Les carrefours giratoires - et non les ronds-points* - sont apparus dans le paysage québécois au début des années 2000. Cet aménagement, en nombre croissant, a beau améliorer la fluidité de la circulation et diminuer le nombre de collisions aux intersections, il n'en est pas moins déstabilisant pour la plupart des automobilistes.

«Les gens ne savent pas où aller. Cela concerne les jeunes apprentis conducteurs comme les autres usagers.»

Monitrice à l'école de conduite Tecnic de Mascouche, Maryse Lafitte fait un constat sans appel sur les comportements des automobilistes aux carrefours giratoires de la province. Des attitudes au volant qui se traduisent le plus souvent par une vitesse excessive à l'approche du carrefour et dans l'anneau, une absence de signalement de la direction prise, des changements de voie intempestifs, des priorités non respectées. Sans compter que certains trouvent le moyen d'emprunter le carrefour en sens inverse...

Comment expliquer une telle anarchie? L'enseignement de la conduite à ces carrefours se heurte au nombre insuffisant de ces aménagements. Et parce qu'ils sont récents sur les routes, les automobilistes les découvrent. Deux explications paradoxales au premier abord.

Si les carrefours giratoires font partie de l'enseignement théorique de la conduite, leur apprentissage sur la route n'est pas du tout approfondi. «C'est abordé dans le volet pratique là où il y a des carrefours giratoires. Mais il n'y en a pas partout. C'est un peu comme la conduite hivernale: il n'y a pas cette possibilité d'apprendre à les maîtriser», estime Yvon Lapointe, directeur de la sécurité routière et de la recherche automobile au CAA-Québec.

«On voit de plus en plus ces carrefours dans les régions, mais pas dans les grandes villes», appuie Mylène Sévigny, directrice générale du réseau d'écoles de conduite Tecnic.

Pour les automobilistes détenteurs d'un permis depuis plusieurs années, les carrefours giratoires sont une découverte déroutante. Pour ceux-là, «il faudrait une bonne campagne de sensibilisation et d'apprentissage», dit Yvon Lapointe.

Un avis que partage Nicolas Saunier. Pour ce professeur à Polytechnique Montréal, la récente et rare présence des carrefours giratoires au Québec et en Amérique du Nord est due à l'expérience malheureuse des ronds-points dans les années 60 et 70. «Le rond-point est en quelque sorte la première version du carrefour giratoire. La priorité était accordée aux véhicules entrant dans l'anneau. Ce qui avait pour effet de couper la circulation parfois, de bloquer les carrefours. Cette mauvaise réputation des ronds-points a perduré longtemps», explique-t-il.

Mais parce que le carrefour giratoire d'aujourd'hui permet de diminuer le nombre d'accidents et leur gravité aux intersections tout en fluidifiant la circulation, le fameux anneau à trois ou quatre branches connaît un regain de popularité auprès des pouvoirs publics.

Travaillant depuis deux ans à un programme de recherche sur les carrefours giratoires au Québec, Nicolas Saunier juge que ceux du réseau routier du ministère des Transports (MTQ) sont bien conçus, à l'image de ceux de la route 117 à Mont-Tremblant.

«Dans les municipalités, par contre, leur qualité est variable», dit-il. «La plupart ne sont pas assez grands pour être bien négociés», souligne la monitrice de conduite Maryse Lafitte.

«Dans certains cas, des choses sont moins bien conçues», confirme M. Saunier. Lorsque l'îlot et la courbe d'approche incitent peu à freiner. «On ne devrait pas pouvoir aller tout droit dans un anneau.» Lorsque la vitesse d'approche est trop élevée, comme c'est le cas aux carrefours giratoires placés près d'une sortie d'autoroute. «La vitesse d'approche normalement doit être de 35 km/h», dit le professeur qui ajoute que tout ce qui est au centre d'un anneau gêne la visibilité et va à l'encontre de la sécurité routière.

Pourquoi des carrefours giratoires peuvent-ils être moins bien conçus? «Il n'y a pas de normes de conception, il y a des recommandations très fortes», précise M. Saunier.

Douze ans après la mise en service du premier carrefour giratoire sur le réseau du MTQ, les automobilistes québécois peuvent circuler dans une centaine d'entre eux aujourd'hui. «On a tout à gagner sur le plan de la sécurité routière. Avec le temps, on finira par les maîtriser», dit Yvon Lapointe.

Rond-point ou carrefour giratoire ?

Pour le commun des mortels, un carrefour giratoire est un rond-point. Et inversement. Erreur ! Quand bien même il s'agit du même aménagement, la priorité n'est pas accordée aux mêmes automobilistes. À un rond-point, la priorité revient à celui qui entre dans l'anneau - comme on le voit beaucoup en France, par exemple. À un carrefour giratoire, la priorité est à celui qui est dans l'anneau. Une nuance qui fait la différence en ce qui concerne le nombre de collisions et la fluidité de la circulation. Le carrefour giratoire est plus approprié.

Photo archives La Presse

Les avantages

Plusieurs raisons motivent la construction d'un carrefour giratoire. Par rapport à une intersection composée de feux de circulation ou de panneaux d'arrêt, son grand avantage est qu'il permet de diminuer le nombre d'accidents et leur gravité. Les collisions latérales à grande vitesse sont impossibles. Un carrefour giratoire compte 8 « points de conflit » contre 32 pour une intersection classique. Un point de conflit est l'emplacement où se croisent ou s'entrecroisent des véhicules, un piéton ou un cycliste. Un carrefour giratoire accroît la fluidité de la circulation, en la ralentissant mais sans nécessairement l'arrêter. Conséquence, le bruit au freinage est réduit, la consommation d'essence légèrement, de même que la pollution atmosphérique.

Les carrefours giratoires en chiffres

90%

moins de morts

aux carrefours giratoires qu'aux autres intersections

76%

moins de blessés

35%

moins de collisions

100

On compte une centaine de carrefours giratoires au Québec. (Les carrefours giratoires situés sur des terrains privés comme les centres commerciaux ne sont pas comptabilisés.)

35

sont en service sur le réseau du MTQ (21 autres sont prévus ou en construction actuellement).

70

sont en service sur les réseaux des municipalités.

3,9 

millions de dollars

Coût du carrefour giratoire à l'angle de la route 117 et de la rue Siméon, à Mont-Tremblant (acquisition de terrain non incluse).

Sources : département américain des Transports, ministère des Transports du Québec, Polytechnique Montréal