Les vacances, c'est pour bientôt? Ce vendredi ou celui de la semaine prochaine? Qu'importe, ce jour-là, vous serez sans doute serein, mais pas encore assez reposé pour prendre la route des soucis.

Celle-là même où vous risquez de mesurer à quel point le champ clos de l'autoroute à l'approche de la saturation révèle comportements et caractères. Vous qui partez plein de bons sentiments allez vous transformer, au fil des kilomètres, en mercenaire du volant soucieux de votre espace vital, qu'un malpoli tentera immanquablement de vous disputer.

Et pourtant, tout débutera bien. Climatisation à régime de croisière, moteur ronronnant de contentement et disque compact de Michael Bublé (c'est doux, non?) en sourdine, oreillette bluetooth scotchée à l'oreille, la route vous paraîtra alors comme un ruban de félicité. Funeste erreur, cela pourrait déjà être un avant-goût de la guerre de tranchées qui s'ouvrira à chaque entrée dans les grandes villes de cette province, de ce pays, voire de ce continent. La tension monte insidieusement lorsque, appliqué à respecter vos distances de sécurité, il y en a toujours un pour vous dépasser et venir se rabattre en forçant le passage, là, au ras du capot de votre véhicule.

Ni clignotant à droite ni signe de connivence aimable, une seule loi en guise d'ouverture des hostilités, celle du plus fort. Encore maître de vous, vous ne répliquez pas bêtement et rétablissez progressivement la marge de sécurité que l'importun est venu occuper. Peine perdue, un autre de la même espèce s'empressera de réitérer l'opération. Comme si le chauffard était par nature attiré par le vide. À ce petit jeu, l'automobiliste prudent va rétrograder progressivement dans la file continue.

La réplique est connue. Pour éviter les as du slalom, il suffit de réduire l'écart pourtant nécessaire avec la voiture qui précède. Mais cela implique des temps de réaction réduits en cas de freinage. Le carambolage est à ce prix et se répète selon les mêmes absurdes ressorts sans qu'une quelconque force de l'ordre y puisse mettre bon ordre. Pendant ce temps-là, la radio susurre des scénarios catastrophes où il est question de soirées qui se terminent mal et de voitures du samedi soir qui se transforment en cercueils roulants.

La Sûreté du Québec veille au grain, mais la caravane passe. Celle-là exaspère aussi son monde. Propriétaires du macadam, sûrs de leur taille et de leur poids, certains routiers gagneraient l'estime des autres usagers si à la compétence professionnelle ils ajoutaient un peu de courtoisie afin d'aider les autres usagers à ne pas rester bloqués derrière eux.

Mais la pire habitude prise par les automobilistes sur les autoroutes est leur refus de se rabattre, après un dépassement, dans la file de droite. Au mépris du code de la route, qui pourtant le recommande, les usagers ont pris la déplorable habitude de choisir une file et de ne plus en bouger. De ce fait, la file de gauche n'est plus nécessairement la plus rapide et celui qui voudrait l'emprunter n'en délogera pas si aisément ceux qui y sommeillent.

On assiste ainsi de plus en plus fréquemment à des dépassements par la droite sur les axes à deux et trois voies, la circulation se fait donc en colonne selon une allure arbitrairement réglée par les usagers eux-mêmes. Cette façon de faire est bien connue et admise aux États-Unis, où l'on sanctionne seulement les changements de file intempestifs. Beaucoup d'usagers semblent avoir déjà intégré cette façon de faire, n'acceptant que de fort mauvaise grâce de se rabattre devant un automobiliste qui solliciterait le passage d'un bref appel de phares. L'abus de position dominante des redresseurs de torts qui, roulant benoîtement à 100 km/h, n'entendent pas céder le passage aux sanguins qui filent au-dessus des limites, offre ainsi quelques édifiants exemples d'agressivité gratuite.

On peut penser qu'un peu de courtoisie de part et d'autre et un meilleur respect de notre code de la route ne feraient pas de tort. Sur une autoroute, on roule à droite et on double par la gauche, et le changement de file s'opère aussi vite que si on était sur une route à deux voies. Évidemment, tout cela exige un peu plus de participation au volant et de vigilance. Mais l'une et l'autre ne peuvent qu'inciter les usagers, en ne sombrant pas dans une torpeur fatale, à une meilleure sécurité.