«GM aura une voiture à hydrogène au plus tard en 2004», a dit en 1998 Jack Smith, le PDG du constructeur américain.

«L'hydrogène sera une solution de rechange viable à l'essence pour les voitures durant ma carrière», a renchéri la même année son vis-à-vis, Jacques Nasser, qui a quitté la direction de Ford en 2001 après une carrière de 33 ans.

«Nous aurons des autoroutes à hydrogène d'ici 2010», a assuré Arnold Schwarzenegger à ses électeurs californiens en 2004.

«La Cadillac Provoq représente la promesse de transports vraiment durables», a soutenu Rick Wagoner, le patron de GM, en janvier dernier à Las Vegas.

 

Deux mois auparavant, Ballard, le pionnier canadien de la pile à hydrogène, a vendu sa division automobile à Ford et Daimler, déplorant «les réalités des coûts élevés et de la commercialisation lointaine» de la voiture à hydrogène.

Ces déclarations, recensées récemment par l'hebdomadaire britannique The Economist, montrent bien l'ampleur du rêve que représente une voiture dont l'échappement ne libérerait que de la vapeur d'eau. En fait, cette avenue semble à portée de main depuis Jules Verne, qui imaginait en 1874 une île mystérieuse aux installations alimentées par l'hydrogène.

Deux rapports américains ont récemment tenté de mieux cerner l'avenir de la voiture à hydrogène. Le laboratoire national du département de l'Énergie à Oak Ridge a annoncé que deux millions de voitures à hydrogène circuleraient aux États-Unis en 2025 si l'État investissait 10 milliards US. Avec des subventions de 45 milliards, on arriverait à 10 millions de voitures à hydrogène (sur un total prévu de 200 millions d'autos). L'Académie des sciences (NAS) prévoit qu'il faudra plutôt 55 milliards US pour arriver à deux millions de voitures à hydrogène en 2023.

Comment peut-on arriver à des budgets variant du simple au quintuple? «C'est inévitable à cause des incertitudes de la technologie et des prévisions à long terme, explique Alan Crane, l'un des auteurs du rapport de la NAS. Nous avons fait des hypothèses héroïques.»

Par exemple, les chercheurs de l'Académie des sciences ont présumé que le coût des piles à combustible baisserait de 100$ par kilowatt à 30$ d'ici 2015. À titre de comparaison, elles coûtaient plus de 300$ en 2002. L'hypothèse est donc plausible, même si l'on tient compte que les progrès sont de plus en plus difficiles à mesure qu'une technologie mûrit.

«Le pire, c'est la mise sur pied du réseau de distribution d'hydrogène et le stockage à bord de la voiture», estime M. Crane, qui fait partie du Bureau des systèmes environnementaux et d'énergie de la NAS. «Il y a vraiment beaucoup de stations d'essence en ce moment; il faudra se contenter d'un nombre réduit de stations d'hydrogène. Et il faudra beaucoup, beaucoup d'efforts pour arriver à un coût de stockage de 2$ le kilogramme. Le stockage sous forme solide, probablement grâce à la nanotechnologie, sera essentiel. Mais les transports à l'hydrogène pourraient décoller même avec le gaz comprimé, qui n'arrivera pas beaucoup en dessous de 10$ à 15$ le kilogramme.»

Il existe présentement 170 000 stations-service aux États-Unis. En décembre dernier, GM a indiqué que l'installation de 12 000 stations d'hydrogène dans les 100 plus grandes villes du pays permettrait d'alimenter un million de voitures à hydrogène. La Ville de Los Angeles a estimé qu'installer 40 stations coûterait 80 millions US.

La production et le transport de l'hydrogène ne seront pas un problème, parce que la demande industrielle est déjà plus élevée que ne le deviendra jamais celle des automobilistes, selon M. Crane. «La durabilité est aussi sur la bonne voie. Nous sommes arrivés entre 2000 et 3000 heures, et la cible est de 5000 heures.» Cela signifierait que le remplacement des piles à hydrogène coûterait 2400$, après six ans et demi, en considérant une utilisation moyenne de deux heures par jour.