La route est encore longue pour la voiture électrique. Trop chère et pas assez autonome aux yeux des Québécois. Même s'ils sont convaincus qu'elle est la voiture de demain, ceux-ci la méconnaissent et sont encore indécis quant à un éventuel achat.

Si les Québécois croient à l'avènement de la voiture électrique, ils ne sont cependant pas près d'adopter cette technologie. À moins que les prix baissent ou que l'autonomie de la voiture augmente.

La voiture électrique remplacera un jour la voiture à essence estiment 71% des personnes interrogées dans le cadre d'un sondage CROP réalisé pour le compte de La Presse. Seulement 20% des Québécois ne croit pas à cette évolution.

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Mais y croire ne suffit pas, encore faut-il y participer. Lorsqu'on leur demande s'ils envisagent l'achat d'une voiture électrique à plus ou moins long terme, ils ne sont plus que 38% à répondre «oui». Plus intéressant encore, parmi ces convaincus de la première heure, seulement 28% souhaitent acquérir une voiture électrique d'ici trois ans. Et pas moins de 47% planifient un tel achat dans cinq ans et plus.

«L'intention d'achat est faible, l'horizon de temps est élevé», commente Youri Rivest, vice-président de l'institut de sondage CROP.

«Oui, la voiture électrique va remplacer la majorité des voitures à essence, mais dans 30 ou 40 ans. Dans les 20 prochaines années, ce sera mineur. Il faut que le prix du pétrole soit très élevé, que celui de l'essence augmente énormément», constate Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC-Montréal, spécialiste en politique énergétique.

L'argent, un frein

Sans surprise, le coût et l'autonomie limitée de ces véhicules sont les causes de cette hésitation.

Pour 61% des Québécois interrogés, le coût est le principal frein pour acheter une voiture électrique. L'autonomie est la deuxième explication la plus citée, à hauteur de 37%. Suivent, la fiabilité pour 19% des gens et la performance pour 15%.

«Les gens perçoivent que ce n'est pas un bon rapport qualité-prix, ils ne perçoivent pas de bénéfices immédiats pour eux», dit Youri Rivest.

Parmi ceux qui envisagent l'achat d'une voiture électrique à plus ou moins long terme, 13% ne sont pas prêts à débourser davantage pour un tel véhicule alors que 44% débourseraient moins de 10 000$ de plus. Ils sont 43% d'amateurs à être prêts à mettre plus de 10 000$ supplémentaires dans une voiture électrique. «Entre dire qu'on va faire l'achat et le faire vraiment, il y a un décalage», commente M. Pineau. «Les gens attendent que les prix baissent», pense M. Rivest.





L'autonomie, une carotte

Si l'argent est un frein à l'achat, l'autonomie est une carotte au bout du bâton. Le sondage montre en effet que 77% des Québécois voyant l'autonomie comme le premier frein à l'achat penseraient «sérieusement à acquérir une voiture électrique» si sa batterie permettait de parcourir plus de 500 km. Cette proportion est plus ou moins encourageante pour les constructeurs quand on sait qu'on est aujourd'hui à peine à mi-chemin de cette autonomie souhaitée. Des essais montrent que certains des premiers modèles peuvent atteindre les 200 km d'autonomie. La Tesla peut parcourir entre 300 km et 400 km selon les conditions routières, la conduite et l'état de charge.

«Le véritable changement se fera quand les caractéristiques des véhicules électriques seront indissociables de la voiture à essence. On est à la fois près et loin du but», croit Yan Cimon, professeur au département de Management de l'Université Laval, spécialiste du secteur automobile.

Indécis car peu branchés

Ce qui frappe dans ce sondage, c'est le nombre, parfois élevé, d'indécis. Ceux qui voient l'autonomie comme le principal frein à l'achat ne savent pas dans une proportion de presque 25% s'ils achèteraient un véhicule électrique si l'autonomie augmentait. «Le taux d'indécis démontre une méconnaissance de la voiture électrique. Les gens ne comprennent pas comment cela fonctionne», dit M. Rivest, de CROP.

Quand on voit combien les consommateurs s'interrogent sur la fiabilité et la performance de ces futurs véhicules, l'industrie a manifestement beaucoup de travail d'information et de vulgarisation à accomplir. D'autant plus quand on sait que 35% des personnes interrogées n'ont pas la moindre idée de l'économie de carburant réalisée avec une voiture électrique. «Les consommateurs n'ont qu'une vague idée de ce qu'est une voiture électrique», commente M. Cimon.

On notera que pour plus de la moitié des personnes interrogées, la principale raison d'acheter une voiture électrique est qu'elle représente une solution écologique. Pour 23%, elle est le meilleur moyen de s'affranchir du pétrole alors que pour 20%, elle est une solution économique.

Pour ce sondage, réalisé du 13 au 17 octobre dernier, un total de 1000 questionnaires ont été envoyés et remplis en ligne. Selon cette méthodologie, il n'y a pas de marge d'erreur déclarée.

Illustration Julien Chung, La Presse

Plus des trois quarts des Québécois voyant l'autonomie comme le premier frein à l'achat penseraient «sérieusement à acquérir une voiture électrique» si sa batterie permettait de parcourir plus de 500 km.