Un parfum d'essence, un soupçon d'huile de moteur, une pincée de camboui, voilà ce qui fait aussi saliver Jean-François Vachon lorsqu'il n'est pas aux fourneaux du M sur Masson. Le printemps venu, cet amateur d'automobiles italiennes de la fin des années 60 et du début des années 70, ne boude pas son plaisir: la conduite de sa Maserati Merak 1975.

«Le design des italiennes est hallucinant. En 1972, c'était spécial cette Maserati. À l'époque, c'était beaucoup d'argent. Les Italiens avaient compris. Il y a ce côté mythique et exotique des voitures italiennes... J'accroche sur le design, le son du moteur, le feeling de conduire. Dommage que ce soit plutôt capricieux.»

 

En deux coups de cuillère à pot, le chef-cuistot et copropriétaire du bistro de la rue Masson a tout dit sur sa voiture. Ou presque.

Il existe trois versions de la Merak. Jean-François Vachon possède un des derniers exemplaires de la première. Maserati était alors entre les mains de Citroën, qui l'équipe d'attributs hydrauliques: freins, embrayage, phares. Le tableau de bord porte la griffe du constructeur français avec ses compteurs ronds et son volant monobranche. Deux autres versions de la Merak suivront. «Il y en a eu 2109 de produites entre 1972 et 1983», dit le cuisinier, très au fait de l'histoire de cette voiture.

«Les composants Citroën de 1972 à 1975 ne sont pas très appréciés des puristes et la voiture n'a pas une énorme valeur avec un V6», ajoute-t-il. Ce moteur de 190 CV possède trois carburateurs double-corps. Il requiert d'être ajusté au quart de tour. C'est dans ces occasions que Jean-François Vachon met les mains sous le capot, ou plutôt dans le coffre (le moteur est situé à l'arrière, pour ceux qui l'ignoreraient). Au-delà de ça et des bougies, sa belle bleue est confiée à deux mécanos, de Dorion et de Montréal-Nord.

D'autant plus qu'avec l'âge, sans électronique, cela peut être long avant de déceler une véritable panne. Pour qui veut garder un tel véhicule, l'entretien régulier est nécessaire, il y a toujours quelque chose à changer. Et la belle rutilante ne le rend pas toujours bien. Jean-François Vachon garde en mémoire cette fin de soirée, boulevard Saint-Laurent, où il espérait à la sortie du travail faire écouter ses décibels. Les collègues ne l'ont jamais entendu, car ils ne l'ont jamais vu partir... Le barillet du démarreur était brisé. Le cuisinier a dû se transformer en mécano sur le bord du trottoir.

«C'est comme dans un couple, cela ne va pas toujours bien. Ça peut devenir un boulet, c'est bien précieux... Et en plus, une italienne...»

Qui aime bien, châtie bien. Le cuistot l'utilise souvent seul, sans destination précise, parfois tard le soir. «J'aime la vitesse. Des fois, je me permets un petit tour la nuit», confie-t-il. Cette curiosité en a dans le ventre malgré son «petit» V6 qui peut la propulser jusqu'à 225 km/h.

«Elle est assez maniable, sa tenue de route est impeccable. On la sent vivre, on sent les réactions. On finit par la connaître après cinq ans alors qu'au début, on se retient un peu. Au fond, c'est un jouet, un hobby assez cher pour le plaisir de la conduite», dit le Chicoutimien.

Acheté sur eBay sur un coup de tête, ce jouet lui a coûté jusqu'ici 32 000$. Avant elle, il a cassé sa tirelire pour une Alfetta 1980 à sa sortie de l'Institut du tourisme et de l'hôtellerie, puis pour une Jaguar JS. La première est remisée, la seconde est vendue.

Jean-François Vachon carbure à l'automobile depuis tout jeune. Et pas n'importe quoi. À 12 ans, il feuilletait les guides automobiles. À 18 ans, sa première voiture est une Pontiac Fiero (tiens, tiens...). Il choisit ensuite une Ford Probe. Encore un coupé... La suite, on la connaît: l'Alfa, la Jaguar, la Maserati... Fan de F1, il s'intéresse évidemment à la course automobile. «Depuis 1988, à chaque Noël, mon père m'achète L'annuel de l'auto.»

Et à quoi rêve-t-il aujourd'hui? À une Ferrari 308 et, ultimement, à la Dino 246 GT, l'une des très rares Ferrari à ne pas être affublée du nom au cheval cabré. «Si j'en avais les moyens, j'aurais une collection de voitures», conclut Jean-François Vachon.