L'industrie de l'automobile est entrée dans une zone de turbulences qui s'annoncent particulièrement violentes. Sans réelles nouveautés, les ventes s'effriteront-elles irrémédiablement?

L'année automobile 2009 tire à sa fin. Dès le mois prochain, les premiers modèles 2010 viendront se glisser dans le portefeuille de quelques constructeurs dans le but évident d'aiguiser la demande. On veut bien y croire, mais encore faudrait-il trouver matière à rêver.

 

En fait, aussi bien vous prévenir tout de suite, les vraies nouveautés seront rares. Dans un contexte de faiblesse économique, l'argumentaire de vente risque de reléguer au second plan les questions d'innovation (dans un sens large) au profit de la question des prix. Et comme c'est le cas depuis plusieurs mois déjà, on pourra voir les constructeurs multiplier les opérations promotionnelles afin de soutenir leurs ventes plutôt que de nous vanter les mérites déjà connus de leurs «nouveaux» modèles. Au diable la forme et les innovations à gogo, le prix et la capacité de payer des consommateurs seront au coeur de leur décision d'achat.

À l'évidence, la plupart des constructeurs l'ont compris. Soit ils repoussent la sortie de nouveaux modèles, soit ils se recentrent de plus en plus sur leur savoir-faire sans chercher à se dépasser. De fait, aucune des nouveautés présentées au cours des derniers mois ne fait la révolution attendue, voire souhaitée chez la clientèle. Et demain? On attend toujours confirmation, laquelle sera vraisemblablement donnée, en partie, à l'occasion du salon de Detroit, le mois prochain, avec notamment la Honda Insight, qui promet de rendre «la technologie hybride abordable». Enfin.

Si les modèles évoluent peu, c'est que tous les constructeurs sont mobilisés par la crise. Dès lors, fini l'époque où les constructeurs s'empressaient de démoder ce qu'ils venaient de créer pour susciter de nouvelles envies. Finie la voiture «papier-mouchoir». Cette politique du renouvellement des gammes à outrance a coûté extrêmement cher aux constructeurs sans qu'ils en retirent forcément les dividendes attendus.

Prenez par exemple la Mazda3, dont la mouture actuelle tire sa révérence le mois prochain: elle connaît cette année sa meilleure année de vente depuis son lancement, à l'automne 2003. Pourquoi la remplacer par un modèle qui s'annonce seulement évolutif? Pourquoi un Chevrolet Traverse (voir le Match du mois en pages 8 et 9)? GM n'est-il pas déjà suffisamment représenté avec les Enclave, Acadia et Outlook dans le segment des Crossovers? Pourquoi le retour du Challenger, de la Camaro ou encore le renouvellement de la Mustang? Pourquoi?

Si la multiplicité des nouveautés et le renouvellement des modèles ont été pour les constructeurs un axe de croissance longtemps jugé indispensable, on se demande bien la lecture qu'ils en font aujourd'hui devant leurs coffres, souvent vides. Bien entendu, l'industrie automobile fonctionne au volume. Plus le marché est morcelé, plus cet objectif est difficile à atteindre.

Mais face à la crise actuelle et d'ici à ce que l'automobile fasse sa vraie révolution (électrique, hydrogène ou tout simplement hybride), il y a fort à parier que l'industrie reviendra aux méthodes américaines de l'après-guerre, à savoir: un petit lifting une fois de temps en temps. La carrosserie changera un peu, mais les dessous demeureront les mêmes. En d'autres mots: laissez tomber la feuille blanche et, autant se faire que peut, sortez la gomme à effacer.

Dans le contexte actuel, l'industrie de l'automobile n'a pas le choix. Elle doit réduire ses risques et faire évoluer ses gammes à dose homéopathique. Elle doit également mettre un frein à l'innovation, au risque de perdre quelques clients. Car continuer à innover à tout-va, c'est accepter une baisse des marges, donc un recul des bénéfices, ce que l'industrie et ses sous-traitants ne peuvent plus se permettre.

Les seules dépenses consenties seront celles dictées par l'évolution de la réglementation: il faut réduire la consommation des véhicules, améliorer les systèmes d'injection, perfectionner les équipements de sécurité. Mais ces innovations, qui seront le fruit de l'imagination d'ingénieurs, parfois un peu déconnectés des attentes des automobilistes, seront recalées. Car il est indispensable que l'automobiliste accorde de la valeur à l'innovation et, plus important encore, qu'il soit prêt à payer pour cela. Un autre risque que l'industrie n'est pas disposée à prendre. Pas maintenant.