On est à Saint-Eustache, sanglé dans le siège du copilote d'une voiture de rallye. Le bolide file à vive allure, dérape, avale les bosses de façon étonnamment confortable, même si on comprend pourquoi certains copilotes roulent avec des timbres antivomitifs collés au cou...

Le pilote assis à notre gauche se fait appeler «Crazy Leo». Leonid Urlichich pour les intimes. Il a 26 ans. Il est né en Russie. Il est actuellement troisième au classement du Championnat canadien de rallye, mené sans partage par le vétéran québécois Antoine L'Estage.

Tous les deux étaient sur les routes du Québec ce week-end pour disputer le Rallye Défi. L'Estage a terminé premier et Urlichich... deuxième!

Leonid Urlichich est un grand gamin efflanqué qui rigole sans arrêt, au regard affable et à la poignée de main franche. Même si c'est un peu malgré lui, Crazy Leo incarne parfaitement l'image de sport extrême que le rallye s'est donnée depuis quelques années aux États-Unis, tout particulièrement grâce aux têtes brûlées que sont les Ken Block, Travis Pastrana et autres Tanner Foust. «Tout ce qui compte pour moi, c'est la course, reconnaît ce diplômé en administration des affaires de l'Université Trenton. Je suis très conscient que l'image véhiculée par des commanditaires comme Monster et Red Bull a donné un second souffle au sport en lui permettant d'atteindre une nouvelle clientèle, plus jeune.»

Maintenant un outil de mise en marché parfaitement assumé, son sobriquet de Crazy Leo est aussi le fruit du hasard: «C'est un des gars de l'équipe qui m'a donné ce surnom parce que je me balançais complètement de l'allure de ma voiture, confie-t-il. La mécanique était en parfait état, mais la carrosserie était bosselée et rouillée. On me traite aussi de fou parce que je peux conduire pendant des heures sans me fatiguer, tant et aussi longtemps que je file à vive allure.En fait, il faut être un peu fou pour faire du rallye. C'est très certainement une forme de sport extrême.»





Photo: André Pichette, La Presse

Leonid Urlichich alias «Crazy Leo».

Accident de parcours

Aller vite. C'est tout ce qui compte pour Crazy Leo. C'était comme ça avant même qu'il ne commence à faire du rallye. D'ailleurs, il n'avait jamais pensé à faire de la course. Il était destiné à une carrière en administration. C'est la course qui l'a choisi, au grand désarroi de ses parents qui «commencent à s'y faire».

Amateur de BMW, alors âgé de 21 ans, il s'était présenté chez un concessionnaire de Toronto pour faire l'essai d'un coupé m6. Le vendeur a refusé, jugeant le gamin trop jeune. Leo a tenté de lui montrer l'étendue de ses talents en l'invitant à monter à bord de sa Subaru, pour finalement terminer sa course... dans une clôture! Comme il était loin de la maison, il a décidé d'amener sa voiture accidentée dans un atelier spécialisé dans la préparation de voitures de rallye à proximité. «Il était minuit et j'avais par hasard une de leurs cartes professionnelles sur moi», raconte Crazy Leo. L'atelier en question était Can-Jam Motorsports. Cinq ans plus tard, le Torontois est devenu leur principal pilote.

Au cours de ces cinq années, Urlichich a appris le métier sur le tas en roulant le plus souvent possible, en analysant les données de course, en regardant les vidéos de grands champions et en écoutant les conseils de vétérans. Comme L'Estage, qui est devenu un bon ami. «Antoine est plus vieux que moi, mais il aime encore faire la fête après les courses», confie Leo, en rigolant.

Son but ultime? Se rendre jusqu'au Championnat du monde de rallye. L'an prochain, il fera un passage en série américaine Rallye America, menée elle aussi par le copain L'Estage...

Crazy Leo devra bien sûr avant tout réussir à prendre le dessus du Québécois. Qui n'a certes pas dit son dernier mot...