Le gouvernement du Québec est en pourparlers avec l'entreprise américaine Better Place, dont la mission est d'implanter dans les grandes villes du monde des réseaux de recharge et d'échange de batteries pour les véhicules électriques, a appris La Presse.

Avec le soutien du groupe Renault-Nissan, cette entreprise de la Silicon Valley mise non pas sur les autos hybrides, mais sur les voitures 100% électriques, pour lesquelles elle entend créer des réseaux de recharge tentaculaires aux quatre coins du globe.

 

C'est en ce sens qu'une rencontre a récemment eu lieu entre les membres de Better Place (BP) et ceux du gouvernement du Québec. Preuve du sérieux de la démarche, la province était représentée par les plus hauts cadres de deux importants ministères québécois, les sous-ministres Gilles Demers (Développement économique et Innovation) et Normand Bergeron (Ressources naturelles). «Il y a effectivement eu une rencontre il y a quelques semaines, a confirmé la porte-parole du ministère du Développement économique, France Verrette. Le dossier est actuellement en cours d'analyse.»

L'idée d'une rencontre entre BP et un membre du Conseil des ministres, lors de la conférence de Poznan sur le climat qui s'ouvre aujourd'hui en Pologne, a été évoquée. Mais rien n'a été décidé en raison de l'incertitude liée aux élections en cours.

Cette nouvelle survient quelques jours seulement après que Better Place eut annoncé une entente officielle avec la Californie, devenue la quatrième juridiction engagée dans ce projet. Le Danemark, l'Australie et Israël ont aussi annoncé leur adhésion récemment.

L'objectif de BP, qui serait actuellement en négociations avec une vingtaine de pays dans le monde, ainsi qu'avec l'Ontario et la Colombie-Britannique, est de rendre la voiture électrique meilleur marché que la voiture à essence traditionnelle, grâce à un système d'abonnement similaire à celui de la téléphonie mobile. Concrètement, un automobiliste ayant un abonnement avec Better Place pourrait rouler avec sa batterie sur une distance d'environ 100 kilomètres. En chemin, il n'aurait qu'à «remplir» sa batterie dans l'un des nombreux points de recharge ou, pour aller plus vite, se présenter dans une «station-service électrique», où sa batterie vide serait remplacée en quelques minutes par une batterie pleine.

Pierre Lavallée, du Centre national du transport avancé, nourrit certains doutes sur la possibilité d'implanter un tel système en quelques années, mais il estime néanmoins qu'«il s'agit d'une solution innovante et visionnaire, qui répond à bien des problèmes liés à l'implantation à large échelle du véhicule électrique».

Évoquant les mêmes doutes, Christian Navarre, professeur de gestion à l'Université d'Ottawa et spécialiste de l'auto, affirme quant à lui que la rencontre entre Better Place et Québec est «très importante et très intéressante». Il souligne que ces stations-service électriques visent à contrer l'auto à essence, alors que ce sont précisément les stations-service classiques qui ont tué l'auto électrique il y a 100 ans.

Très «pro-active», Better Place a conclu son premier accord avec Israël en janvier, avec le Danemark en mars, avec l'Australie en octobre, puis, le 20 novembre dernier, avec la Californie. Selon son site web, cela représente un parc éventuel de 40 millions de voitures électriques.

En Israël, premier pays à avoir donné à Better Place sa crédibilité, le projet est prévu pour la mi-2011: le gouvernement promet un congé de taxes en ce sens, Renault construira quelque 100 000 véhicules électriques, Nissan (NEC) s'occupera des batteries et Better Place implantera un réseau de 500 000 bornes de recharge et un vaste service d'échange des batteries.

Le fondateur de BP, Shai Agassi, est l'une des grosses fortunes d'Israël en plus d'être un ancien employé en vue du géant informatique SAP. Il a créé son entreprise à l'image de l'industrie de la téléphonie mobile. Il souhaite offrir aux consommateurs une auto qu'il ne fabrique pas (équivalent du téléphone cellulaire), un vaste réseau de bornes de recharge (les antennes) et un abonnement par kilomètres parcourus (abonnement par minutes).

 

Un plus grand nombre d'autos électriques

Le groupe de réflexion canadien sur l'auto électrique revoit ses ambitions à la hausse : il recommande au gouvernement fédéral que 15% des véhicules qui circulent au pays soient électriques d'ici 10 ans, a appris La Presse. Au cours de sa dernière réunion tenue à Toronto, le 26 novembre dernier, le groupe composé notamment de GM, de Ford, d'Hydro-Québec et des syndicats de l'automobile a résolu de pousser un peu plus loin l'objectif précédemment fixé à 5%.

À la suite des délibérations, le groupe a décidé la semaine dernière de faire un autre ajustement : on ne parle plus uniquement d'autos électriques, mais bien d'autos électriques rechargeables (plug-in). On souhaite ainsi qu'en 2018, 12% de tous les véhicules neufs en circulation au pays puissent se brancher et rouler grâce à de l'énergie renouvelable (hydroélectricité, éolien, solaire, etc.).

 

Cela représente, selon les chiffres de 2007, quelque 240 000 véhicules. Le dépôt du rapport final appelé «feuille de route technologique» est maintenant prévu pour février 2009. Il ne s'agira pas d'un dévoilement public, mais bien d'un dépôt auprès des fonctionnaires des trois ministères impliqués : Ressources naturelles, Industrie et Transports Canada. La feuille de route vise à doter le Canada d'une vision du développement de l'industrie de l'auto électrique. Ottawa avait choisi d'investir de manière importante dans la commercialisation des piles à combustible, il y a quelques années, à la suite du dépôt d'une pareille « feuille de route».