dépit de la faible diffusion de ce modèle, les pièces de remplacement abondent sur le marché. Et les prix demeurent raisonnables. La restauration n'en sera que plus facile. Et de plus courte durée que pour vous savez qui. La base de l'italienne étant beaucoup plus saine et plus simple encore à réparer.

Et il y a l'expérience, l'outillage accumulé au fil des ans et, surtout, un carnet noirci de bonnes adresses. Désormais, je sais à qui m'adresser pour débosseler une jante ou reprendre une couture sur un siège. Je ne commettrai plus les mêmes erreurs. C'est promis.

Cette fois, j'ai un plan. Mieux détaillé et surtout plus réfléchi que le précédent. Pas d'échéancier cependant, maintenant que j'ai une allemande - la Ur - qui roule, l'italienne peut bien attendre son tour.

(1) La Lancia Beta MonteCarlo a inspiré la conception de la 037, un véhicule de rallye.