La surabondance de modèles sur le marché canadien, et québécois en particulier, a pour effet que des voitures sont perpétuellement anonymes. Ou presque. Certaines ne se vendent pas ou peu. Elles représentent un bide commercial ou elles sont tout simplement des voitures d'exception, donc rares. En jetant un oeil sur les modèles les moins vendus au Québec l'an dernier, on s'amuserait presque de leur impopularité ou de leur échec. Mais y a-t-il réellement échec?

Notre collègue Éric LeFrançois soulignait récemment dans un billet le trop grand nombre de modèles qui inondent inutilement le marché automobile québécois. Pas seulement toutes catégories confondues. Également du côté des voitures compactes et VUS compacts tant chéris par le consommateur québécois moyen. Il notait qu'à elles seules, les Honda Civic, Mazda3, Hyundai Elantra et Toyota Corolla représentaient l'an dernier la moitié des ventes de compactes.

>>> Tableau: les véhicules neufs les moins vendus au Québec en 2010

En y regardant de plus près, on s'aperçoit que pas moins de 146 modèles différents ont trouvé au moins un preneur l'an dernier au Québec sur le marché des véhicules neufs. Cent quarante-six, rien que pour les voitures. Il faut y ajouter les 128 modèles de camions légers et de véhicules utilitaires en tous genres vendus à au moins un exemplaire. Cela fait donc un total de 274 modèles rien que pour le Québec.

Du lot, beaucoup tirent leur épingle du jeu, mais beaucoup traînent en queue de peloton en matière de ventes. À la lecture du tableau, il est tentant de montrer du doigt et de railler certains bides ou des laideurs. Attention, cependant, l'exercice est périlleux.

«Les cinq modèles qui se vendent le moins sont difficiles à déterminer étant donné que bien des modèles sont au terme de leur présence sur le marché, et donc ne se vendent évidemment pas bien. De plus, des véhicules peuvent avoir de faibles volumes de ventes, mais dans des catégories de créneau, comme les sportives de luxe par exemple. Un faible volume s'apparenterait en fait à un fort volume. Pour être honnête, je ne pense pas que déterminer les plus basses ventes soit la bonne chose à faire et je ne saurais comment définir les plus mauvaises», explique l'analyste automobile Dennis DesRosiers, de DesRosiers Automotive Consultants.

«Les modèles qui ne marchent pas bien ne restent pas longtemps sur le marché», rappelle Yan Cimon, professeur au département de management de l'Université Laval. Et ce n'est pas parce que cela ne marche pas ici que cela ne marche pas ailleurs, ajoute ce spécialiste de l'industrie automobile.

Les 15 voitures les moins vendues au Québec l'an dernier sont presque toutes «en fin de carrière», si l'on peut dire. Quand elles n'appartiennent pas à un marché d'exception. Qui s'étonnera que seulement deux Maybach 57 ont été vendues?

D'autres sont par contre sur le point de sortir sous une nouvelle version. Les fidèles attendent ainsi la dernière-née plutôt que d'acheter celle qui est chez les concessionnaires. Ce qui explique en partie par exemple les neuf BMW Série6 vendues l'an dernier. Habituellement écoulés dans la province à hauteur de 60 exemplaires en moyenne par année, sa nouvelle version cabriolet sort ce printemps, son coupé à l'automne. BMW n'a pas fait d'effort particulier sur ce modèle l'an dernier.

Les 15 plus faibles ventes ne sont pas du même ordre en ce qui concerne les camions légers et les utilitaires. Si, par exemple, une seule personne a trouvé le Chrysler Aspen de son goût au point de l'acheter, 21 Québécois - tout de même - ont mis la main sur les derniers exemplaires de Hummer disponibles. Pour le reste, ces faibles chiffres sont justement relativement... faibles. Il n'y a qu'à penser au Lincoln Navigator vendu à 44 exemplaires l'an dernier.

Un seul chiffre illustre peut-être une réelle déception en matière de ventes, celui du Nissan Armada, écoulé à 38 exemplaires. Et encore.

Ces deux listes prêtent à sourire quand on voit que la Kia Amanti et le Cadillac Escalade EXT ont encore trouvé des admirateurs.

Abondance de biens ne nuit pas. C'est ce que croit Yan Cimon. «Les constructeurs généralistes, comme Toyota ou GM, n'ont pas le choix de proposer une large panoplie de modèles, car cela fait partie de leur modèle d'affaires, dit-il. Pour les constructeurs, il y a peu de profits sur certains modèles. Les concessionnaires, eux, se rattrapent alors sur le financement et le service après-vente.»

Au-delà de son rapport qualité-prix, le destin d'une voiture peut tenir à peu de choses. «Un véhicule est populaire car il est très vendu et il est très vendu car il est populaire. Beaucoup de consommateurs n'ont pas une conscience aiguë de leurs besoins», dit M. Cimon.