La plupart des constructeurs automobiles fouettent leurs ingénieurs pour hâter le développement de voitures électriques. Mais une petite firme de New Paltz, dans l'État de New York, mise sur une technologie française résolument low-tech et bon marché pour amener au marché américain un véhicule à air comprimé.

Zero Pollution Motors (ZPM) espère lancer d'ici 2010 une petite voiture qui serait mue par un moteur à air comprimé muni d'un petit moteur à essence faisant tourner un compresseur. Le président de ZPM, Shiva Vencat, vise une voiture se vendant entre 18 000 $ US (20 250 $ CAN) et 20 000 $ US (22 500 $ CAN) et faisant l'équivalent de 100 milles au gallon (2,35 L/100km). Et le seul gaz qui doit sortir de l'échappement doit être de l'air, du moins à basse vitesse.

Dans d'autres pays, cette technologie suscite de l'intérêt. La firme française Motor Development International - qui a vendu le brevet américain de sa technologie à ZPM - a dévoilé l'AirPod, une voiture à air comprimé, lors du Salon de l'auto de Genève, en mars.

Air France et KLM ont commencé à tester les AirPod dans les aérogares d'Europe pour les déplacements du personnel.

Mais les experts en génie sont sceptiques : comprimer de l'air est un processus notoirement énergivore.

«Le compresseur d'air est une des machines les moins efficaces pour convertir de l'électricité en travail», dit Harold Kung, professeur de génie chimique et biologique à l'Université Northwestern, à Chicago. «Pourquoi ne pas utiliser l'électricité directement, dans des voitures électriques? D'un point de vue énergétique, l'auto à air comprimé n'a pas de sens.»

L'«auto à air» se branche dans une prise ordinaire, et son compresseur fait monter la pression du réservoir à 4500 PSI en quatre heures. L'air comprimé est soufflé dans les pistons du moteur.

À moins de 55 km/h, l'auto fonctionne uniquement à air et sa seule émission est de l'air froid. À vitesse plus élevée, un petit moteur à essence démarre pour chauffer l'air, ce qui accélère son échappement. Le moteur fait aussi tourner le compresseur, ce qui permet de rouler plus loin.

La technologie de l'auto a été développée par l'ingénieur français Guy Nègre, président de Motor Development International. M. Nègre a aussi vendu les droits de sa technologie au géant automobile indien Tata Motors.

La fiche technique de l'auto de ZPM est spéculative, mais M. Vencat espère qu'elle roulera 32 km sur la charge originale du réservoir, puis des centaines de milles encore grâce au petit moteur à essence. La vitesse maximale sera de 155 km/h.

La technologie ne devrait pas être trop complexe, dit M. Vencat, Elle est similaire à celle des moteurs à combustion interne des voitures conventionnelles, la grande différence étant le carburant.

«Dans le fond, toutes les voitures qui roulent aujourd'hui, sauf les voitures électriques, sont des voitures à air comprimé» dit-il. «Elles amènent de l'air dans le cylindre, qui pousse le piston et la seule façon de pousser le piston est d'appliquer de la pression.»

James Van de Ven, professeur adjoint de génie mécanique à l'Institut polytechnique de Worcester, affirme qu'un compresseur permet de récupérer seulement 25% ou 30% de l'énergie nécessaire pour comprimer l'air. Le reste se perd en chaleur, en fuites d'air.

C'est un peu mieux qu'un moteur à essence, mais c'est bien peu quand on compare avec les voitures hybrides essence-électricité, dont l'efficacité approche 80%, dit le professeur Van de Ven.

Un coup d'oeil à la fiche technique de ZPM illustre le problème : durant les quatre heures nécessaires à la charge, le compresseur de 5,5 kilowatts de l'auto prendrait 22 KW/h d'électricité (la même énergie pour faire briller 10 ampoules de 100 watts durant 22 heures). Et ça permet à l'auto à air de rouler 32 km.

Par comparaison, General Motors dit que sa Chevrolet Volt va utiliser seulement 8 KW/h pour charger ses batteries, qui permettront de rouler 65 km.

George Haley, professeur d'administration à l'Université de New Haven, affirme que les normes de sécurité nord-américaines pourraient être un autre obstacle, compte tenu de la légèreté et la petitesse de l'auto de Zero Pollution Motors.

M. Vencat dit qu'il entend ces critiques «de partout au monde» et qu'il en fait peut de cas. Il rétorque que sa voiture est plus propre que toutes les moteurs à combustion interne, en plus d'être remarquablement plus simple et moins chère que d'autres systèmes de moto-propulsion actuellement en développement.

«La grande différence est que la Volt (et les autres hybrides) a une batterie», dit M. Vencat. L'énorme batterie lithium-ion de la Chevrolet Volt est une des principales raisons qui pousseront son prix autour de 40 000 $ US (45 000 $ CAN) quand elle sera lancée en 2010.

Il reconnaît qu'il sera difficile de lancer l'auto à air rapidement, mais il affirme qu'il y a de l'intérêt chez les investisseurs.

«Vous savez, on a plein d'acheteurs qui auraient voulu leur auto hier.»