Malgré un concept d'affaires diamétralement opposé à celui des géants vacillants de Détroit, le constructeur norvégien de voitures électriques Think risque lui aussi d'être mis au tapis pour cause de pénurie de crédit.

Deux mois seulement après avoir démarré la production de son unique modèle, la Think City, le groupe d'Aurskog, à 50 km à l'est d'Oslo, vient de décider de mettre plus de la moitié de ses 200 employés au chômage technique jusqu'à fin janvier 2009.

Manquant de liquidités pour payer des équipementiers prudents qui exigent désormais d'être payés cash à la commande, Think a aussi enjoint le gouvernement norvégien de l'aider sous la forme d'une ligne de crédit, de garanties ou d'une prise de participation. Jusqu'à présent sans succès.

«Nous sommes dans une situation très grave», admet le directeur général du groupe, l'Australien Richard Canny, un récent transfuge de Ford.

«La croissance de Think a été affectée par la crise financière mondiale qui pèse lourdement sur nos capacités à lever de nouveaux capitaux», dit-il à l'AFP.

Petit mais ambitieux, le constructeur norvégien, un temps propriété de Ford, a pour objectif déclaré de devenir leader mondial de la voiture électrique.

En 2009, le groupe entend officiellement doubler sa capacité de production annuelle pour la porter à 10.000 unités et conquérir de nouveaux marchés.

Pour l'heure, le petit véhicule biplace en plastique, propre et aux formes sympathiques, qui peut faire des pointes à 110 km/h pour une autonomie de 180 km, n'use que le bitume d'Oslo.

Avec ses points de recharge relativement nombreux et des règles permettant aux véhicules électriques d'emprunter les couloirs de bus, de se garer gratuitement et de traverser les péages urbains sans payer, la capitale norvégienne est un terrain de jeu idéal.

Mais, l'an prochain, Think comptait aussi débouler dans d'autres villes européennes, à commencer par Copenhague et Stockholm, et prendre une décision sur une éventuelle entrée sur le marché nord-américain.

«Sans apport de capitaux, nous ne pouvons poursuivre nos projets d'expansion», admet cependant M. Canny.

Contrairement aux géants américains dont les puissantes cylindrées gourmandes en carburants fossiles peinent à trouver preneur, ce ne sont pas, officiellement, les clients qui font défaut à Think mais les moyens de financer son outil de production.

Selon les médias norvégiens, le groupe, qui a déjà fait faillite à deux reprises au cours de ses 18 ans d'existence tumultueuse, aurait besoin de 280 millions de couronnes (51 millions $CAN).

Ses nouvelles difficultés sont un coup dur pour les ouvriers, souvent des anciens de Saab ou de Volvo, qui ont fui une industrie automobile suédoise dans une mauvaise passe pour un secteur qu'ils croyaient porteur.

A Aurskog, dans un hall d'assemblage propret aux dimensions modestes, au moins 60% des travailleurs sont suédois.

«Depuis quelques semaines, je reçois un nombre incroyable de candidatures en provenance de Suède», confiait le chef de l'usine --lui-même suédois--, Arne Degermosse, vendredi dernier, lors d'une visite de la presse étrangère.

Suédois d'origine égyptienne, Shady Elghobary est l'un de ceux qui ont franchi le pas et la frontière, laissant sa femme et son bambin de deux ans derrière lui à Trollhättan (sud-ouest de la Suède, à 250 km de là), où il ne retourne que le week-end.

«Je suis venu ici il y a deux mois quand on a appris que mon ancien employeur Saab allait tailler dans les effectifs», expliquait-il, quelques jours seulement avant l'annonce de la mise à pied d'une partie du personnel de Think.

«Je n'ai pas le choix. Il faut bien que je travaille pour subvenir aux besoins de ma famille», soulignait-il.