L'administration Obama s'est entendue il y a dix jours avec les grands constructeurs automobiles de ce monde sur le futur standard de consommation moyenne du parc automobile américain. Quelles seront les répercussions sur l'industrie et sur les marchés? Les consommateurs - canadiens, entre autres - en tireront-ils un avantage ? Esquisses de réponses avec un spécialiste du secteur automobile.

Cet accord, dont les détails ne seront connus que dans un mois, fixe à l'horizon 2025 une consommation moyenne de 4,3 L./100km aux États-Unis alors qu'elle est présentement de 9,4L./100km. L'administration Obama s'étant montrée auparavant plus exigeante, faut-il y voir un recul de sa part ?

«Les nouvelles normes ne sont pas nécessairement un recul, commente Yan Cimon, professeur au Département de management de l'Université Laval. Le gouvernement américain fait montre d'une certaine ambition. C'est une amélioration tout de même notable. Les normes ont aussi l'avantage d'une certaine légitimité puisque l'annonce a été faite avec l'assentiment public des constructeurs, ce qui est politiquement rentable autant pour les politiciens que pour les constructeurs. Tout le monde y trouve son compte.»

Les constructeurs doivent en moins de 15 ans abaisser cette consommation moyenne de 5,2 L./100km. Alors qu'ils n'ont fait strictement aucun progrès sur les voitures entre 1985 et 2010. Sur la même période, le secteur des camions légers (pick-ups, VUS et multisegments) a diminué cette consommation moyenne de 2,1 L./100km. Le nouvel objectif est-il donc réaliste ?

«L'industrie devrait être en mesure de rencontrer cette cible, pense Yann Cimon. Le département de l'Énergie met beaucoup d'argent pour aider les constructeurs à faire de la recherche en matière de technologies éco-énergétiques. Il reste à voir de quelle manière cela affectera précisément le prix des véhicules et comment ce surcoût pourra être rentabilisé par le consommateur.»

Le PDG de Fiat et Chrysler, Sergio Marchionne, a qualifié mercredi ce récent standard de «très faisable».  

Dans l'histoire, les standards n'ont réellement progressé que de 1978 (13L./100km pour une voiture) à 1985 (8,7L./100km pour une voiture). Ils ont même reculé les années suivantes. Pour les voitures, la norme de 2010 est identique à celle de 1990. On peut donc douter des progrès futurs.

«Les normes ont effectivement stagné, mais le contexte peut l'expliquer: de l'essence à prix raisonnable, peu de pression politique pour le changement mis à part celle de certains lobbys environnementalistes ou citoyens. Les préoccupations de l'Américain moyen n'étaient pas à l'économie d'essence dans son processus d'achat d'un véhicule. Les conditions n'étaient pas réunies économiquement et politiquement avant aujourd'hui», explique M. Cimon.

L'industrie a les moyens et le temps de répondre aux nouvelles normes, selon le PDG de Fiat, qui s'est permis de critiquer ses confrères cette semaine. «Cette industrie a la très mauvaise habitude de crier au loup. Tôt ou tard, quelqu'un demandera de jouer cartes sur table», a-t-il dit.

Conséquences

À quoi devra s'attendre le consommateur nord-américain en se présentant chez un concessionnaire ?

«Les nouvelles normes auront vraisemblablement un effet sur la dynamique concurrentielle de l'industrie et sur la proposition des constructeurs, prévoit Yan Cimon. Ces normes causeront une pression supplémentaire sur les marges, pression que les constructeurs pourront tenter d'atténuer en tentant de bonifier les équipements de série ou en continuant de jouer sur des innovations en financement. Dans l'intervalle, il ne serait pas étonnant de voir plus de solutions intermédiaires comme des hybrides ou de voir des hybrides branchables prendre du galon dans les gammes offertes même s'il s'agit normalement de produits de niche.»

Sergio Marchionne a mis en garde les autorités américaines de vouloir favoriser une technologie plutôt qu'une autre. Ce serait une erreur de croire que l'électricité ou l'hydrogène soit la panacée, pense-t-il. Pour lui, le gouvernement doit rester neutre et laisser les constructeurs trouver la voie à suivre.

«Les constructeurs qui gagneront sauront s'adapter en offrant des attributs pour lesquels les consommateurs souhaiteront payer. Cela a l'air trivial, mais c'est très difficile à exécuter», dit Yan Cimon.

Et au Canada?

Logiquement, le Canada devrait s'aligner sur ces standards américains, croit le spécialiste de l'industrie automobile. «Nous n'avons pas le marché qui nous permette de dicter nos conditions aux manufacturiers, dit-il. De plus, les nouvelles normes semblent être le fruit d'un consensus assez large de la part de nos voisins du Sud. Un effort du gouvernement fédéral ou des provinces d'imposer une réglementation plus restrictive pourrait pénaliser les consommateurs canadiens et perpétuer le différentiel de prix entre les modèles canadiens et américains qui n'est généralement pas à l'avantage des premiers.»