En juillet 2012, Tesla Motors lancera la Model S, sa première voiture électrique destinée à la production de masse. La Presse a visité les ateliers de Tesla, à Palo Alto, afin de prendre la mesure de cette compagnie unique, qui joue sa survie sur une voiture que pratiquement personne n'a encore vue.

Il n'y a pas beaucoup de voitures électriques dans le stationnement des employés de Tesla. Mis à part une demi-douzaine d'exemplaires de la Roadster en train d'être rechargés près de la porte d'entrée, les centaines de voitures sont les mêmes que celles garées dans n'importe quel parc industriel nord-américain.

Or, il y a quelque chose de différent dans l'air. Derrière les murs de béton de l'entreprise, des ingénieurs qui comptent parmi les meilleurs du monde planchent pour mettre fin au règne du moteur à explosion. Vues sous cet angle, les voitures du stationnement de Tesla font l'effet d'une pile de CD posés sur le coin du bureau des gens payés pour inventer le MP3.

En ce chaud matin de novembre, je suis chez Tesla pour en apprendre plus sur la Model S, la luxueuse berline que l'entreprise compte livrer en juillet prochain, et dont le prix de base est de 49 900$. Tesla compte produire 5000 exemplaires de la Model S en 2012, et 20 000 unités les années subséquentes.

Camille Ricketts, chargée des communications et responsable de ma visite, note que toutes les unités de 2012 sont déjà vendues et que 1500 acheteurs ont mis leur nom sur une liste d'attente. Tout cela, avant même que l'entreprise ait dépensé un sou en publicité.

«Les gens achètent une voiture qu'ils n'ont pas pu essayer, qu'ils n'ont souvent même pas vue, dit-elle. Ça montre l'enthousiasme, et aussi la confiance qu'ils ont en la compagnie.»

Inspirer confiance n'a pas toujours été la qualité première de Tesla. Depuis sa fondation par le multimillionnaire Elon Musk, en 2003, l'entreprise est passée par des hauts et des bas. Tesla a frôlé la faillite durant la crise économique de 2008. Depuis, l'entreprise a fait son entrée en Bourse, et a reçu un prêt sans intérêt de 465 millions du gouvernement fédéral.

L'été dernier, Tesla a signé un contrat de 100 millions avec Toyota, à qui elle fournit des groupes motopropulseurs pour la version électrique du Rav4. Tesla est aussi sous contrat avec Daimler AG, fabricant de Mercedes, pour fournir des batteries pour une version électrique de la Smart.

Depuis l'an dernier, les locaux de Tesla Motors sont situés dans un parc industriel de Palo Alto, dans un espace auparavant occupé par la firme HP. On y arrive en empruntant une route qui avance dans des prairies où des douzaines de chevaux gambadent, un tableau qui rappelle le passé agricole de la Silicon Valley.

À l'intérieur, les ateliers de Tesla évoquent plutôt les tableaux d'un roman de science-fiction. Dans une immense salle au plancher recouvert d'époxy gris, des dizaines de techniciens et d'ingénieurs travaillent à assembler des batteries et des groupes motopropulseurs de voitures Tesla.

Dans une autre section des ateliers, des employés s'affairent à assembler les moteurs électriques. Ceux-ci étonnent par leur petite taille: une fois complétés, ils ont sensiblement la grosseur d'un melon d'eau.

Pas de graisse, de pistons, de bougies d'allumage. Les moteurs sont simples et puissants. Tesla a fait sa marque avec son modèle Roadster, petit bolide aux formes dessinées par Lotus, à l'accélération 25% plus rapide qu'une Porsche 911 Carrera.

De telles performances sont rendues possible par la nature même du moteur électrique: sans friction, il ne nécessite pas d'huile et produit peu de chaleur. Plus de 90% de l'énergie fournie au moteur sert à propulser le véhicule, contre environ 20% dans un moteur à explosion typique.

«La Roadster était le premier essai de Tesla, explique Mlle Ricketts. L'idée était de montrer qu'une voiture électrique pouvait avoir de la gueule. Nous voulions nous défaire une fois pour toutes de l'image «voiturette de golf».»

 

Dites bonjour au Model S

La Model S est un animal différent. Au premier coup d'oeil, sa silhouette épurée et raffinée rappelle celle de la Aston Martin Vanquish. Elle pourra passer de zéro à 100 km/h en 5,6 secondes, et une version plus performante, également offerte l'an prochain, permettra d'atteindre cette vitesse en 4,5 secondes.

«La Model S est notre première voiture produite à la chaîne, explique Mlle Ricketts. C'est une voiture de tous les jours. Elle comprend cinq places et on peut ajouter deux autres sièges pour enfants à l'arrière. Donc une famille de sept peut y être à l'aise.»

À l'intérieur, ce qui frappe, c'est l'absence de boutons sur le tableau de bord: celui-ci est vide. À l'endroit où sont habituellement les cadrans de vitesse se trouve un écran. Dans la colonne centrale est installé un gigantesque écran tactile vertical de 43 centimètres (17 po) de diagonale. Il permet de contrôler l'ensemble des réglages, allant de la ventilation à la radio. Quand la voiture est arrêtée, on peut même aller sur le Net grâce à la connexion 3G. «Vous pouvez lire le New York Times en attendant de cueillir quelqu'un», note Mlle Ricketts.

La technologie emprunte beaucoup aux produits Apple. L'écran tactile permet par exemple d'ouvrir l'immense toit; il suffit de glisser le doigt sur un schéma de la voiture pour le voir bouger de façon identique au-dessus de sa tête. Tesla a embauché un ingénieur d'Apple pour parfaire l'interface des écrans de la Model S.

Autre détail étonnant: la voiture compte deux coffres, un à l'arrière et un à l'avant, baptisé «frunk», néologisme formé de «front» et «trunk». Cela est rendu possible par la petite taille du moteur électrique.

La batterie de la Model S est en forme de «plaque». Sa dimension est celle d'une grande table de salle à manger, et elle a une dizaine de centimètres d'épaisseur.

«Avec la Model S, la batterie est située sous le plancher, et contribue à la rigidité structurelle du véhicule, note Mlle Ricketts. Comme le poids est réparti sur une grande surface, près du sol, cela permet une tenue de route plus précise.»

La Model S sera offerte avec trois options d'autonomie de la batterie: 260 km, 370 km ou 480 km. L'entreprise souligne que la majorité des clients ont commandé la version à 480 kilomètres.

Lorsqu'elle est vide, la batterie Lithium-ion met quatre heures à être rechargée, avec une borne express vendue par l'entreprise. Elle peut aussi être branchée dans n'importe quelle prise électrique courante.

 

Photo Nicolas Bérubé, La Presse

FICHE TECHNIQUE

Prix, modèle de base (260 km): 49 900$ (somme qui inclut un rabais du gouvernement fédéral américain de 7500$). Il faut compter 10 000$ de plus pour le modèle 370 km, et 20 000$ de plus pour le modèle 480 km.

Performances: 0-100 km/h en 5,6 secondes (4,5 secondes pour version luxueuse Signature).

Dimensions: 1426 mm de long sur 2189 mm de large. Quatre portes, cinq passagers. Des sièges optionnels ajoutent deux places pour enfant à l'arrière.

Batterie: Lithium-ion. Tesla affirme que la batterie maintiendra une efficacité de 70% au bout de sept années d'utilisation, ou 160 000 km.

Recharge: La Model S se branche dans n'importe quelle prise de courant. Les prises à 220 volts permettent une recharge plus rapide.

Date de livraison: Juillet 2012

Photo: Reuters

La Model S