Il y a beaucoup d'architecture dans une voiture. Espace habitable, vitres, rangements, commodités, aménagement, chauffage et climatisation...

Tous les constructeurs connaissent ces contraintes et bien peu en ont tenu compte de façon vraiment différente. Figée selon une organisation immuable, l'automobile n'a vraiment fait preuve d'audace qu'avec l'apparition de la fourgonnette. Mais la fourgonnette ne se vend plus. Sa déclinaison en taille inférieure et sous des dehors parfois différents - comme en font foi deux de nos trois protagonistes - apporte une touche nouvelle et s'amuse à jouer surtout à qui peut le moins, peut le plus.

Sous le charme, des centaines de journalistes automobiles d'ici ont découvert à l'été 2005 le premier véhicule d'un tout nouveau genre, la fourgonnette compacte. La Mazda5 n'était finalement que le fruit logique d'une longue réflexion amorcée il y a un peu plus de 25 ans avec les Nissan Multi, Dodge Colt Wagon et Honda Odyssey (première mouture). Le pari était audacieux vu le maigre succès remporté par ces véhicules.

La 5 joue sur un registre plutôt fin, dont ni Mazda ni aucun constructeur automobile ne possède la clé: cette étrange alchimie de l'esprit et de l'air qui fait que le public adopte ou rejette un nouveau véhicule, une nouvelle ligne. Malgré son faux départ (ennui technique qui a causé un début d'incendie à bord des premiers exemplaires), le public lui a accordé son soutien et aujourd'hui, Mazda assure qu'elle ne réussit pas à répondre à la demande. Au Québec du moins.

Convoitée par les nouveaux citadins et les familles recomposées, la 5 n'a jusqu'à tout récemment rencontré que peu d'opposition. On attendait General Motors (Opel Meriva), Toyota (Corolla Verso), voire Volkswagen (Touran); c'est finalement Kia qui a été le premier à se manifester avec le Rondo, suivi cette année par Chrysler et son Journey. Deux prétendants qui cultivent cependant un certain classicisme face à la 5, la seule à offrir un accès aux places arrière par deux portes coulissantes.

Vie à bord

Avec la 5, Mazda prétend avoir trouvé le subtil dosage entre encombrement, habitabilité, modularité, qualités routières et prix. Ambitieux programme qui se traduit par un véhicule à peine plus long qu'une Mazda 3, mais capable d'héberger six personnes ou de transporter 730 litres de matériel.

Et voilà réunis les principaux attributs de ce véhicule qui se décline en deux livrées: GS et GT. À peine plus longue qu'un Rondo (+75 mm), la 5 est cependant beaucoup plus courte qu'un Journey (-247 mm) qui, à l'instar de la Sud-Coréenne, prétend accueillir sept passagers plutôt que six, et un passager additionnel dans des situations d'urgence dans le cas de l'étroite Japonaise. En effet, c'est sous cet angle que la Mazda trahit en partie les choix prônés dans l'habitacle.

La 5 opte en effet pour une configuration six places, répartie sur trois rangées de sièges tous escamotables (mais pas amovibles). Inclinables et montés sur glissières (mais pas dotés de mémoire), les sièges du deuxième rang facilitent l'accès aux deux places du «fond». Lesquelles ne pourront échoir qu'à des enfants, principalement en raison d'un espace aux jambes trop limité. Même s'ils ne comptent pas sur des places arrière aussi accessibles, les Rondo et Journey s'avèrent cependant plus accueillants que la 5.

La Dodge surtout, en raison principalement de sa taille beaucoup plus imposante. Mais l'Américaine ne peut être qualifiée de véritable sept places pour autant. Les deux places «du fond» sont, comme chez la concurrence, pratiques lors des situations d'urgence, comme lorsqu'on veut emmener tous les enfants du voisinage à l'école, mais trop étroites et fermes pour envisager autre chose que des trajets de fortune.

Conséquence inhérente à ce type de véhicule, le volume de chargement se révèle rachitique lorsque toutes les places à bord sont occupées. Tout va heureusement mieux une fois le troisième rang rabattu, et plus encore en mode deux places. Les occupants ou le chargement; il faudra choisir!

Avec les réglages en tout sens du siège du conducteur et du volant, la position de conduite à bord de la 5 est sensiblement la même que sur une berline, l'altitude en plus (la garde au sol est de 5 mm plus élevée que celle de la 3). Seule petite gêne, les montants de pare-brise, très avancés, perturbent légèrement le champ de vision et ce, malgré des glaces de custode. La position de conduite est aussi très invitante à bord de la Rondo, qui bénéficie d'une surface vitrée encore plus imposante et offre par le fait même une visibilité remarquable, ce qui permet de profiter de l'assise élevée. En revanche, la présentation intérieure est plutôt désolante et vieillotte face à une 5 joliment restaurée et - enfin - habillée de matériaux plus riches.

Même si elle ne fait pas preuve d'un grand modernisme, comme en font foi le graphisme et le rétro-éclairage de son bloc d'instrumentation ainsi que l'ergonomie de certaines commandes (il aurait été préférable d'inverser l'emplacement de la climatisation et celui de la sono), l'ambiance à bord du Journey est apparue beaucoup plus conviviale et chaleureuse. Plus astucieuse aussi, avec un coffre à gants réfrigéré; des porte-gobelets illuminés; un rehausseur pour siège d'enfant; un système de divertissement (DVD avec prises auxiliaires); deux cavités dans le plancher (dans lesquelles il est par exemple possible de remiser 24 canettes de boissons gazeuses), et une cachette secrète sous le coussin du siège du passager avant. Rondo et 5 sont soufflées et le Journey remporte le premier segment de cette confrontation.

Sur la route

Sur le plan mécanique, Journey et Rondo logent à la même enseigne. L'Américaine et la Sud-Coréenne proposent des mécaniques plus puissantes (six cylindres) en plus d'offrir, selon les livrées, un rouage à quatre roues motrices, toujours précieux dans nos contrées. La 5 est la seule à proposer, de série, une boîte manuelle à cinq rapports. Sous son capot s'agite toujours le même quatre cylindres de 2,3 litres (153 chevaux).

Cette mécanique, moins festive qu'à bord d'une 3 en raison du poids accru de la 5 (environ 225 kg), ne paraît pas aussi déficitaire sur le plan des performances que celle de ses deux rivaux. Celle du Journey surtout. Un déficit de brio qui, soyez prévenus, s'accentuera quand les places assises et le plancher du coffre seront pleinement utilisés. Hélas, ce ne sont pas que les accélérations et les reprises qui en souffrent, mais aussi la consommation.

Qu'il roule sur un parcours urbain ou autoroutier, le Journey requiert en moyenne 1,1 litre de plus que la Mazda pour parcourir 100 km. Le Rondo ne fait guère mieux sans pour autant livrer les performances et le raffinement auxquels nous nous attendions.

Facile à prendre en main, la 5 se conduit comme une bonne berline Mazda, c'est-à-dire qu'elle est plutôt agile. À la fois saine et stable, la 5 affiche une propension plus marquée pour le sous-virage (train avant qui tire tout droit dans un virage) dans les courbes serrées. Une tare que le constructeur aurait aisément pu corriger en offrant un correcteur électronique de stabilité, comme elle le fait sur d'autres marchés. C'est d'autant plus regrettable que Rondo et Journey proposent un tel équipement de sécurité, sans frais additionnels en plus d'un antipatinage, que la 5 ne propose pas non plus.

Aides à la conduite ou pas, la 5 se distingue par un train avant particulièrement efficace et un essieu arrière assez mobile pour enrouler les courbes avec tact. Sa direction offre un toucher de la route agréable et une précision étonnante, même au centre. On reprochera toutefois à ses suspensions une certaine sécheresse sur les saignées transversales et les chemins bosselés. Moins dynamiques, le Rondo et le Journey se révèlent plus confortables et leurs passagers apprécieront la bonne gestion des mouvements de caisse qui, malgré la position surélevée des sièges, limitent la perception de roulis naturellement plus marquée sur ce type de véhicule. Celui ou celle qui se retrouvera au volant aurait sans doute souhaité un agrément de conduite plus relevé et une direction plus précise - sur le Journey surtout - mais l'adéquation entre comportement et confort comporte encore une part de mystère pour les trois constructeurs engagés de ce match.

En ville, 5 et Rondo sont plus plaisants (visibilité, braquage) que le Journey, pénalisé par sa longueur plus importante, mais surtout pour son rayon de braquage digne d'une fourgonnette... Pour se garer, ce n'est pas l'idéal, mais le Journey parvient tout de même à conserver la position de tête de ce match, malgré la remontée de la 5 dans cette deuxième phase.

Budget

À l'ultime étape, c'est la Mazda qui l'emporte, mais de peu. Sa consommation d'essence réduite, sa fiabilité éprouvée et la qualité de son réseau de concessionnaires lui ont procuré un certain avantage. En revanche, ce que le match ne dit pas, c'est que la 5 est incapable de tracter une charge, ce qui peut se révéler un sérieux handicap pour une certaine clientèle. De plus, soulignons l'absence d'un rouage intégral et du dernier cri en matière de système de surveillance.

N'eût été de son manque de souffle et de sa consommation d'essence, le Journey aurait logiquement pu prétendre à la victoire. Sa valeur résiduelle est une agréable surprise et les différentes configurations possibles (traction ou intégrale, quatre ou six cylindres, etc.) rendent l'offre de Chrysler particulièrement attrayante.

À 2,4 points de la tête, le Rondo ne démérite pas. Le rapport qualité-prix-équipements est le plus compétitif et sa garantie est la plus généreuse. En revanche, la qualité très inégale du service après-vente demeure un problème récurrent chez Kia, à en juger par le courrier reçu.

Remerciements à Jean-François Guay, Claude Rémillard et le Centre de jardinage St-Jean Botanix.