Les mauvaises nouvelles se succèdent tellement vite chez le constructeur automobile suédois Saab, que celle-ci nous est passée sous le nez vendredi.

Après l'arrêt de production au printemps, les licenciements puis les procédures de mise en faillite forcée qui s'étirent, voici que même le Musée Saab est dans le collimateur des créanciers, rapporte le site d'information hollandais NU.nl («nu» veut dire «maintenant» en hollandais).

Des huissiers sont débarqués dans le bâtiment où sont exposées les 109 plus belles voitures créées durant les six décennies d'existences du constructeur automobile suédois. Ils ont mis des scellés sur chaque auto et sur toutes les portes du musée, qui est située dans la ville de Trollhättan.

Saab a 208 millions de dollars en dettes impayées et le syndic de faillite se positionne pour vendre la collection à l'encan. Selon les médias locaux, le syndic n'a pas le droit de vendre les voitures pour le moment (Saab lutte encore pour sa survie et n'est pas en faillite définitive) mais avec la mise sous séquestre, le constructeur a perdu le contrôle des voitures.

La pièce la plus célèbre qui exciterait la convoitise des collectionneurs est la UrSAAB, le premier prototype fonctionnel de voiture fabriqué par Saab, en mars 1946. «Ur» est un préfixe suédois qui se traduit le plus souvent par «original», mais la UrSAAB est parfois appelée «Saab primordiale».

«Je m'en fous qu'elle ait l'air d'une grenouille»

Jusqu'à cette époque, Saab était une avionnerie spécialisée dans la construction d'avions militaires. Avec la fin de la Seconde guerre mondiale, Saab savait que la demande d'avions tomberait et explorait divers produits de diversification lui permettant d'utiliser son savoir-faire et ses machines de production. L'automobile était un marché intéressant, mais Volvo était déjà établie. Alors un ingénieur et un styliste de Saab ont conçu une voiture compacte, un segment où Volvo était moins présente.

Ni l'un ni l'autre n'avait jamais conçu ou dessiné une voiture et le résultat a été la UrSAAB, monocoque comme un fuselage d'avion, traction avant, légère et économique en essence.

Elle avait un coefficient aérodynamique de 0,32, un chiffre en avance de 20 ans sur toute auto concurrente. Le reste était du bric-à-brac: moteur 18 chevaux pris sur une vieille auto allemande DKW, un réservoir et de nombreuses pièces d'avion traînant dans les ateliers Saab, des pièces automobiles achetées dans une cour à ferraille.

Selon une anecdote qui fait partie du folklore de Saab, la direction et le conseil d'administration de Saab ont très clairement exprimé aux deux hommes qu'ils n'avaient jamais vu une auto aussi bizarre. «Si elle peut faire épargner 100 litres d'essence par année, je m'en fous qu'elle ait l'air d'une grenouille», a répondu du tac-au-tac l'ingénieur Gunnar Ljungström.

La ligne et la technologie de construction de la UrSAAB ont inspiré plusieurs générations de voitures Saab par la suite, plaisant à certains acheteurs précisément à cause de son apparence et sa conception hors-norme.

C'était une autre époque. Aujourd'hui, Saab est incapable de payer ses salaires depuis des mois, doit de l'argent non seulement à ses employés, mais surtout à des fournisseurs et sous-traitants. L'ancien propriétaire, GM, avait l'intention de fermer Saab lors de sa propre restructuration en 2009, mais la firme Spyker, de Hollande, l'a rachetée à la dernière minute.

Saab a toutes sortes de difficultés depuis, et s'accroche à son dernier espoir, un refinancement de 340 millions de dollars par l'entrée au capital de deux sociétés chinoises intéressées par sa technologie.

Selon NU.nl, le maire de Trollhättan, lui-même un ex-employé de Saab, a indiqué que la ville chercherait à acheter la UrSAAB primordiale si elle est mise à l'encan.

Photo Wikipedia Commons

L'ancêtre de toutes les Saab, la UrSAAB, est esposée au Musée Saab, qui a récemment été ciblé par des agents du fisc suédois.