L'an prochain, lorsqu'il aura 75 ans, Jean-Guy Boilard devra obligatoirement prendre sa retraite. Fini la magistrature pour ce juge de la Cour supérieure du Québec qui travaille encore à temps partiel. Mais il y a une chose qu'on ne pourra jamais lui enlever: son goût démesuré pour l'automobile. Visite chez un collectionneur dont les voitures, datant d'aussi loin que 1917, semblent être fraîchement sorties de l'usine tellement elles sont impeccables.

À sa résidence en Montérégie, M. Boilard possède pas moins d'une douzaine de voitures de collection, dont trois Rolls-Royce (1927, 1961 et 1981), une Bentley (1948), une Mustang (1965) et une Jaguar (1990). Chacune d'entre elles est dans un état exemplaire. D'ailleurs, M. le juge est le seul à les conduire. Exception faite du mécanicien qui lui rend visite sporadiquement.

Le magistrat, qui a longtemps fréquenté les marchés aux puces à la recherche de pièces d'autos, affirme ne pas avoir de voiture chouchou parmi ses 12 protégées. «C'est comme une mère et ses enfants. Elles ont toutes leurs particularités, leurs attraits», dit celui qui a notamment fait partie du Club Rolls-Royce du Québec et de l'Antique Auto Club of America.

Malgré son impressionnante collection de voitures, Jean-Guy Boilard possède une moto Honda. Les week-ends, il se glisse volontiers dans la peau d'un motard. Certains pourraient y voir une forme d'ironie. En effet, le juge a présidé (pour ensuite se désister de façon inattendue) le mégaprocès des Hells Angels dans la foulée de l'opération Printemps 2001.

Dès qu'il sera retraité, notre collectionneur pourra s'adonner davantage à l'une de ses activités préférées: partir avec sa conjointe et quelques couples d'amis pique-niquer à la campagne. Du pâté, des baguettes et de bonnes bouteilles dans le coffre d'une voiture ancienne, c'est ça, le vrai bonheur, pour Jean-Guy Boilard.

Cinq questions à Jean-Guy Boilard concernant son parc de véhicules.

1 - Que conduisez-vous en ce moment?

J'ai une Volvo X90 Cross-Country 2011. C'est parfait pour transporter mes bagages quand je passe l'hiver en Floride. J'ai eu ma première Volvo en 1998. J'ai choisi Volvo, car j'étais un peu fatigué de me promener dans des voitures américaines. J'ai eu beaucoup de Ford au cours des décennies 1950 à 1980. Pourquoi les Ford? Je n'ai pas de réponse précise; ce doit être quelque chose d'irrationnel. Sinon, dès que le beau temps revient, je conduis chacune de mes vieilles voitures. C'est un plaisir dont je ne me lasse pas.

2 - Votre lien à l'automobile remonte à quand?

J'ai appris à conduire à 9 ans sur un Ford Modèle A 1946. L'été, sur la ferme familiale à Saint-Brigide-d'Iberville, j'accompagnais mon père. Il travaillait sur son tracteur et je devais le suivre en auto jusqu'à l'autre bout du champ. Comme j'étais trop petit, je devais regarder à travers le volant. Le reste du temps, étant le plus vieux de la famille, je faisais monter mes petits frères dans le Ford et on s'amusait à dévaler la pente devant la maison. Sinon, ma passion pour les autos a commencé à l'époque de la crise d'Octobre, en 1970. Tout en m'occupant de mon cabinet d'avocats, j'ai été engagé pour désengorger la prison de Parthenais. Après deux ans, j'étais en épuisement professionnel. Je devais trouver un exutoire. Je me suis acheté une Chrysler 1937 et ç'a été le début de mon engouement.

3 - Êtes-vous mécanicien à vos heures?

Je suis émerveillé par la mécanique. Je fais un peu d'entretien sur mes voitures, comme des vidanges d'huile et de la lubrification. J'arrive aussi à ajuster certains moteurs à l'oreille. Mais comme la mécanique est quelque chose de très visuel - et je ne le suis pas du tout -, je laisse l'entretien de mes autos à Bernard Bellavance. C'est un perfectionniste. J'ai également beaucoup de pièces d'autos dans mon garage, car j'ai acheté l'inventaire d'un garagiste lorsqu'il a fermé boutique. J'en ai tellement qu'il m'arrive d'en donner.

4 - Votre meilleur et votre pire souvenir liés à l'automobile?

Parmi mes meilleurs souvenirs, je suis allé trois fois au Mount Washington Hotel avec ma Ford 1938 et ma Rolls-Royce 1927. C'était dans le cadre d'une sorte de «Great Gatsby week-end» où tout le monde devait porter des costumes d'époque. Sinon, mon pire souvenir, c'est lorsque quelqu'un qui voulait me donner un coup de main a abîmé l'une de mes voitures en voulant fermer son capot. Il s'y est mal pris et ça m'a coûté des milliers de dollars de réparation.

5 - Quel genre de conducteur êtes-vous?

Plutôt silencieux. Je n'aime pas qu'on me parle quand je conduis. Ça me distrait et ça m'ennuie. J'écoute parfois de la musique classique quand je me rends à Montréal. Sinon, j'aime rouler seul. J'en profite pour penser, me reposer l'esprit et regarder les paysages qui m'entourent. Avec mes voitures anciennes, j'aime écouter le moteur et j'aime jouir de cette sensation de vétusté.