Les nantis ne sont pas les plus prompts à mettre la main dans leur poche pour un véhicule électrique.

Le sondage CROP-La Presse réalisé le mois dernier révèle en effet que 41% des ménages ayant un revenu annuel brut de plus de 100 000$ achèteraient une voiture électrique à plus ou moins long terme. Pas mal?

La proportion est presque équivalente à celle des ménages ayant moins de 40 000$ de revenus (38%). Dans les familles ayant des revenus entre 80 000$ et 100 000$, cette proportion grimpe à 56%!

Autre aspect non négligeable, les ménages nantis veulent débourser le moins possible pour cette technologie: 67% d'entre eux débourseraient moins de 10 000$ de plus pour une voiture électrique. Dans les autres tranches de revenus, 32% à 49% des ménages ont cette attitude.

«Les ménages aux plus hauts revenus ont une conscience aiguë du rapport coût-bénéfice. Les plus riches sont-ils les plus chiches? Je ne suis pas sûr. Ils ne voient pas le bénéfice supplémentaire qu'ils vont tirer d'une voiture électrique par rapport à une voiture classique», dit Yan Cimon, professeur au département de Management de l'Université Laval, spécialiste du secteur automobile.

D'un ménage à l'autre, «on ne perçoit pas de la même manière les avantages du véhicule électrique», ajoute-t-il.

Pour Pierre-Olivier Pineau, le raisonnement est très simple. «Les plus riches se fichent de l'économie à réaliser avec un tel véhicule et l'image de marque associée à une voiture électrique n'est pas suffisante pour eux», estime ce professeur à HEC-Montréal, spécialiste en politique énergétique.

Les détenteurs des plus hauts revenus ne sont que 16% à vouloir mettre entre 10 000$ et 25 000$ de plus dans un véhicule électrique. À titre de comparaison, 53% des ménages aux revenus de moins de 40 000$ le feraient. Les ménages aux revenus moyens sont 32% à afficher la même volonté. Soit deux fois plus nombreux que les nantis. «Je suspecte que lorsque viendrait le temps de payer, les pourcentages baisseraient», pense toutefois M. Cimon.

Par rapport à la voiture électrique, les ménages à plus faibles revenus raisonnent en fonction des économies qu'ils pourraient réaliser dans leur consommation quotidienne. «Les faibles revenus attachent plus d'importance à la réduction de la consommation d'énergie possible. Les plus riches y trouveraient plus d'avantages dans l'image de marque», dit M. Pineau.

«Les plus riches sont généralement plus âgés et c'est souvent l'âge qui détermine une ouverture ou non à la voiture électrique», affirme pour sa part Youri Rivest, vice-président de CROP. À preuve, 52% des 55 ans et plus n'ont pas l'intention d'acheter un tel véhicule contre 39% des 18-34 ans.

 

Les moins enthousiastes sont à... Québec

Les habitants de la région de Québec sont par ailleurs les moins enthousiastes à la venue de la voiture électrique.

À Québec, si les gens sont proportionnellement plus nombreux à posséder une voiture que n'importe où ailleurs en région - 91% contre 85% -, ils sont par contre moins nombreux à croire que l'avenir appartient à la voiture électrique: 62% l'entrevoit ainsi. Alors qu'ils sont 72% à y croire dans la région de Montréal et même 73% dans le reste de la province.

Selon le sondage CROP-La Presse, ce nouveau «type de véhicule ne correspond pas aux besoins» de 13% des gens de Québec. Seulement 8% des personnes interrogées dans le reste de la province ont affirmé la même chose. Et 9% dans la région de Montréal.

On n'est alors pas surpris d'apprendre que la majorité des gens de la région de Québec (56%) n'envisage pas l'achat d'un véhicule électrique à plus ou moins long terme. Alors qu'ils sont une minorité (43%) à ne pas l'envisager dans le reste du Québec et dans la région de Montréal (47%).

Cette tendance serait peu influencée par une éventuelle amélioration de l'autonomie de ces voitures. Avec une autonomie de 250 km, une (faible) majorité des gens de Québec dirait encore «non», à 51%, à l'achat d'un tel véhicule. Un «non» plus catégorique que partout ailleurs dans la province.

Moins verts, les gens de Québec? «Dans le tissu social, les gens de Québec sont plus conservateurs. On observe cela pas uniquement dans le domaine sondé ici», commente Youri Rivest, vice-président de CROP.

Portrait robot du convaincu

Au final, qui est celui qui achètera une voiture électrique demain matin?

Si l'on se fie au sondage, il - et non pas elle - est propriétaire d'un véhicule d'occasion âgé de 3 à 5 ans et parcourt moins de 15 000 km par année. Futur acheteur d'un véhicule neuf, il se déplace principalement pour se rendre au travail. Âgé de 25 à 34 ans, il partage le seul véhicule du foyer avec une seule autre personne.

N'ayant pas d'enfant, il achèterait une voiture électrique dans un an, mais ne débourserait pas plus de 10 000$ supplémentaires pour cela. Convaincu que la voiture électrique représente une solution écologique, il se contenterait d'une autonomie de 250 km sur celle-ci.

Enfin, il réside en dehors des deux grandes régions métropolitaines que sont Montréal et Québec. Et les revenus du foyer n'excèdent pas les 60 000$.

Étonnant portrait?

Illustration Julien Chung, La Presse

La majorité des gens de la région de Québec (56%) n'envisage pas l'achat d'un véhicule électrique à plus ou moins long terme.