Synonyme de haute performance au Japon depuis 1969, la dynastie Skyline, dont la GT-R est aujourd'hui l'héritière, a toujours été produite avec conduite à droite. Elle est donc rarement visible hors de l'archipel nippon.

Depuis 10 ans, on peut cependant la piloter virtuellement dans le jeu vidéo Gran Turismo, ce qui a largement contribué à l'image de marque de cette voiture d'exception.La voici enfin disponible chez nous dans la vraie vie. Vendue 81 900$ chez cinq concessionnaires au Québec, la GT-R «ne sera plus un objet de désir hors d'atteinte», a promis Carlos Ghosn, président et chef de la direction de Nissan, lors du dévoilement de ce modèle-culte, l'automne dernier, au Salon de Tokyo.

Naturellement, l'engouement que suscite la bombe japonaise va à contre-courant du reste de la planète automobile, où l'économie d'essence et la préservation de l'environnement sont devenues des priorités pour l'industrie automobile.

Puisque les voitures allemandes sont la référence, les concepteurs de la GT-R n'ont rien ménagé. Sur papier, la GT-R est alléchante. En visant directement la Porsche 911 et la Corvette, cette voiture s'inscrit dans une démarche de maîtrise et de sécurité, deux éléments enlevés au conducteur et confiés à la technologie du XXIe siècle.

Évacuons immédiatement, si vous le voulez bien, la question du châssis, et précisons que la GT-R ne retient aucun composant des R32, ces GT-R que vous apercevez sur les routes du Québec (avec conduite à droite) depuis quelques années. Mais la GT-R n'est pas partie de rien pour autant, puisque l'architecture est en quelque sorte une évolution de la plateforme Front Midship, actuellement camouflée sous les carrosseries de nombreux produits Nissan et Infiniti (G35, G37, 350Z, etc.). Baptisée Premium Midship, cette architecture comporte plusieurs éléments d'aluminium et de carbone afin de préserver son rapport poids-puissance sous la barre des 4 kg par cheval-vapeur.

Sous le capot, maintenu par une vulgaire béquille métallique, se cache une mécanique de feu: un six cylindres 3,8 litres biturbo de 480 chevaux, qui garantit un passage de 0 à 100 km/h en 3,5 secondes et une vitesse de pointe de 311 km/h. Pour trouver mieux, il faut se tourner vers la Lamborghini Murciélago (3,4 secondes) et débourser 450 000$... Si l'on prête foi aux indiscrétions de certains journalistes allemands, une version à la fois plus légère et plus puissante de la GT-R - la SPEC V - use présentement ses 550 chevaux sur le tarmac du Nürburgring, en Allemagne, où la GT-R «normale» vient de signer un nouveau record. On n'arrête pas le progrès, pas plus que l'escalade de la puissance.

Parcours contrôlé

La GT-R que nous venons d'essayer n'a pas encore à rougir de la comparaison. Avec ses quatre arbres à cames en tête, à calage variable, et un graissage par carter sec qui permet d'encaisser 1 G en latéral sans déjauger et son châssis actif, la GT-R semble déjà taillée pour le circuit. Cela tombe bien puisque c'est justement sur un parcours contrôlé (et sécuritaire) que Nissan a prévu nous emmener. À ce sujet, notre essai de la GT-R se déroule en deux temps. D'abord à Reno, au Nevada (Fernely-Reno), puis au Portugal (circuit d'Estoril).

Confortablement sanglé à bord, on appuie sur le bouton rouge «start» et le V6 biturbo s'ébroue aussitôt, mais sans déchirer le silence ambiant. Une pression de la main droite et la première s'engage. La GT-R décolle instantanément et vous plaque au dossier sans ménagement.

 

Pour l'occasion, les parcours de Fernely-Reno et d'Estoril sont agrémentés de quelques chicanes afin de ralentir un peu le rythme, mais aussi d'éprouver un peu plus les freins. Et c'est bien la partie qui nous inquiétait le plus, car malgré leur généreuse taille, les étriers à six pistons à l'avant (quatre à l'arrière) ont près de deux tonnes à stopper à chaque virage. Les précautions prises par Nissan ne nous permettent pas de juger de leur endurance véritable, car il nous est interdit d'accomplir plus de trois tours enchaînés. C'est peu, alors il nous faut brûler les étapes tout en respectant les consignes de sécurité élevées. Partagé entre la prudence que nécessite la découverte d'un tel engin (et du circuit) et l'obligation de procéder à un véritable essai, nous lâchons enfin toute la cavalerie qui, sitôt le deuxième rapport passé, pousse une clameur sauvage.

Au terme du premier tour de reconnaissance, la bête nous presse de hausser la cadence. La précision de la direction autorise un placement au millimètre, avec une adhérence déconcertante des pneus Bridgestone de 20 pouces, spécialement définis pour la GT-R. La rigidité du châssis et le montage ferme des éléments de suspension triangulés et pilotés finissent par composer un comportement très équilibré, sous-vireur en entrée de courbe si on se montre enthousiaste, mais neutre dès que l'on parvient à plaquer le train avant au freinage.

La GT-R trace des trajectoires au scalpel et se catapulte d'une courbe à l'autre. La descente des rapports relance automatiquement le régime entre chaque vitesse, dispensant du talon-pointe, le tout souligné par quelques crachotements satisfait de l'échappement.

La puissance de ralentissement est bien là, mais ce sont les accélérations hallucinantes qui marquent les esprits. Comment ça pousse (ou tire, selon le patois)? Imaginez que vous êtes une bille lancée par une fronde géante et vous aurez une bonne idée de la sensation ressentie. L'aiguille du compte-tours bondit si vite qu'il faut anticiper de 700 tours avant la zone rouge le passage de la vitesse suivante.

 

Cela se fait du bout des doigts et plutôt vite, pour cette boîte automatique à sept rapports à commande manuelle dont les temps de réaction ont été diminués grâce à l'utilisation d'un double embrayage; on peut procéder encore plus vite en optant pour le mode sport, que l'on sélectionne en donnant une pichenette sur l'une des commandes placées dans la partie centrale du tableau de bord, juste sous l'écran de l'ordinateur. Clin d'oeil aux jeux vidéo, l'ordinateur de bord permet notamment aux passagers d'analyser le «sang-froid» du pilote (par exemple la pression exercée sur la pédale d'accélérateur). Les enfants vont aimer plus que les grands...

Géré par un contrôle de stabilité électronique assez joueur, car il autorise un placement de l'arrière en courbe, le châssis est magnifique d'efficacité. On doit ce trait aux quatre roues motrices dont la répartition normale de 98% sur l'arrière peut, dans les cas extrêmes, se répartir équitablement entre les essieux (50-50). Sur circuit, cela arrive à chaque sortie de virage, quand les grandes roues de 20 pouces mordent l'asphalte avec appétit. Ce rythme effarant procure une forme d'agilité toute relative à cette GT-R, pourtant volumineuse. Comme sur la console de jeu, avec le «VDC-R», le réglage s'affine selon trois niveaux: «Normal», «Winter» (NDLR: des pneus d'hiver seront proposés par Bridgestone cet automne) et R. On imagine que le dernier raidit toutes les flexibilités et ne s'adapte qu'à un revêtement parfait.

Mais le meilleur n'est pas là. Même si sa performance sur un circuit vous décroche la mâchoire, une telle voiture est destinée avant tout à la route pour laquelle, après ces quelques tours du circuit d'Estoril, elle paraît totalement surdimensionnée.

Plus profitable

Conséquemment, notre premier contact quelques semaines plus tôt avec la GT-R sur les lacets étroits du comté de Storey, au Nevada, s'est révélé plus profitable pour juger de la malléabilité de cette Nissan qui se laisse conduire comme une Sentra...

Et c'est sur les voies publiques que la GT-R a le plus attisé les convoitises, avec sa robe qui transpire la haute technologie. Ni belle ni laide, la GT-R séduit doucement.

Sa «peau» métallique cache des dispositifs aérodynamiques internes qui lui fournissent un appui graduel jusqu'à 300 km/h, sans appendices extérieurs disgracieux, mais ne parvient toutefois pas, dans le cadre d'une utilisation quotidienne, à soustraire son déflecteur avant des mauvais coups que lui assènent les trottoirs et autres bornes de décélération. C'est bien là l'un de ses seuls défauts.

Les frais de transport et d'hébergement pour la réalisation de ce reportage ont été payés par Nissan Canada.